Devoir de mémoire

Authentification d’un cimetière d’esclaves à Saint-Paul

18 février 2006

Une carte du littoral de Saint-Paul, datée de 1806, mentionne l’existence d’un cimetière d’esclaves au lieu-dit la “Grotte des premiers Français”. 200 ans après, Sudel Fuma, maître de conférences en Histoire contemporaine à l’Université de La Réunion, ainsi que Bernard Rémy et Emmanuel Marcadé du Laboratoire de cartographie appliquée de l’Université de La Réunion ont localisé avec précision ce lieu de mémoire. Ces chercheurs présentaient cette trouvaille, jeudi matin à la mairie de Saint-Paul.

La “Grotte des premiers Français” à Saint-Paul n’est pas la “Grotte des premiers Français”. C’est en fait un cimetière d’esclaves dans une caverne. Une carte datée de 1806 du cartographe de Le Chandelier se trouvant aux archives de l’IGN à Aix-en-Provence l’atteste formellement. Ce document est arrivé entre les mains de Sudel Fuma, historien et professeur des universités, il y a quelques mois de cela. Il le transmet à Bernard Rémy et Emmanuel Marcadé du Laboratoire de cartographie appliquée de l’Université de La Réunion. Sur le document de 1806, une légende accompagne la lettre “p” : “Caverne servant de cimetière pour les noirs”.

Une carte datée de 1806 de Le Chandelier

Jeudi matin, lors d’une conférence de presse à l’Hôtel de ville de Saint-Paul, Alain Bénard, le maire, Sudel Fuma, Bernard Rémy et Daniel Deguigné de l’association Historun révélaient la localisation authentique de ce cimetière d’esclaves au lieu-dit de la “Grotte des premiers Français”. Ce nom “Grotte des premiers français” lui a été attribué au cours du 20ème siècle. Mais avant cette période, cet endroit était connu sous le nom de “Caverne”. Doucement mais sûrement, la terre réunionnaise dévoile ses secrets du déni. Alain Bénard s’en réjouit, car cette trouvaille assure "la transmission, la connaissance et la reconnaissance d’une histoire réunionnaise riche", bien que récente.

50.000 esclaves enterrés à Saint-Paul, mais où ?

Quelle surprise pour Sudel Fuma lorsque les archives d’Aix-en-Provence lui communiquent cette carte certifiée ! Prosper Ève, professeur d’Histoire moderne à l’Université de La Réunion, dans son ouvrage sur les cimetières réunionnais, parle de l’existence d’un cimetière d’esclaves à Saint-Paul : "Un plan de la ville de Saint-Paul et de ses environs réalisé en 1806 par de Le Chandelier et conservé au Archives départementales de La Réunion mentionne une caverne servant de cimetière pour les Noirs en bordure de la ravine Bernica à Saint-Paul". Mais au Bernica, les fouilles restent vaines. "À Saint-Paul jusqu’en 1848, 50.000 esclaves ont été enterrés. Jusqu’à hier, pour une partie d’entre eux, personne ne savait où ?", expose Sudel Fuma.
Dans ce cimetière, de nombreux esclaves malgaches ont été disposés à divers endroits après des cérémonies. Depuis, plusieurs couches de sable recouvrent les dépouilles de ces êtres humains. Aujourd’hui, les chercheurs se questionnent sur la nécessité d’entreprendre des fouilles.

 Jean-Fabrice Nativel 


Où sont passés les 300 à 400.000 esclaves ? Un début de réponse avec la découverte certifiée de ce premier cimetière d’esclaves.

Des milliers d’esclaves ont participé à la construction de La Réunion. Leur statut de “meuble” avant l’abolition de l’esclavage les a privés entièrement des droits humains. Ils se trouvaient à la merci de leurs maîtres. Lorsque les esclaves mouraient, leurs proches s’occupaient de les enterrer, mais pas dans les cimetières de l’église.
Le président de la Région, Paul Vergès, a depuis de nombreuses années posé le problème de devoir de mémoire à l’égard de ces êtres humains devenus esclaves. Plus que jamais aujourd’hui, les recherches doivent être entreprises dans des archives des bibliothèques, des universités... pour enfin découvrir les lieux où ont été enterrés ces hommes, ces femmes, ces enfants. En effet, 300 à 400.000 esclaves ne peuvent pas disparaître du jour au lendemain sans laisser de trace. Cette trouvaille, la première du genre, livre un début de réponse et permet de sortir du déni.


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Messages

  • et biensur, la grotte s’est effondrée et les fouilles suspendues...

  • Cette semaine il a été question de la mémoire d’un grand homme , Paul verges, bâtisseur d’histoire et de mémoire. Pourquoi quand il s’agit d’idée , de personne nous sommes alors enclin a revivre des moments appartenant a l’histoire de la Reunion ,mais pas quand il s’agit de monument historique. Une chape de plomb s’instaure alors entre les administrés et le pouvoir en place . Pourquoi faisons nous si peu de cas de nos origines ? Pourtant des livres existent sur Saint Paul berceau du peuplement.Il paraît que les douze mutins se sont réfugiés a quartier français et non a la grotte des premier français . Sainte Suzanne est l’un des plus ancien lieux de vie de La Réunion. C’est là précisément que vécurent pendant trois ans les douze mutins de Fort Dauphin.

    Pourquoi ce mutisme de la population, des politiques concernant des objets , des maisons ? Par exemple les calbanons ou vivaient les esclaves au Grand Hazier a sainte Suzanne sont toujours abandonnés. Les maisons de grands maitres se trouvent doublement anoblis par l histoire , par la DAC OI.Jamais les lieux inconnus mais pourtant chargés encore plus de sens. Concernant la bâtisse de saint Paul enchâssée entre la zone défrichée cette semaine par la mairie et l’hôpital psychiatrique , elle semble être en danger. À l’emplacement du parc actuel a été redécouvert un cimetière d’esclaves contenant environ 50 000 âmes , qui a servi jusqu’en 1848. C’est un site sensible , comment expliquer que personne ne soit au courant que le capitalisme va bâtir au même endroit des zones de logements ? La réhabilitation de la longère est prévue mais en quoi ? Quel est le devenir de cette bâtisse ? Est elle protéger comme monument historique ? Ces terrains étaient donc privés, comme la majeure partie des meilleures parcelles de l’ile. « Ces fouilles avaient en effet été prescrites par le préfet en raison du caractère sensible du site, quitte à ralentir la date de réalisation. » Olivier Saunier ,ancien élu à l’aménagement.

    Je cite Arundhati Roy : « La domination du capitalisme fut telle qu’elle cessa d’être perçue comme une idéologie.Elle est devenue le modèle par défaut, le comportement naturel.Elle est infiltrée dans la normalité, a colonisé l’ordinaire, au point que la contester est apparu comme aussi absurde ou ésotérique qu’une remise en cause de la réalité elle mème » On ne peut plus dans ce pays depuis la départementalisation demander des comptes. Au nom du progrès on détruit tout. Je me souvient de l’émoi ressenti devant de vaste champ de friche, revivant une histoire la sous la terre , a mes pieds , piétinant le sable.En allant sur un site peut être que nos ancêtres nous interpelle, comme dans un film d’horreur l’air de dire : « sauvez nous, sauvez nous » Des réunionnais ont vécus ici .A l’époque sur ces terres en friche il n’y avait pas encore le projet du futur pole sanitaire ouest. Que de bonheur, de revivre des pans entiers d’histoire loin des dogmes , des idées des docteur en histoire. La se situe la réalité , la vrai, tangible, loin de la politique. Nous ne pouvons plus rien faire le maire a tranché. L’opération immobilière compte plus que les atouts historique d’une ile. Comment peut on construire des logements , sociaux ou pas, au pied d’une falaise, entre la mer, le cimetière marin ? En fait, une carte du littoral Saint-Paulois de 1806 établie par le cartographe Le Chandelier mentionne bien un cimetière et non pas une grotte des premiers Français .
    Pour Bernard Mareck, le cas est simple : « Le cimetière vieux de 85 ans, près de l’église, est transféré en face de la grande caverne, en bord de mer , sur le terrain des pas géométriques au sud de la ville . C’est le cimetière de la caverne ou cimetière marin. D’ailleurs un site d’enterrement avait déjà existé par le passé, peut être au mème endroit. » En 1729 il y a l épidémie de la variole. 340 morts enterrés aux sables, sur le bord de mer. Le plan de Chandelier de 1806 est limpide : on voit bien une voie au niveau du cimetière actuel mais la voie semble couper en deux , deux terrains ressemblant a deux cimetières. « à l’emplacement P de la petite caverne au pied de l’actuel cap de la Marianne , caverne servant de cimetière pour les noirs ».

    « Un signalement de site funéraire au mème endroit avait également été établi quelques années auparavant par l’explorateur naturaliste Bory de Saint Vincent. Après une visite de Saint Paul en 1801 à l’invitation de monsieur de Lescouble, durant laquelle il longe tout le pied de la falaise de l’hôpital a la pointe de Bourgogne (cap de la Marianne), Bory écrit dans son livre Voyage dans les quatre principales îles des mers d’Afrique : « La caverne la plus éloignée du quartier est le lieu de sépultures des Malbares. De modestes bouquets plantés sur de petits tas de sables indiquaient le nombre de corps qu’on y avait déposés. Cette grotte funéraire avait quelque chose d’imposant et qui provoquait un respect religieux ; il y régnait un jour mélancolique, dont l’idée et la présence de la mort augmentaient la tristesse. » pour la grande caverne dite aujourd’hui grotte des premiers français,Bory indique qu’elle est aménagée en parc à bœufs. »

    Que ce se passe t’il pour les suites d’années qui passent ? On fait appel la encore a Bernard Mareck « A l’extrémité sud de la ville des mesures doivent être prises pour résoudre l’engorgement du cimetière marin qui n’a pourtant qu’une cinquantaine d’années d’existence. Réuni en séance ordinaire en 1835 le conseil municipal de Jean Alexandre Saléles étend l’espace du cimetière vers le sud, jusqu’à la ravine ,et a faire au mur d’enceinte les réparations nécessaires.

    Selon Pierre Nora, « un lieu de mémoire dans tous les sens du mot va de l’objet le plus matériel et concret, éventuellement géographiquement situé, à l’objet le plus abstrait et intellectuellement construit. » Il peut donc s’agir d’un monument, d’un personnage important, d’un musée, des archives, tout autant que d’un symbole, d’une devise, d’un événement ou d’une institution.« Un objet », « devient lieu de mémoire quand il échappe à l’oubli, par exemple avec l’apposition de plaques commémoratives, et quand une collectivité le réinvestit de son affect et de ses émotions. Dans ce cas le maire de la commune donne la priorité a la perte de mémoire. Les édiles ne sont pas formés pour comprendre les attraits et l’importance de l’histoire.

    Je cite Jean Claude COMORASSAMY. « Il est d’abord ce lieu, cet espace ou encore cet ouvrage défensif, symbole du passé. "L’hôpital colonial", ancien bâtiment de la psychiatrie de St-Paul, d’une richesse intarissable de l’histoire, voilà peut être un lieu symbolique de l’Île, qui peut nourrir l’ensemble des réunionnais à cette réflexion : Faut-il construire un château à 78 millions d’euros (vide d’histoire) en Maison de civilisations, alors qu’on a déjà un bâtiment chargé d’histoire, autant dans ces murs que dans ces lieux, et qui peut représenter à lui seul l’unité de la Réunion ? »

    Saint Paul ne fut pas toujours l’antre idéal, le lieu de villégiature. En 1689 Guillaume La Houssaye nous parle d’évaporation des eaux, de dépôt d’alluvions et de lieu insalubre que fuit la population. Saint-Paul ne changera guère pendant toute la première partie du 19 ème siècle. La ville se dépeupla à la fin de 19 ème siècle pour plusieurs raisons : les crises de la canne qui atteignirent toute l’île, la création du port de la Pointe des Galets, mais surtout à cause de l’introduction du paludisme, par un convoi d’immigrants venus de Calcutta ; la ville n’était pas assez ventilée et l’étang de Saint-Paul entretenait les moustiques porteurs de germes.

    Nous n’avons pas parler de géographie , sœur de l’histoire, les deux marchent main dans la main. C’est une zone humide , normalement dans un monde sain , elle aurait du au moins être protégée. On a affaire la au dernier instant de l’ancien Saint Paul, avec ses songes, ses filets d’eau.A la Réunion existe trois étangs : l’étang du gol, de Bois Rouge et de Saint Paul. Ces baies isolés de la terre survivent par un mince filet de galet, de sable. J’ignore si a l’endroit la mer se trouvait mais il me semble logique que tout Saint Paul soit bâtis que sur du sable, la mer recouvrant le tout. Ce processus d’apport de sédiment avec l’arrivée de l’homme recouvre ses étangs. En plus avec l’érosion des terres déboisées. l’étang salé lui a disparu. De mémoire d’ancien la zone est inondée complètement. Est elle en réserve naturelle sensible ? Dans le passé l’homme chassa les flamands, échassiers. Et si les fouilles de décembre étaient un moyen de retrouver dans le sable des os de dodo ?

    Dans le livre « sous le signe de la tortue » nous vivons les instants de Payen au pied de la grotte : « bâtie à la chute d’une belle fontaine (existant encore mais moindre) qui tombe en nappe d’eau du milieu d’un grand rocher, des plantages de tabac à qui ils savaient donner toutes les façons ; de racines et d’herbes potagères dont ils avaient porté des graines ; et ils nourrissaient dans un enclos quantité de cochons et de cabris.Le cochons y vivaient de tortues de terre qui y rampaient par milliers, et les tortues de mer se promenaient tous les soirs sur la cote.

    Si on veut comprendre le sens de l’histoire il faut savoir que l’histoire est celle des vainqueurs, des tombes en dur de la famille Desbassins. Le cimetière des esclaves devait être en bois , d’où sa disparition.Peut être coexistât deux cimetières, un pour les riches, un pour les pauvres ? Peut t’on imaginer raser les caveaux un jour et monter a la place des immeubles ? Pourquoi le faire pour celui disparut (ou ignoré) des esclaves n’ayant jamais eu droit a la parole ? Pareil pour la fameuse grotte , on pense que la grotte véritable aurait disparu après la chute d’un pan de falaise , peut être a l’emplacement des travaux, personne ne le saura jamais.Concernant les ruines de ce secteur, ce sont les vestiges du mur d’enceinte de l’ancien asile d’aliénés. En 1788 on décide d’ouvrir un nouveau cimetière. Doit t’on le donner aux blancs ? Aux noirs ? La réponse du conseil supérieur : « cette distinction nous paraît tout a fait révoltante, comme si nous n’étions pas tous égaux par notre origine et que la poussière de l’homme noir ne fut pas la même. C’est vouloir étendre les prérogatives de l’orgueil au-delà même du tombeau »

    Que compte faire l’État, du plus vieil hôpital de la Réunion ? En 1801 Bory de Saint Vincent en parle. Il daterait de la compagnie des indes. « la circulaire du 10 mars 1897, qui stipula que les "petites" colonies ne pourraient avoir qu’un seul hôpital colonial. Ce fut naturellement celui de St-Denis qui fut conservé et l’établissement de St-Paul ne fut que "l’asile des aliénés" car, comme les départements métropolitains, la colonie de la Réunion, s’était dotée d’un asile psychiatrique »(Jean Claude COMORASSAMY. ) Pourtant ,une journée dédiée au patrimoine historique de la Saline se tient ce samedi 18 novembre . Preuve est donc que l’on est capable de faire bouger les choses, efficacement si possible.

    Pierre Hibon fut celui qui construisit la nouvelle église de pierre nous dit Boucher. Bory des l’origine parle de caverne servant de sépultures. Au départ le terrain Aubry est un verger.Lors de l’agrandissement du cimetière marin la famille aubry ne voudra pas entendre parler de ce cimetière sur ces terres, on sera obligé de réquisitionner les terres en villes d’une pauvre malheureuse ne pouvant se déplacer pour se plaindre de la confiscation . C’est ainsi que nous avons le cimetière actuel .

    Méditant sur Saint Paul , le meilleur apôtre de la nature est il me semble Leconte de Lisle . Je ne puis m’empêcher de livrer une ode a la beauté de cette partie de l’île , la ou tout commença, et tout se termina un beau matin de l’année 2016 sous les coups de butoir de l’homme et de ses complexes immobiliers :

    Rien n’est beau comme le lever du jour du haut des mornes du Bernica. (…)Mais, hélas ! les créoles prennent volontiers pour devise le nil admirari d’Horace. Que leur font les magnificences de la nature ? que leur importe l’éclat de leurs nuits sans pareilles ? Ces choses ne trouvent guère de débouché sur les places commerciales de l’Europe ; un rayon de soleil ne pèse pas une balle de sucre, et les quatre murs d’un entrepôt réjouissent autrement leurs regards que les plus larges horizons. Pauvre nature ! admirable de force et de puissance, qu’importe à tes aveugles enfants ta merveilleuse beauté ? On ne la débite ni en détail ni en gros : tu ne sers à rien. Va ! alimente de rêves creux le cerveau débile des rimeurs et des artistes ; le créole est un homme grave avant l’âge, qui ne se laisse aller qu’aux profits nets et clairs, au chiffre irréfutable, aux sons harmonieux du métal monnayé. Après cela, tout est vain – amour, amitié, désir de l’inconnu, intelligence et savoir ; tout cela ne vaut pas un grain de café -. Et ceci est encore vrai, ô lecteur, très vrai, et très déplorable !

    Ainsi, Leconte de Lisle stigmatise t-il l’indifférence à la beauté, . Les positions critiques de Leconte de Lisle sur la société coloniale et l’esclavagisme apparaissent aussi dans ses commentaires, Cette société est présentée comme pervertie par la recherche du profit. L’histoire ne s’efface pas elle se réinvente. Les hommes ne changent pas, leur idée change juste de nom.

    Carpaye Bertrand


Témoignages - 80e année


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