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1963 : le député Grigoris Lambrakis assassiné par les dictateurs grecs
À propos du film “Z”, une page d’Histoire
mercredi 3 août 2005
Un matin de mai 1963, les murs d’Athènes se couvrirent d’innombrables ’Z’. Le député de gauche Lambrakis venait d’être assassiné en pleine rue, sous l’œil complice de la police. ’Z’ pour ’zei’ (il vit) devenait le symbole, le cri de révolte du peuple grec.
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En parallèle avec la diffusion ce soir sur Tempo de "Z", le film de Costa-Gavras tiré du livre de Vassilis Vassilikos, sur l’assassinat de Grigoris Lambrakis, il paraît important de revenir sur la vie de cet homme qui fut assassiné à Thessalonique par deux membres d’une organisation terroriste d’extrême droite. C’est en étudiant les minutes du procès (interrogatoires, annotations, rapports d’experts et d’autopsie) que l’écrivain Vassilis Vassilikos dans son livre, a reconstruit le mécanisme d’un meurtre politique avec ses tenants et ses aboutissants. Il a pris la place du juge d’instruction et nous a rendu son travail, comme le juge lui-même l’a fait.
Mais qui était donc ce député qui fit tant couler d’encre après sa mort ? Il n’était pas un prêcheur, si ce n’est que pour la paix. Tout comme Jean Jaurès, le Docteur Lambrakis avait un credo, la paix au-dessus des partis politiques, des églises, et comme pour Jaurès, il semble que sa vision du monde ait suffit pour qu’on l’assassine !
Son métier était de soigner les gens et tout naturellement, quand on veut soigner les corps, on cherche à soigner le monde de la peste que sont l’injustice et la pauvreté. En fait, c’est le 23 mai 1963, jour de sa mort, qu’il est réellement né au monde. Sans ce meurtre, qui sait si l’on aurait entendu parler un jour de ce député volontaire et intègre, qui non content de donner son savoir, a donné son être tout entier à une cause, celle de l’humanisme !
Car si l’humanisme devait avoir un visage, ce serait celui de Grigoris Lambrakis. Sa vie était simple, il n’attendait pas le signe d’un Dieu quelconque pour agir, il était simplement auprès de ceux qui souffraient. Un député qui fait son job de député, c’est tellement rare, que cela finit par être exceptionnel et presque anachronique. Il ne voulait tirer aucun profit de sa situation privilégiée, il ne travaillait que pour l’instauration d’une paix internationale.
C’est une organisation d’extrême droite, qui peut être considérée d’une part comme la représentation active d’une mentalité d’anticommunisme primaire qui sévissait alors en Grèce, elle était comme le signe avant coureur du régime des colonels.
Coup d’État
Le meurtre de ce député de la gauche radicale entraîna la démission du gouvernement. Le 21 avril 1967, les "colonels" prennent le pouvoir en Grèce, devançant ainsi de peu, un coup d’état des "généraux", trop royalistes et soutenus par la C.I.A., qui veut éviter le communisme dans cette partie de l’Europe. Les colonels instaurent alors une politique de terreur et de corruption.
Ces événements peuvent sembler lointains, et pourtant, ils ont produit des conséquences, qui aujourd’hui encore sont très actuelles. Ce sont les mêmes groupes d’extrême droite que l’on voit fleurir dans nos démocraties européennes qui propagent des idées de racisme et d’ostracisme velléitaire, qui ont assassiné, il y a près de 40 ans le Docteur Grigoris Lambrakis, d’où l’importance du travail de Costa-Gavras et du film "Z". Ce film que l’on a cru longtemps romancé, s’avère de plus en plus réel, qu’importe où cela s’est passé, et même si ce crime a été perpétré dans autre siècle, le siècle d’avant, celui que vous, nous et les autres, ont vu se finir dans l’espoir que disparaissent à jamais ces dictatures.
Pourtant, nous voyons que dans ce nouveau siècle qui s’avance, toujours et encore, des docteurs Lambrakis se font assassiner ! Alors ce soir, nous verrons l’importance de la télévision dans le devoir de mémoire, car comme pour d’autres causes, c’est à l’exercice du devoir de mémoire que nous devrons nous atteler. Tout comme pour le franquisme ou le nazisme, nous devons nous souvenir que le terreau de la haine est fertile et qu’il n’y a pas si longtemps, le boulet de l’extrême droite est passé si près, que le vent de la dictature nous a ébouriffé les cheveux. Ce qu’il faut souligner, c’est que jamais, une telle idéologie, qui aujourd’hui a encore pignon sur rue, fait que des hommes bons et profondément intègres passent de l’autre coté de ce monde. Plutôt que de voir fleurir aux frontons de nos écoles, de nos mairies, de nos bâtiments publics "Liberté Égalité Fraternité”, voulons nous voir "National Socialisme" ? Alors Gloire à vous Monsieur Grigoris Lambrakis, vous nous avez donné votre vie pour que nous vivions libres et que notre descendance en prenne conscience, car les serviteurs de votre trempe n’ont qu’une seule nationalité, celle de citoyen du monde.
Je me suis attardé souvent sur le nom des rues dans de nombreuses villes, toujours les généraux, les hommes de guerre et parfois même quelques dictateurs tiennent le haut du pavé. À Saint-Denis, j’ai même vu une rue à la gloire d’une célèbre esclavagiste. Mais seule la ville du Port peut s’enorgueillir d’avoir donner le nom du docteur Grigoris Lambrakis à un de ses sites, et c’est le stade de cette ville qui a été choisi, j’y vois ici tout un symbole, le sport synonyme de paix et de joie.
Pour l’anecdote, au sujet du film "Z" : personne ne voulant risquer un centime dans ce projet, Jacques Perrin finança le tournage en Algérie. Le public bouda le film pendant les deux premières semaines, mais au final, ce fut un succès qui resta près de quarante semaines à l’affiche et apporta une renommée internationale à Costa-Gavras.
Philippe Tesseron
http://www.espaceblog.fr/teletesseron/
Messages
25 janvier 2012, 22:51, par lampedusa
Jusqu’à quel point la mort "accidentelle" de Constantin Angelopoulos
n’a è-elle point de ressemblance avec la mort de Grigoris Lambrakis ? Même situation de crise , même apparente non réaction des médias.
Jusqu’ à celle de Angelopoulos qui était en train de préparer un film sur l’empreinte de l’extrême droite dans la coalition qui a été placée à la tête du gouvernement grec.
16 mai, 13:25, par Fotoula IOANNIDIS
bonjour les camarades, je viens de voir que vous avez publié un article très interessant sur l’assassinat du député communiste grec Grigoris Lambrakis et je vous en remercie vivement. J’aimerais vous informer que ce 22/5/2023, EEDYE le mouvement de paix proche du parti communiste de Grèce organise à Marathon en Grèce une grande commémoration pour les 60 années après l’assassinat de Lambrakis avec le slogan suivant : "nous continuons et renforçons la lutte pour la justice sociale et la paix contre l’implication de la Grèce dans les plans USA OTAN UE" je peux aussi vous envoyer laffiche qui ne passe pas ici !! vive la solidarité internationale