« Racaille – kaniar – voyou – paresseux… »

20 février 2013

Manifestation au Port.
La situation actuelle à La Réunion impose une grande solidarité entre les Réunionnais, et notre attention doit être vivement tournée vers ceux qui n’ont rien. (photo Toniox)

Ce sont des qualificatifs que j’ai entendus lundi sur une certaine radio contre les personnes qui manifestaient sur le rond-point du Sacré Cœur au Port. Quelle tristesse !
Ces gens qui appellent sur une radio et qui s’autorisent à de telles remarques les justifient pour les raisons suivantes :

1) Ils vont au travail et ils estiment qu’ils sont pris en otages dans un embouteillage — Ils vont être en retard et vont être réprimandés par leur patron.
2) Certains automobilistes ont des achats dans leur voiture et ont peur de se faire cambrioler.
3) Certains ont peur pour leur voiture parce qu’apparemment, il y a des jets de galets.

Majoritairement, les personnes que j’ai entendues sont contre ces manifestants et contre cette manifestation. Ils réclament une forte présence policière pour les sécuriser. Ils demandent même au préfet d’intervenir au plus vite afin de faire cesser ce mouvement.
Cette situation est très révélatrice à La Réunion : Il y a deux mondes qui se côtoient, mais qui ne se connaissent pas :

- D’un côté, ceux qui ont la chance de travailler, d’avoir pu construire une famille et qui ont certainement des projets de vacances, donc des perspectives d’avenir,

- D’un autre côté, ceux qui sont laissés pour compte, notamment notre jeunesse qui, très souvent diplômée (BEP – CAP – Bac – BTS…) ne trouve pas de travail, n’a aucune perspective d’avenir, n’est pas entendue, n’a plus de rêves, vit dans un état de précarité extraordinaire.

Ces jeunes prennent une journée pour se faire entendre et, à ce moment-là, ils se font traiter des qualificatifs comme précédemment cités.
La situation actuelle à La Réunion impose une grande solidarité entre les Réunionnais, et notre attention doit être vivement tournée vers ceux qui n’ont rien.
Il ne s’agit pas, bien entendu, de cautionner des actes de violence contre autrui. Mais il faut noter que la plus grande violence que l’on peut faire à un être humain, c’est de le casser dans sa dignité en l’humiliant et en ne lui permettant pas d’avoir des perspectives d’avenir.
Vous les travailleurs, vous les chômeurs, vous les précaires, nous sommes tous des Réunionnais, nous sommes des êtres humains, et cela, quelles que soient nos conditions sociales.

ET SI ON CHANGEAIT DE RÔLE ! C’est-à-dire, ceux qui travaillent et qui insultent les manifestants, seriez-vous prêts à prendre leur place ?

Face à cette situation, à cette réalité de cri de détresse - de douleur – d’appel au secours – à ce problème de mal-être de nos semblables, malheureusement, c’est le mépris - l’indifférence – car certains s’amusent à les stigmatiser ou n’ont tout simplement pas conscience de leurs difficultés quotidiennes.

Comme dirait Jacques Vergès : « Malheur aux Pauvres ».

Sylvie Mouniata


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