Indignation à l’assemblée plénière du Département

Unanimité contre les propos de Johnny Payet sur son refus de célébrer l’abolition de l’esclavage

20 juin

Lors de l’assemblé plénière au Département, le 19 juin, l’ensemble des conseillers départementaux a condamné avec fermeté les propos du maire de la Plaine des Palmistes représentant du Rassemblement National (RN) à La Réunion, Johnny Payet. Le 18 juin, sur Réunion La 1ère, Johnny Payet a déclaré qu’« on ne doit plus parler d’esclavage », et notamment qu’« on ne pouvait pas aujourd’hui mettre la faute du passé sur les politiques d’aujourd’hui ».

Les propos de Johnny Payet contre la célébration de l’abolition de l’esclavage à La Réunion ont suscité une vive émotion dans notre pays, et notamment au sein du Conseil départemental. Lors de la séance plénière de ce 19 juin, la première à intervenir pour dénoncer ces propos est la socialiste Monique Orphé. Cette dernière s’est dite « profondément choquée » par les propos tenus et a souligné que son auteur «  lui avait craché à la figure, à celle de ses aïeux et de ses ancêtres ». Selon l’élue, « il veut occulter une partie de notre histoire, (…) ces propos sont très graves et sont une injure ».

Monique Orphé s’est dite inquiète de ces représentants politiques qui « pousent l’état d’esprit du RN  », un parti d’extrême droite reconnu par le Conseil d’État. D’ailleurs, lors de la lecture de la motion du groupe socialiste, Monique Orphé a demandé la démission de Johnny Payet de l’ensemble de ces mandats, et des « excuses aux Réunionnais  ».

De son côté, Sophie Arzal, conseillère départementale de la Plaine-des-Palmistes, a également dénoncé les mots de Johnny Payet, attestant que les Réunionnais(e)s avaient « le droit de revendiquer leur passé », et condamnant avec « la plus grande fermeté ».

Des lois reconnaissant l’esclavage comme crime contre l’humanité

L’une des motions a rappelé qu’à La Réunion, « 62 000 esclaves sur 100 000 habitants ont été affranchis en 1948 suite à l’entrée en vigueur du décret d’abolition de l’esclavage du 27 avril 1848, proclamé par le commissaire de la république Sarda Garriga le 20 octobre 1848 ».

De nombreuses lois ont été mises en place afin de reconnaître l’esclavage et notamment son caractère criminel. Un devoir de mémoire indispensable pour l’ensemble des élus, afin « de transmettre aux jeunes générations cette part de l’histoire qui ne doit plus se reproduire », a indiqué le président du Département, Cyrille Melchior.

Parmi les lois évoquées :

- Décret du 27 avril 1848 relatif à l’abolition de l’esclavage dans les colonies et possessions françaises : « Le gouvernement provisoire, considérant que l’esclavage est un attentat contre la dignité humaine ; qu’en détruisant le libre arbitre de l’homme, il supprime le principe naturel du droit et du devoir ; qu’il est une violation flagrante du dogme républicain, Liberté, Égalité, Fraternité ; considérant que si des mesures effectives ne suivaient pas de très près la proclamation déjà faite du principe de l’abolition, il en pourrait résulter dans les colonies les plus déplorables désordres », décrète que « l’esclavage sera entièrement aboli dans toutes les colonies et possessions françaises, deux mois après la promulgation du présent décret dans chacune d’elles. A partir de la promulgation du présent décret dans les colonies, tout châtiment corporel, toute vente de personnes non libres, seront absolument interdits » (art.1.).

- Loi du 30 juin 1983 relative à la commémoration de l’abolition de l’esclavage et en hommage aux victimes de l’esclavage : « La commémoration de l’abolition de l’esclavage par la République française et celle de la fin de tous les contrats d’engagement souscrits à la suite de cette abolition font l’objet d’une journée fériée dans les collectivités de Guadeloupe, de Guyane, de Martinique, de La Réunion et de Mayotte ». Cet article unique précise qu’un « décret fixe la date de la commémoration pour chacune des collectivités territoriales visées ci-dessus ». De plus, « la République française institue la journée du 10 mai comme journée nationale des mémoires de la traite, de l’esclavage et de leurs abolitions, et celle du 23 mai comme journée nationale en hommage aux victimes de l’esclavage ».

- Décret du 23 novembre 1983 relatif à la commémoration de l’abolition de l’esclavage : « Dans les collectivités territoriales concernées, les dates fixées pour la commémoration annuelle visée à l’article unique de la loi précitée (30.06.1983) sont les suivantes : Guadeloupe : 27 mai. — Guyane : 10 juin. — Martinique : 22 mai. — Mayotte : 27 avril. — La Réunion : 20 décembre. — Saint-Barthélemy : 9 octobre. — Saint-Martin : 27 mai. »

- Loi du 21 mai 2001 tendant à la reconnaissance de la traite et de l’esclavage en tant que crime contre l’humanité, dit Loi Taubira : « La République française reconnaît que la traite négrière transatlantique ainsi que la traite dans l’océan Indien d’une part, et l’esclavage d’autre part, perpétrés à partir du XVe siècle, aux Amériques et aux Caraïbes, dans l’océan Indien et en Europe contre les populations africaines, amérindiennes, malgaches et indiennes constituent un crime contre l’humanité » (art.1.).

- Résolution du Parlement européen du 19 juin 2020 sur les manifestations contre le racisme après la mort de George Floyd : « invite les institutions et les États membres de l’Union européenne à reconnaître officiellement les injustices du passé et les crimes contre l’humanité commis contre les personnes noires, les personnes de couleur et les Roms ; déclare que l’esclavage est un crime contre l’humanité et demande que le 2 décembre soit désigné Journée européenne de commémoration de l’abolition de la traite des esclaves ; encourage les États membres à inscrire l’histoire des personnes noires, des personnes de couleur et des Roms dans leurs programmes scolaires » (point 14).

L’esclavage dans le monde dénoncé, mais pas en France pour le RN

Le conseiller départemental communiste, Jean-Yves Langenier a d’ailleurs rappelé les propos de Jean-Marie Le Pen, qui avait indiqué que les chambres à gaz sont un « point de détail de l’histoire de la Seconde Guerre mondiale ».

Le président du Front national Jean-Marie Le Pen, père de Marine Le Pen (fondatrice du Rassemblement National) avait qualifié en 2008 d’« entreprise de subversion des principes de l’éducation et de la société » la décision de Nicolas Sarkozy d’enseigner à l’école primaire « la traite des Noirs, l’esclavage ainsi que leurs abolitions ».

« Après la mémoire obligatoire de la Shoah, voici la mémoire obligatoire de l’esclavage », avait écrit Jean-Marie Le Pen. D’ailleurs, en 2013, sa fille, Marine Le Pen, avait salué le refus du président François Hollande de verser toute réparation matérielle de l’esclavage. Deux jours après la Journée nationale de mémoire de l’esclavage et de la traite négrière, la présidente du FN avait souhaité qu’on se rappelle aussi que la France a fait « des choses extrêmement positives  » en Afrique.

Des propos réitérés en 2017 : « Moi je pense — et chacun d’ailleurs qui est de bonne foi admet — que la colonisation a beaucoup apporté ». Pour Jean-Yves Langenier, Marine Le Pen « est la digne fille de son père ».

« On n’a pas forcément choisi notre histoire, ni notre passé, mais le fait est que cela fait partie de notre patrimoine et de notre identité », a indiqué l’élu communiste. Ce dernier a d’ailleurs souligné que « le Rassemblement National aujourd’hui est une menace pour la République ». D’autant plus que ce parti d’extrême droite « avance en cachette son idéologie profonde. Il avance masqué, il faut donc qu’il y ait une réponse globale pour empêcher le Rassemblement National d’accéder au pouvoir », a alerté Jean-Yves Langenier.

Ce dernier s’est félicité de l’unanimité du Conseil Départemental, par rapport aux deux motions ainsi qu’aux déclarations faites dans l’hémicycle.

A la Une de l’actu20 décembre10 mai

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