Clôture aujourd’hui du colloque sur le dialogue des cultures dans l’océan Indien

Alain Zanéguy : « Soyons ouverts et vigilants »

28 novembre 2008

Cet après-midi s’achève au Palais de La Source le colloque historique ouvert mardi dernier sur le thème “Dialogues des cultures dans les pays de l’océan Indien occidental du 17ème au 20ème siècle”. Dans le discours d’ouverture du colloque prononcé par Alain Zanéguy, le vice-président du Conseil général a salué les différents partenaires de cet événement, en particulier l’Association Historique Internationale de l’océan Indien. Il a également rappelé toutes les conventions que l’UNESCO a portées ces dernières années pour une meilleure reconnaissance de la diversité des cultures, le fait que l’Union européenne a consacré cette année 2008 “Année européenne du dialogue interculturel” et le livre qui vient de paraître sur “Le mariage des cultures à La Réunion”. On lira ci-après quelques extraits de cette allocution, donnant le sens et l’importance de ce colloque. Les inter-titres sont de “Témoignages”.

Le titre de ce colloque dit bien l’ancienneté du dialogue des cultures dans notre région. Il ne le dit d’ailleurs que partiellement, puisqu’à ma connaissance, l’océan Indien est, plus que tout autre, l’océan des voyages, des migrations et donc celui des échanges interculturels les plus anciens. On considère, je crois, qu’ils remontent à une bonne quinzaine de siècles.
On peut donc s’interroger sur ce qui donne à ce thème du dialogue interculturel une telle actualité, et aussi, nous le pressentons, une certaine urgence.

Résister au “rouleau compresseur” du modèle global

Les appels multiples et répétés au dialogue des cultures traduisent une vraie inquiétude de notre monde face à deux phénomènes contradictoires.
En premier lieu, le dialogue des cultures est en effet considéré comme un rempart - peut-être même le seul - face aux nationalismes et aux communautarismes qui déchirent tant de peuples et de pays. Nul n’est besoin d’insister sur le caractère mortifère qui s’attache à tous ces enfermements culturels qui commencent par la haine de l’étranger, passent par le refus de toute différence, renoncent à toute expression d’une diversité et finissent par nier l’idée même d’altérité.
En second lieu, les contacts culturels sont recherchés en tant que réponse à la violence de la mondialisation, aux mobilités et aux modélisations qu’elle génère, au trouble qu’elle crée dans les modes de vie comme dans les esprits.
Aujourd’hui, le dialogue des cultures c’est donc pour les États un moyen de renforcer leur capacité d’intégration des minorités culturelles, religieuses, linguistiques... et c’est pour d’autres le lieu d’une résistance au “rouleau compresseur” du modèle global.

L’égalité dans le dialogue

Dans tous les cas, une question est au cœur de ces velléités : celle de l’égalité dans le dialogue. On ne peut pas imaginer en effet un dialogue serein et fécond dans un contexte de domination, de discrimination ou d’exclusion. Oui, sans doute est-il encore utile, en 2008, d’affirmer que le dialogue interculturel n’est pas qu’un simple espace de négociation, qu’il n’est pas un folklore où l’Autre, l’étranger, le migrant, le nomade est réduit à son image.
Le dialogue ce n’est pas seulement la reconnaissance de la différence, ce n’est pas non plus la juxtaposition de ces différences dans une sorte d’apartheid culturel. Dialoguer, c’est accepter de se laisser toucher, influencer, transformer, métamorphoser par la culture de l’Autre.
Il est vrai qu’aujourd’hui les conditions de la rencontre ont changé. Autrefois, les changements culturels consécutifs aux voyages, au commerce, aux conquêtes politiques plus ou moins agressives s’étendaient sur une durée tellement longue que les cultures pouvaient se croire éternelles. Aujourd’hui tout se vit en accéléré et on a la juste intuition que les contacts entres les cultures mettent en jeu tout à
la fois le rapport à la citoyenneté, le rapport à la mémoire, l’écriture de l’histoire.

Une question infiniment complexe

La question du dialogue entre les cultures est donc infiniment complexe. Souhaitable si elle traduit un désir et un besoin d’échanges entre des peuples et des cultures. Insupportable parodie si elle n’est que le masque d’un désir de domination à des fins étrangères au dialogue.
Soyons donc ouverts et vigilants. Ayons à l’esprit que dans le dialogue des cultures comme dans n’importe quel dialogue, il y a une part irréductible de tension qui rapproche puis éloigne, intéresse puis indiffère, attire puis repousse.
Et puis mettons-nous à l’écoute de ce que nous enseigne le temps passé : comment s’est opéré anciennement et dans les mondes qui nous sont proches le dialogue des cultures ? en quoi en sommes nous les héritiers ?
Mettons nous aussi à l’écoute du temps présent : que signifie à l’échelle de la planète et de l’histoire des humains, l’élection d’un métis à la présidence des États-Unis ?

Mieux connaître notre région

Au Conseil général, nous avons été tout de suite convaincus que dans cette Année européenne du dialogue interculturel, La Réunion ne pouvait pas rester silencieuse. L’histoire de son peuplement, l’histoire de la rencontre entre ces peuples et leurs civilisations venues des quatre coins du monde, la créolisation rapide et jamais interrompue de leurs traditions, de leurs savoir-faire, de leurs imaginaires aussi confèrent, ici, au dialogue interculturel et interreligieux une dimension particulière. Non pas je ne sais quelle supériorité mais une incontestable singularité.
Nous sommes évidemment très intéressés par la pluralité des thématiques investies par ce colloque : le champ du politique, le rapport aux minorités, la question du sacré, la question de la langue, celle de la création artistique...
Pour toutes sortes de raisons - économiques, géopolitiques, environnementales -, l’océan Indien est un espace très observé, voire très convoité. Et nous à La Réunion, en plein cœur de l’océan Indien, nous le connaissons si mal.


Ce soir et ce week-end

Animations et visites guidées à la Grande Chaloupe

Ce soir à 18 heures aura lieu l’inauguration des 1ers travaux du Lazaret n°1 de la Grande Chaloupe. Les chantiers d’insertion organisés depuis 2004 ont permis de restaurer plusieurs bâtiments, qui accueilleront notamment une exposition “Le Lazaret de la Grande Chaloupe - engagisme et quarantaine”, dont le catalogue est préfacé par le président de la République. Un documentaire sur le chantier sera également diffusé, tandis que le site de la Grande Chaloupe bénéficiera d’une signalétique informative et culturelle. Des animations sont prévues sur le site de 17 heures 30 à 20 heures 30, avec un concert de Davy Sicard.
L’ensemble du projet a reçu le soutien de la Cité nationale de l’histoire de l’immigration, dont la revue publie au second semestre 2008 un dossier spécial consacré à l’histoire de l’immigration réunionnaise.
Demain et dimanche, de 9 heures à 18 heures, le public sera accueilli dans des visites guidées de la Grande Chaloupe au Chemin des Anglais.

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