20 ans déjà !

Les vœux pour 1989 de Gilbert Aubry, Eric Boyer, Pierre Lagourgue et Paul Vergès…

10 avril 2009

En 1989, ces quatre personnalités de l’île parlaient de responsabilité, rassemblement des Réunionnais, égalité, développement d’une Réunion unie dans le travail.

Tels étaient les vœux que formulaient le chef de l’église catholique, les présidents des Conseils Général et Régional et le secrétaire général du Parti Communiste Réunionnais. Des vœux emprunts d’espoirs et qui appelaient à la mobilisation pour une Réunion plus fraternelle.

1989 étant une année d’élection municipale, Monseigneur Gilbert Aubry, Evêque de La Réunion, insistait beaucoup : « Que l’ensemble de la société puisse fournir aux familles, fournir aux jeunes couples notamment les moyens de marcher vers le bonheur, vers ce rêve ; d’où nécessité de créer du travail, produire des richesses, partager plus équitablement. C’est un souhait que je formule aussi et surtout en direction des hommes politiques, les responsables sociaux économiques ; que les moyens de bonheur puissent se développer pour une vie plus humaine où les gens et les familles vont trouver leur compte.
Et ce sera l’année des municipales notamment. Dans le système qui est en place actuellement, majorité et opposition doivent travailler ensemble à l’intérieur des conseils municipaux. Nous sommes dans un système démocratique, pluraliste où il y a possibilité de se mettre au service des autres, faire valoir des candidatures, présenter des listes différentes. Et par conséquent, dans cette compétition démocratique, il est essentiel que les adversaires politiques soient des adversaires civiques et non pas des ennemis qui se tirent dedans et qui risquent de se détruire avec l’impossibilité de travailler autour d’une même table après...
 »
S’il n’y a plus de fraude à l’intérieur des bureaux de votes, à l’extérieur cela continue. Les « ennemis » d’hier restent les « ennemis » d’aujourd’hui. L’opposition de droite ou de gauche, n’ont pas droit à la parole. Ils continuent à se faire huer par les partisans du maire. Il faut comme le souhaite Monseigneur Gilbert Aubry que cela cesse.

Eric Boyer, Président du Conseil Général, a quitté la scène politique. Il est à la retraite. Son objectif pour 1989, c’était le changement :
« - changement au niveau des hommes,

- changement au niveau des mentalités,

- changement au niveau de la gestion de nos affaires.
Une nouvelle approche des problèmes permet maintenant à chacun, quelque soit sa sensibilité, de s’exprimer sur les grands dossiers qui concernent l’avenir de notre département. Je voudrais citer : le Revenu Minimum d’Insertion, l’Université, le développement des hauts…
Le dialogue existe. La dynamique est créée. Le terrain maintenant est propice à la concrétisation de nos objectifs.
Armons-nous aujourd’hui de volonté pour réussir notre développement...
 »
20 ans après, il y a eu des changements avec l’arrivée des nouvelles générations. Eric Boyer, Président du Conseil Général à l’époque, souhaitait « une Réunion unie dans le travail ».
Je ne pense pas que nous sommes un peuple de fainéants. Nous voulons prendre nos responsabilités et nous sommes capables d’en assumer. Il faut simplement ne pas avoir peur de l’autre.

Le docteur Pierre Lagourgue, Président du Conseil Régional (décédé le 17 février 1998) est un homme qui s’est donné totalement à son pays. Il n’avait pas peur de prendre ses responsabilités. Pour 1989, il nous suggérait : « La tradition veut qu’en cette période on se souhaite la bonne année. C’est pourquoi, sacrifiant à cette tradition, je m’adresse à tous les Réunionnais, au nom de mes collègues du Conseil Régional et au mien propre pour leur apporter nos meilleurs vœux pour 1989.
Mais je voudrais aussi qu’ils sachent que ce n’est pas un Président heureux qui leur parle mais un homme très préoccupé de l’avenir de notre île et donc du leur.
Je préfère passer un message d’espoir à tous, mais surtout aux plus défavorisés.
Je pense tout spécialement à ceux qui souffrent dans leur corps parce qu’ils sont gravement malades.
A ceux qui souffrent dans leur cœur parce qu’un être cher a disparu ou est aussi atteint par la maladie.
A ceux qui n’ont pas encore trouvé d’emploi ou qui ont perdu le leur. Que tous sachent que le Conseil Régional unanimement fait face aux responsabilités qui sont les siennes dans le domaine de la formation, de l’emploi et donc du développement…
 »
Ce n’était pas un président heureux. C’était un président très préoccupé de l’avenir de notre île. 20 ans après, s’il était toujours de ce monde, sa préoccupation aurait été multipliée par deux. Malheureusement, La Réunion a changé mais pas en bien. Nous vivons en pleine crise économique, sociale et culturelle. Cela n’empêche pas que des millions et des millions sont distribués aux dirigeants des entreprises en faillite.

Paul Vergès, en sa qualité de secrétaire général du P.C.R. (Parti Communiste Réunionnais) ne voit pas 1989 en rose. Il fait une description très dure de la survie de notre île. Son idée centrale était « Rassembler les Réunionnais pour l’égalité et le développement » :
« … C’est sur ces thèmes porteurs d’espoir nous voyons aujourd’hui se rassembler les Réunionnais, comme ce fut le cas en 1945 autour du Dr Raymond Vergès.
Bien entendu, aujourd’hui, la situation est bien plus complexe qu’en 1945.
La politique conduite ici depuis 30 ans a créé une situation de mal -développement dont les résultats sont angoissants, préoccupants, très graves.
La question que se pose à tous, c’est : quel avenir préparons-nous à la Génération 2000 ?
Cette question, est omniprésente, elle obsède tous les jeunes, qu’il sortent des écoles, des collèges, des lycées ou de l’université. Et c’est à partir de cela que nous pouvons mieux comprendre le rassemblement qui s’est concrètement manifesté à l’occasion du décès de Laurent Vergès. Son rayonnement parmi tous ces jeunes s’explique par le fait qu’il était le jeune qui s’était engagé le plus loin dans la bataille politique pour la jeunesse, pour l’application rapide de l’égalité sociale, pour le développement et pour l’identité réunionnaise.
1988 a montré que, sur tous ces plans, les jeunes doivent, comme Laurent l’a fait, jouer pleinement leur rôle dans cette bataille pour l’égalité et le développement et dans la lutte pour que toutes les barrières dressées artificiellement entre les Réunionnais disparaissent. Réconcilier, rassembler voilà ce qui doit être poursuivi en 1989, et les prochaines élections municipales qui se dérouleront, nous l’espérons, sans corruption et sans fraude doivent voir ce rassemblement de tous les Réunionnais, au-delà des étiquettes de droite pour l’Egalité et le Développement de La Réunion. »

Ainsi chaque année, les hommes d’église, les politiques font des analyses sur le développement social, économique et culturel de notre île. Des perspectives sont tracées. Les évènements freinent des actions qui se perdent souvent dans les paperasseries de l’administration…
Il y a pire, la France ne reconnaisse pas ses départements et territoires d’outre-mer… Quel que soit les médias de France, nous ne sommes jamais cités. Ils réagissent lorsque les évènements se précipitent et la situation se dégrade comme aux Antilles et La Réunion.
L’arrivée, 20 ans après, de Paul Vergès à la Région a fait avancer bien des projets. Les multiples déclarations de Monseigneur Gilbert Aubry ont fait réveiller les consciences des chrétiens de l’île. La naissance de l’interreligieux par ses prises de positions sur tel ou tel évènement de la vie locale ont pu à un certain moment faire réfléchir les politiques.
La marmite surchauffe de plus en plus. Il n’y a plus personne pour éteindre le feu. Un jour cela explosera, devant la politique de la langue de bois et des promesses non tenues. Oui, c’est un tableau noir. Oui la situation est grave. A force d’aller de compromis en compromis, on finira par devenir impuissant devant la violence qui se déchaînera sur notre île…

Marc Kichenapanaïdou


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