Une grande dame de la chanson s’est éteinte

21 décembre 2011

Comme jadis Miriam Makéba, Bella Bello, et autres stars vénérées, la chanteuse Evora Césaria nous a quittés. Connue sous le nom de la « diva aux pieds nus », elle a tiré ses révérences ce samedi 17 décembre 2011 à l’âge de 70 ans.

L’Afrique et le monde perdent une voix et une vie, Césaria, qui, des années durant, s’est donnée corps et âme pour son pays, son continent et au monde. Talentueuse musicienne, émouvante chanteuse, elle a toujours su mettre sa voix au service des causes les plus nobles comme la défense des sans-abris, des femmes et des enfants pauvres de son pays, et popularisant ainsi la musique du Cap-Vert. Ses mélodies chantent la tolérance, la paix, la liberté et le plaisir de vivre. De ses chansons, on ne pouvait retenir la moindre ombre d’amertume, aucune pointe de revanche, mais tout est à la dignité face à toute épreuve. Figure de la World musique, elle avait su faire de son art parmi ses consœurs, Aicha Koné, Tchala Moana, Edia Sophie, Cella Stella, Angélique Kidjo, Monique Séka, pour ne citer que ces grandes dames de la musique du continent africain, une thérapie et un véritable espace d’expression d’un peuple mondial sinistré et sevré de tout. Bonne vivante, elle savait donner vie à son art auquel elle y croyait, qu’elle accompagnait avec bonheur, joie, allégresse et élégance.

La musique, cinquième pouvoir en Afrique, comme l’indiquait Zêdess, un célèbre chanteur de Burkina Faso, lui avait permis par sa voix exceptionnelle et adoucissante de faire passer en douceur, sur la scène mondiale comme ambassadrice de son pays, et auprès de mélomanes mondiaux, un message de paix et d’espérance. Ainsi, ces chansons aussi célèbres les unes que les autres — “Sodade”, “VaquinhaMansa”, “Miss Perfumado”… nous interpellent, nous mettent en garde contre l’immobilisme, et nous encouragent à l’action contre la paresse, la corruption et l’intolérance.

Cize de son affectueux nom que lui avait donné son inconditionnel public de fans capverdiens, elle évoquait en permanence l’Amour et la Révolte, la dureté et la beauté des îles. Elle chantait le Blues, la tristesse. De sa voix juste, suave, elle touchait directement le cœur et même de ceux qui ne s’arrêtaient que sur ses sonorités africano-cubaines, portées par la Mona, la musique au style envoûtant de son île natale. Elle incitait par cette douceur à l’amour des autres, à la réflexion.

D’humour décapant, elle avait su traduire l’adage africain « Toucher un verre ne veut pas dire y introduire son doigt ou sa main », par ces termes, « les vieilles, ça s’accroche pas, tu peux me serrer… ». Invitant ainsi un célèbre chanteur français, qui se retenait par pudeur, à profiter du plaisir de la danse. Dans ses yeux fermés se ressentait cette conscience professionnelle, qui faisait dire d’elle que dans le verre de whisky qu’elle tenait se dégageaient la concentration et la justesse de ses propos. Tout ce qui sortait comme parole était pesé et mesuré et avait une direction bien ciblée pour ses messages ; Elle ne chantait pas les amours faciles, ni l’éloge des puissants. Plutôt, elle offrait du rêve à travers ses albums, qu’on pouvait écouter en boucle sans jamais s’en lasser. On continuera à entendre l’écho de sa voix emplir les cœurs.

Césaria Evora, au royaume des étoiles, elle s’en est allée, mais pour toujours, elle restera gravée en nous, et nous n’oublierons sa voix entonner “Sodade”.

Bienvenu H. Diogo


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