En Inde…

Auroville, modèle écologique et humain

3 février 2010

Imaginez une cité internationale expérimentale nourrie de cet idéal : la réalisation de l’unité humaine, tant dans les domaines culturel, environnemental, social que spirituel. C’est ce que poursuit depuis plus de quarante ans Auroville, près de Pondichéry, en tablant son développement sur des technologies non polluantes et des énergies durables. Auroville pourrait bien servir de modèle aux générations futures, notamment à La Réunion, avec des expériences consolidées en Inde transposables sur notre île.

Située à 10 km au Nord de Pondichéry, Auroville est la première expérience humaine internationale soutenue par l’Unesco et le gouvernement indien. Auroville naît de la rencontre du philosophe indien Sri Aurobindo et de sa femme française, Mirra Alfassa, appelée La Mère, qui matérialise l’idée. Cette dernière déclare en 1965 : « Auroville veut être une cité universelle ou hommes et femmes de tous les pays puissent vivre en paix et harmonie progressive au dessus de toute croyance, de toute politique et de toute nationalité. Le but d’Auroville est de réaliser l’unité humaine ».
Auroville est officiellement inaugurée le 28 février 1968. En juin 2009, elle comptait 2.100 habitants et 43 nationalités différentes sur une superficie de 20 km2.
Conçue comme une galaxie de quatre zones en spirales (les zones internationale, culturelle, résidentielle et industrielle) entourées de la "Ceinture Verte" qui convergent vers le Matrimandir, “l’Ame de la cité”, Auroville fonctionne comme une mini-société. On y trouve, entre autres, cinq écoles — plus les écoles créées dans le cadre de programmes d’éducation pour les enfants des villages voisins —, un centre médical, des restaurants, des salles de spectacle. Les décisions importantes sont prises lors de l’Assemblée des résidents.
Les Aurovilliens sont tous des travailleurs bénévoles. Ils reçoivent un budget pour couvrir leurs frais quotidiens ou alors sont autonomes financièrement et reversent une contribution à la communauté. Auroville tire son financement global de différentes ONG en Inde et à l’étranger, du gouvernement indien, des Aurovilliens eux-mêmes et de la commercialisation des produits d’Auroville. Auroville dispose de 125 unités commerciales et 70 unités de service (artisanat, graphisme, imprimerie, architecture, produits issus des fermes biologiques).

Un pôle de recherche et d’expérimentation

Auroville ne se borne pas qu’à subvenir aux besoins de la cité elle-même, elle est aussi un centre de recherche et d’expérimentation qui œuvre pour la protection de l’écosystème grâce aux techniques de ferrociment, de construction en terre, de récupération de l’eau de pluie, de recyclage des eaux usées et d’applications thermo-solaires. La première étape dans l’histoire d’Auroville fut le reboisement de la région, une terre rouge dans un état de désertification avancé. Plus de deux millions d’arbres furent plantés dans un souci de lutte contre l’érosion des sols. Aujourd’hui, la région est boisée, aérée, et peut participer à un équilibre écologique et climatique de la planète. Afin de garder un sol sain, les techniques de culture biologique sont aussi privilégiées, prouvant qu’un système organique peut produire autant qu’un système chimique.
C’est au bout d’un dédale de pistes de la forêt aurovillienne, trois ou quatre kilomètres après avoir dépassé le Matrimandir que se trouve le CSR, Centre de Recherches Scientifiques, reconnu nationalement et internationalement pour son travail sur les questions d’eau et d’assainissement, des énergies renouvelables, des technologies appropriées (techniques de construction) et de l’architecture. « La chaire de l’Unesco sur les technologies de construction en terre est par exemple ici », indique Gilles Boulicot, aurovillien et ingénieur en développement durable, spécialisé dans la gestion des ressources en eau et assainissement. Les technologies de construction en terre correspondent à la réalisation de bâtiments fiables en terre, dans un souci économique et d’adaptation à l’environnement.

Le développement durable, une pratique au quotidien

Outre sa partie recherche, le Centre de Recherches Scientifiques comprend une partie diffusion de l’expérience, avec un volet consacré à la formation professionnelle et à l’accueil d’étudiants. Le transfert de savoir-faire inclut aussi les services de prestations et la commercialisation de produits issus de la recherche, comme l’éclairage photovoltaïque dont est équipée une grande partie d’Auroville ou encore l’invention de briques compressées. Commercialisées dans le monde entier, ces briques compressées s’avèrent non seulement économiques, écologiques, résistantes à l’eau mais aussi de bons matériaux antisismiques.
Gilles Boulicot a travaillé comme consultant durant deux ans à La Réunion sur des projets pilotes et sur des ateliers de réflexion sur le développement durable. Il déplore que le concept ne soit pas toujours bien compris à La Réunion et dans la région. « Le développement durable se trouve à la jonction des notions d’environnement, de techniques et de social, explique-t-il. Sans la prise en compte de ces trois éléments, la dimension durable est compromise. » Traduit de l’anglais « sustainable », durable sous-entend pérenne et adaptable à un contexte donné dans un souci environnemental. « Encore faut-il que ce soit intégré et accepté sur le plan social, qu’il y ait un intérêt pour que cela fonctionne », précise l’ingénieur. Mentionner le "changement de mentalités" n’est pas nouveau. « Le problème vient aussi de ce que l’approche du développement durable est principalement technique, poursuit-il. Or, les techniques ne sont pas durables si les gens ne sont pas concernés ». Gilles Boulicot parle aussi de « responsabilisation ». « Les systèmes mis en place comme la gestion des déchets solides doivent relever d’une plate-forme commune, insiste-t-il. Tout ne dépend pas que du décisionnel mais aussi d’une pratique au quotidien. Les bénéficiaires doivent être porteurs du projet pour qu’il y ait durabilité ».

De Pondichéry, Anne-Line Siegler


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  • Témoignages a fait paraître un article sur Auroville dans une série sur l’Inde du Sud, en nov-déc. 1988 ou un peu après. Pouvez-vous le retrouver dans vos collections numérisées ?


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