Mémoire : Commémoration au site du Lazaret à la Grande Chaloupe

Apporter la lumière aux premiers engagés indiens

15 juin 2004

À l’appel de l’association Tamij Sangam, plus d’une centaine de personnes se sont retrouvées sur le site du Lazaret de la Grande Chaloupe avant-hier, devant la stèle installée par l’association en 1997. Comme chaque année cette commémoration a été un moment intense d’émotion et de recueillement.

Avec ses moyens, l’association Tamij Sangam tente chaque année de sensibiliser l’ensemble de La Réunion sur la nécessité de ne pas laisser le site du Lazaret à l’abandon, pour au contraire lui donner toute la place qu’il mérite dans notre pays. Inscrit depuis 1994 sur la liste complémentaire des monuments historiques, le site est toujours à l’abandon. Seules des actions bénévoles s’attachent à l’entretenir, pour ne pas que la végétation s’empare de l’architecture et finisse par ensevelir les murs toujours debout de ce lieu où les premiers engagés indiens ont débarqué.
Les représentants du Département, des villes de Saint-Denis et de La Possession, ont pris la parole pour insister sur l’importance capitale que revêt cet endroit pour La Réunion toute entière, et pour l’humanité. Ils se sont engagés à le réhabiliter. Mais beaucoup reste à être fait puisque pour l’instant rien n’a été entrepris pour la réhabilitation ce lieu de mémoire. Le consul de l’Inde Sohan Prakash en convient puisqu’il estime que "we can do much more", que nous pouvons faire bien mieux. Il s’est d’ailleurs engagé à venir, avec le personnel du consulat et des bénévoles pour participer à la réhabilitation.
Que cette mission incombe à des actions associatives démontre bien que la reconnaissance de notre histoire reste un combat à mener. Si nous devrions tous nous investir dans cette lutte, les autorités compétentes devraient être les premières à montrer qu’elles sont conscientes de la nécessité de la commémoration de ce qui a été une des portes du peuplement de notre île. Si les villes qui côtoient la Grande Chaloupe et le Département ont envoyé un représentant, la Région s’est excusée quant à elle à cause des élections européennes. La presse écrite comme télévisée, pourtant invitée, était absente.

Une question de dignité

Durant la minute de silence, tout le monde pensait au cauchemar vécu par les premiers engagés. Difficile d’apprécier la distance qui nous sépare d’eux. Même si le consul de l’Inde se félicite qu’aujourd’hui, dans le monde entier, les descendants des engagés indiens se sont bien intégrés et sont même devenus des notables, cette remarque ne peut pas justifier à posteriori le servilisme dans lequel les ancêtres ont été plongés et que décrivent les chercheurs.
Est-il possible d’oublier leur souffrance en se contentant de notre bien-être et remercier l’engagisme ? Non, tout comme l’esclavage, l’engagisme est un crime contre l’humanité qui demande réparation et qui demande plus que tout, un acte de mémoire pour que notre histoire soit partagée de manière commune et que nous sachions de quel enfer nous venons. Même si aujourd’hui nous avons l’impression de vivre dans un paradis.
Laisser aux simples citoyens la responsabilité de sauvegarder des monuments historiques, c’est prouver, une fois de plus, que l’État ne tient pas à reconnaître notre passé, espérant qu’ils se perde entre les broussailles de l’oubli. Si dimanche dernier nous avions tous le regard tourné vers l’Europe, cela ne doit pas nous empêcher de garder un œil sur notre environnement le plus proche, question de dignité.

Eiffel


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