Cérémonie d’hommage aux esclaves enterrés sans sépultures

Appel à la lucidité sur le passé et la mémoire

2 novembre 2011

Lundi à 16 heures a eu lieu dans le cimetière du Père Lafosse à Saint-Louis la traditionnelle cérémonie en hommage à nos ancêtres esclaves enterrés sans sépulture. Cet hommage a rassemblé des dizaines de personne venues des quatre coins de l’île, venues accomplir les rites funéraires auquel les esclaves n’avaient pas eu droit.

Il y a trois ans, la Maison des civilisations et de l’unité réunionnaise (MCUR) dévoilait une plaque consacrée aux ancêtres morts sans sépulture à La Réunion. Dans le sillage de l’inscription du Maloya au patrimoine immatériel de l’UNESCO, cet acte s’inscrit dans une volonté de réhabiliter la mémoire et l’histoire des Réunionnais « invisibles » : esclaves, engagés, « petits » créoles… Pour certains militants culturels, l’hommage aux ancêtres morts sans sépulture incorpore aussi une dimension de réparation symbolique vis-à-vis des Réunionnais qui ont vécu sous le joug de l’engagisme et de l’esclavagisme.

Morts sans sépultures

« Morts sans sépulture », ce terme signifie que les ancêtres arrachés à un continuum culturel n’ont pas bénéficié de rites funéraires propres à leur origine. Ce processus a été identifié par l’historien Prosper Eve comme de « désancestrisation ». L’universitaire rappelle que les esclaves prenaient des risques pour assurer à leurs compagnons le respect des rites funéraires. La volonté d’inhumer dans les règles les esclaves décédés était même l’une des justifications du marronnage. Dans le contexte des élections régionales, une confusion sur le terme « sépulture » avait donné lieu à une controverse, relayée par les médias. Le code noir imposait l’inhumation des esclaves décédés ; nul ne conteste la réalité de l’ensevelissement des corps, ni n’affirme sérieusement que les corps des esclaves étaient jetés aux chiens ou dans les ravines. La référence aux « morts sans sépulture » s’inscrit plutôt dans un courant mondial de mémoire, qui rend hommage aux victimes de la Shoah, des génocides tels que celui des Arméniens, victimes de crimes contre l’Humanité, et cherche à les réintégrer à la mémoire collective.

Un hommage pour ces êtres dépossédés même de leurs morts

L’installation de la stèle, sous la mandature Vergès, avait rassemblé un public large. Le changement de direction à la tête de la Région a entraîné une importante baisse de fréquentation. Avec une trentaine de personnes, le nombre de participants était légèrement supérieur à celui de 2010. Étaient présents : Reynolds Michel, ancien prêtre ; des élus saint-louisiens dont Claude Hoarau, le maire. Dans son discours, ce dernier a rappelé la « conscience diffuse des révoltes esclaves » qui habite encore ceux qui aujourd’hui « combattent pour la justice et leur droit ». Évoquant l’ignominie du système esclavagiste, « dominant ses victimes jusque dans la mort », le maire communiste a rappelé « que c’est sous l’égide de la France que ce régime avait pu gouverner des êtres par la violence et la dépossession de soi ». Un rappel qui, assure Claude Hoarau, « n’a pas pour objet de raviver des rancoeurs, mais d’appeler à la lucidité sur le passé et sur soi, sur la mémoire, sur l’histoire ».

Correspondant

Maison des civilisations et de l’unité réunionnaise

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