’Le couperet’, de Costa-Gavras

Au cœur du système ultra-libéral : crime, mensonge et autodestruction

15 avril 2005

’Le couperet’, film de Costa-Gavras, est encore à l’affiche du 13 au 19 avril à Saint-Denis et à Saint-Pierre. Si un quotidien local a pu dire dans une critique que ce film n’est pas à faire voir aux chômeurs, nous serions plutôt d’avis contraire, comme Costa-Gavras d’ailleurs, plus connu pour ses dénonciations du crime que pour en faire l’apologie.

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C’est faire insulte aux chômeurs que de ne pas les croire capables de tirer parti du second degré et de la fonction cathartique du "Couperet", cette comédie tragique installée au cœur du système économique capitaliste “mangeur d’hommes”. C’est un film que doivent voir tous ceux qui subissent la violence sociale - pour l’exorciser - comme ceux qui font profession de la combattre.
Avec "Le couperet", Costa-Gavras signe une fiction alerte, d’un ton toujours juste, capable de faire passer du rire aux larmes et vice-versa. Au cœur de la production capitaliste, dans le monde des “chasseurs de tête” et des presse-citron au salaire équivalant à plusieurs SMIC, un cadre supérieur de l’industrie chimique du papier est au chômage depuis deux ans et demi lorsqu’il se met à organiser sa recherche d’emploi comme un général d’armée planifierait la prise d’un bastion : en abattant les uns après les autres les “obstacles” placés sur sa route, en l’occurrence des cadres comme lui à la recherche d’un emploi.
Cette histoire est une fiction, une de ces fictions que la réalité ne risque pas de dépasser : dans le monde réel des chômeurs, on masque les faits, les responsabilités ; on passe de la pommade sur les blessures et on s’efforce de colmater de bric et de broc un système qui prend l’eau de toute part.
Costa-Gavras prend à contre-pied ces pieux mensonges et met à nu tous les mécanismes criminogènes du système, filant - jusqu’au très sarcastique face-à-face final des deux tueurs - la métaphore d’un délire maniaco-dépressif du plus haut comique.
Si un “pauvre type” du capitalisme réel pétait les plombs à ce point, il serait vite rattrapé par la police, la justice et des torrents de morale télévisée. Mais nous sommes au cœur du système et le système ment : on trouvera donc un coupable idéal, un “suicidé” de circonstance, pour laisser au crime son rôle de moteur increvable.
Il a certainement fallu du cran au réalisateur et aux distributeurs du film pour obtenir de le faire circuler en pleine période référendaire européenne. Entre deux sarcasmes sur l’univers ultra-libéral, Costa-Gavras lâche quelques vérités alternatives, par petites touches : sur l’aberration des délocalisations, la solidarité dans les luttes ouvrières, l’absurdité du système...
Comment expliquer en effet qu’un système aussi autodestructeur, gaspilleur et criminogène continue à tuer, à piller, à gaspiller et à se nourrir sans fin de la destruction de ceux qui le font vivre ? C’est la question qui tue... (elle aussi). Et mieux vaut en rire.

P. David


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