L’écrit militant à l’honneur

11ème édition du Prix Roman Métis

2 décembre 2020, par Correspondant Témoignages

Pour sa 11è édition le Grand jury du prix Roman Métis a choisi d’élire deux femmes aux écrits incontestablement militants.

« J’ai raté l’ascenseur social je suis passée par les escaliers »

La première lauréate du Grand Prix Roman Métis 2020, Gaëlle Bélem, a été choisie pour son roman « Un monstre est là, derrière la porte ».

C’est la première réunionnaise à être éditée chez le grand Gallimard. C’est dire la qualité de son récit. Elle insiste sur le fait qu’elle n’a bénéficié d’aucune largesse, d’aucun copinage : « J’ai envoyé mon manuscrit par la poste. Vous vous rendez-compte ? », dit-elle à l’assistance sur un ton moqueur.

Gaëlle Bélèm met l’accent sur la réussite de ceux qui, comme elle, n’étaient pas nés pour réussir à l’école. Elle qui naît et grandit dans une famille très modeste de Saint Benoît et qui fait quand même ses études à la Sorbonne. Elle cite énormément d’auteur-e-s qui ont jalonné sa vie et crée son univers. Parmi eux, Bourdieu, qui dans « Les Héritiers » montre que l’école « redouble les inégalités sociales », mais que certains, une minorité, s’en sortent. Elle cite Pennac et son « Chagrin d’école », lui qui était un cancre et qui est devenu un auteur reconnu. Elle qui est professeure d’histoire-géo et de latin, elle sait combien l’école peut faire mal, mais elle sait aussi qu’elle peut être une porte, elle sait que finalement rien n’est « déterminé ». C’est le message qu’elle veut faire passer dans son livre décidément militant : « tout le monde peut y arriver, mais rien ne sera facile ! Il faudra faire encore plus d’effort que les autres ». Il faut se battre, savoir ce que l’on veut, et être discipliné pour arriver au bout de ses ambitions.

Gaëlle Bélèm écrit pour les jeunes à qui elle enseigne, elle écrit aux jeunes qu’elle fréquente dans le cadre de son travail auprès du juge des enfants. Elle voudrait leur apporter un peu d’espoir. « J’ai raté l’ascenseur social je suis passée par les escaliers » nous dit-elle, dans un humour fracassant, presque théâtral, pour nous faire comprendre qu’il y a toujours un moyen de réussir sa vie, à condition de le vouloir profondément.

L’histoire se passe à La Réunion, elle aurait pu se passer ailleurs, on s’y trompe même parfois. Une histoire à découvrir si vous ne l’avez pas encore fait.

Une contribution à la cause Chagossienne

Le prix des lecteurs du Grand Prix Roman Métis, a été attribué à la très jeune et brillante franco-mauricienne Caroline Laurent pour son livre « Rivage de la colère ». Un livre pour attirer l’attention, faire connaître ou réhabiliter la terrible histoire du peuple Chagossien. Les habitants ont été déportés de leur pays dans les années 60 par la Grande Bretagne et abandonnés sur les quais à Maurice et aux Seychelles. Les autorités locales ont fermé les yeux sur ces personnes dans le dénuement total. Les survivants et les descendants Chagossiens réclament depuis une cinquantaine d’années leur retour sur leur terre natale. Dans le livre, le récit historique est romancée pour faire rêver et pousser un cri de colère en même temps.

« C’est le combat de David contre Goliath », dit Caroline Laurent, « mais je rêve qu’un jour, les Chagossiens vaincront les géants Américains et Anglais ». Nous partageons son rêve de voir un jour les chagossiens libre de retrouver leurs îles.

Elle a salué la lutte acharnée des Chagossiens, guidés par leur leader Olivier Bancoult, son « Nelson Mandela de l’Océan Indien ». Elle a remercié les amis réunionnais solidaires des chagossiens. Ils étaient présents les membres du Mouvement Réunionnais Pour la Paix, avec Julie Pontalba ainsi que ceux du Comité de Solidarité Chagos Réunion, avec Alain Drenau et Georges Gauvin, notamment. Ces deux derniers ont d’ailleurs été fortement applaudis par le public qui connait leur engagement depuis plus de 30 ans aux côtés des frères chagossiens.

Grâce à son récit magnifiquement écrit qui lui a valu le prix Maison de la Presse 2020 ainsi que le prix des lecteurs Roman Métis 2020, Caroline Laurent met les projecteurs sur cette histoire dramatique et participe incontestablement à faire avancer la lutte. Le livre sera bientôt traduit en anglais et on parle même d’un film dans lequel elle pourrait jouer un rôle.

En cette fin d’année, si vous cherchez un beau et instructif cadeau, vous l’avez ! En tout cas vous aurez de quoi participer, à votre manière, à faire avancer la cause de nos voisins les Chagossiens, un peuple créole, comme nous.

Correspondant

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