Point de vue

Que reste-t-il du Sphinx François Mitterrand, du 10 mai 1981 ?

11 mai 2011

Nombreux sont les 10 mai qui ont marqué l’histoire de notre pays. 10 mai 1848, 10 mai 1968, 10 mai 1981… Si toutes ont chacune une importance capitale dans l’Histoire, nous voulons nous arrêter sur celle qui, pour une fois, a porté la Gauche au pouvoir sous la conduite de François Mitterrand, élu président de la République le 10 mai 1981.

Opposé à De Gaulle qui voyait la France comme elle devait être, Mitterrand, lui, la voyait comme elle était. Les commentateurs politiques, ou spécialistes de la chose politique dessinaient deux avenirs de la France très opposés chez ces deux Grands hommes de notre pays. Chacun d’eux prédisait comme un prophète un destin pour le pays. François Mitterrand, l’homme du terroir, dans sa vision pour le pays, incarnait espoir et désespoir. Chef d’État, secret et solitaire, il a toujours fait l’objet de controverses, aimé, désavoué, on le voyait à l’image du peuple qu’il conduisait, il incarnait les ambiguïtés de ses compatriotes, les déchirements, les espoirs. En lui, on voyait la dialectique des contradictions. Haï par la Droite, craint par sa Gauche qui ne le trouvait pas trop de Gauche, il naviguait constamment entre ce qu’il jugeait bon pour son pays et sa force tranquille qui pouvait le retenir. Souvent, il était incompris de sa majorité. Mais sa capacité de réaction détonne et parfois convainc ses opposants. C’est ainsi qu’il rebondit après la cuisante défaite aux élections de 1986 et reconquit le pouvoir en se faisant réélire aux élections présidentielles de 1988.

François Mitterrand l’inclassable est à la fois provincial et parisien, pétainiste littéraire et résistant très politique, on le retrouve à la charnière de toutes les coalitions, ministre de la Répression en Algérie comme résistant au coup de force militaire en 1958. Indéfinissable et imprévisible, il était l’allié des communistes français avec lesquels il allait à la victoire de mai 1981, puis devient après la victoire leur ennemi intime. Mitterrand était aussi l’homme des réformes sociales et des réformes financières. Ces amis politiques lui reprochaient de trop se rapprocher du pouvoir financier alors qu’il prônait sa méfiance à l’égard de l’argent. Mais en homme d’État, en politique, il avait toujours su dépasser les querelles de clocher pour s’élever au-dessus des calculs et des combinaisons. Grand stratège politique, il n’hésitait pas, quand il le fallait, à mélanger les genres en politique. Il était obsédé par le rang de son pays. Il accepta facilement la cohabitation avec Jacques Chirac en 1986. C’est cette surprenante attitude que même ses opposants de Droite n’arrivaient pas à croire, jusqu’à aller l’encenser à sa mort. Fin politique, homme de manœuvre, ambitieux parfois cynique, anti-De Gaulle, il reprochait à ses prédécesseurs comme Léon Blum d’avoir peu gouverné et à Jaurès de n’avoir jamais gouverné, quand on lui reprochait certains aspects calamiteux de ses réformes décevantes, comme le domaine de la gestion, la face cachée du second septennat et les renoncements ou le refus de discernement au profit de son égo, qui ont affadi l’espoir. A ces détracteurs, s’il ne leur répondait pas par toutes ces réalisations qui étaient à son actif — la modernisation du pays par les grands travaux, l’abolition de la peine de mort, les lois sociales et la libération des ondes, entre autres —, il se dédouanait : « la réalité est ce qu’elle est. Les rêves s’y brisent, s’ils sont trop beaux. A la fin, veut-on gouverner, ou non ? ». Anti-soviétique, il renforça l’Axe Paris-Berlin, qui devient l’artisan de la confédération européenne, l’Union européenne.
Mitterrand, qui ne cesse d’innover de façon pragmatique, et qui insiste sur le fait qu’on peut être de Gauche, mais qu’il faut agir en dépassant le nombrilisme politique, reste continuateur du Général de Gaulle sur le plan stratégique et de la vision diplomatique, même s’il s’en défend. Il laissera un héritage qui reflètera toutes les ambivalences des Français. Mais il voulait à tout prix et à sa manière toujours porter en avant la France. On aurait aimé, sans retirer tout ce qu’on citerait à son actif, un peu moins de calcul politique un peu plus encore d’audace, lui qui avait coutume de dire : Il faut être de Gauche, mais il faut agir. Peut-être la maladie l’en avait privé !

Enfin, de Mitterrand, on retiendra un héritage, une leçon à méditer.

Bienvenu H. Diogo


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