Retrouver le passé pour mieux cheminer vers l’avenir

À l’origine, il y avait le Kaf

11 septembre 2004

Qu’il soit de Madagascar, d’Afrique ou des Comores, le Kaf est celui qui est venu à La Réunion lors des traites et de l’engagisme. Une conférence-débat aura lieu bientôt sur le thème ’Héritage africain et réunionnisation, entre déni et résistances’.

L’Association pour la Maison des civilisations et de l’unité réunionnaise (AMCUR), en partenariat avec les associations Rasine Kaf et Espace Afrique, organise une conférence-débat sur le thème : "Héritage africain et réunionnisation, entre déni et résistances" (1). Un débat qui se veut ouvert, non académique, ponctué d’interventions scéniques et qui, grâce à un partage des recherches, contribue à la construction d’un savoir relatif aux apports de l’Afrique dans l’océan Indien.

C’est dans le prolongement de la série de conférences-débats sur les héritages indien, malgache, comorien, créole ou chinois, et sur le thème de la réunionnisation, initié par l’Association pour la Maison des civilisations et de l’unité réunionnaise (AMCUR) depuis le 14 avril 2003, qu’intervient la thématique de l’héritage africain.
"Un sujet important", comme le souligne Swami Prémananda Puri, président de l’AMCUR, car "autour de nous, c’est l’Afrique". C’est sans hésiter que les associations Rasine Kaf et Espace Afrique ont répondu à la proposition de l’AMCUR et accepté d’enrichir le débat de leurs recherches respectives. Toutes deux s’intéressent à la place du Kaf dans la société réunionnaise et militent pour modifier ses représentations négatives.

"Parler de Kaf représente déjà un processus de réunionnisation", souligne Ghislaine Bessière, chargée de la communication au sein de l’association Rasine Kaf. "Qu’il soit de Madagascar, d’Afrique ou des Comores, le Kaf est celui qui est venu à La Réunion lors des traites et de l’engagisme". Mais quelle place et quelle image a-t-il aujourd’hui dans la société réunionnaise ?

Un déni qui dure depuis 5 siècles

Laurent Médéa, jeune docteur en sociologie, diplômé de l’Université d’Angleterre, passionné par la question de la créolisation et de la formation de l’identité réunionnaise, présentera son enquête. Pendant près d’un an, questionnaire en main, il a sillonné les administrations, les entreprises, s’est adressé aux collectivités, afin de situer la place du Kaf dans les stratifications sociales réunionnaises.
Alex Mithra, acteur culturel et militant de l’association Rasine Kaf, a souhaité parler du déni de l’Afrique. Un déni qui dure selon lui depuis 5 siècles, de l’Antiquité africaine jusqu’aux représentations actuelles.
"On admet la diversité de la population réunionnaise, mais pas la diversité des contributions de la traite dans la constitution de la société", souligne-t-il.
Pour Philippe Bessière, professeur certifié d’histoire et de géographie, doctorant à l’école des Hautes études en sciences sociales, membre fondateur de Rasine Kaf, "l’Afrique est refoulée de façon inconsciente mais pas éradiquée".
Un refoulement issu d’un rapport compliqué avec l’ancestralité, et qui se retrouve dans les représentations mentales et symboliques. "Ici, la créolisation s’est faite avec l’Afrique", rappelle Philippe Bessière, "c’est un héritage important". Il faut donc arrêter de stigmatiser le Kaf mais penser avec une logique métisse, parler d’une identité empreinte de plusieurs origines.

Comment le Créole a-t-il emprunté à l’Afrique ? Où se situe la part africaine dans le cadre de vie, les échanges, la langue, etc.? Y a-t-il une culture africaine ou plusieurs Afrique ? S’il y a plusieurs Afrique, quel cordon ombilical les relie ? En quoi l’exemple réunionnais peut-il contribuer à enrichir les échanges ?... Les questions sont riches et multiples.
L’enjeu pour la société réunionnaise et les générations à venir se situe aujourd’hui dans la capacité des uns et des autres à rendre le débat accessible, à modifier son regard, à reconnaître les apports de l’Afrique et de ses résistances. Révéler de nouveaux savoirs c’est offrir l’opportunité de pouvoir les enseigner demain.

Estéfany

(1) La conférence-débat s’organise autour de deux dates : vendredi 17 septembre à 17 heures 30 à la médiathèque de Sainte-Marie et jeudi 23 septembre à 17 heures 30 à la Maison de l’Inde, à Saint-Louis. Nous publierons prochainement le programme et la liste des intervenants. Voir dès maintenant le site d’Art’Senik (www.dekap.net) ou l’association Rasine Kaf (0262.22.80.53).


Signaler un contenu

Un message, un commentaire ?


Témoignages - 80e année


+ Lus