Recueil de nouvelles fantastiques créoles

Bébèt, vous avez dit bébèt ?

4 juillet 2005

“Kapali, la légende du Chien des cannes” et les autres nouvelles du recueil de J. William Cally constituent des récits fantastiques créoles que l’auteur définit sous le terme de ’bébétik’.

(Page 6)

Les textes de William Cally se veulent "l’aboutissement d’un mélange aussi harmonieux que possible, d’un métissage littéraire, entre les principes structurels du texte fantastique et des matériaux d’un fonds légendaire et folklorique réunionnais, dont la richesse, liée directement à la grande diversité ethnoculturelle de l’île, se trouve encore amplement sous estimée et sous exploitée."
Ces récits échappant au cadre traditionnel du fantastique occidental, l’auteur se base sur le mot créole d’origine malgache “bébèt” qui signifie “créature maléfique, démon ou monstre” pour forger un nouveau genre : le bébétik.

Peurs réunionnaises

Étudiant en doctorat de littérature française et comparée, William Cally constate "le déclin progressif des peurs et croyances superstitieuses dans le cœur des jeunes générations réunionnaises. Nul ne peut prétendre le contraire : les histoires de bébét, qui terrorisaient dans le temps longtemps nos grands parents, voire nos parents, ne sont plus guère d’actualité, l’on n’y croit plus, l’on ne s’en raconte plus à la tombée du jour et, de fait, ces “sornettes” finissent par disparaître avec la mort de leurs conteurs."
Il déplore "cette perte de sensibilité vis-à-vis de ces cristallisations angoissantes de l’imaginaire que furent les bébéts et les mauvaizâm", il regrette surtout que ce soit "une perte brute : un pan entier de notre mémoire, de notre imaginaire réunionnais s’anéanti lentement sous l’acide de cette époque moderne." Aussi son travail de création est-il un hommage au patrimoine culturel réunionnais.

Et William Cally crée le Bébétik

Pour lui "cette période inéluctable de profond changement des mentalités dans laquelle se trouve La Réunion depuis la départementalisation, offre, à ces mêmes jeunes qui ne croient plus aux bébéts e autres mauvaizâm, la possibilité de se mettre à jouer avec ces choses-là et d’en faire ainsi autant d’objets artistiques ou littéraire." Tel est le rôle que se donne William Cally : "exploiter artistiquement, littérairement, les peurs anciennes et intimes pour l’efflorescence d’une littérature fantastique créole qui plongera ses racines dans le terreau des légendes et croyances de notre région indocéanique."
Il ajoute que "cette littérature bébétik naissante prouvera que les nouvelles générations ont entendu la voix de leurs gramounes, cette voix perpétuant les histoires à faire peur d’antan, et que tous ces éléments de la richesse de l’imaginaire réunionnais, loin d’être perdu, vont pouvoir être conservés, rénovés, raffinés et puis laissés en héritage à nos descendants."

"Expression de la rényonité"

Le recueil contient six nouvelles terrifiantes : “Kapali, la légende du Chien des cannes ” (Prix de l’océan indien de la nouvelle, 2000), “Les Rampes”, “Un rat sous la peau” (Prix du jury de l’océan indien 2003), “Les mains du caméléon”, “Mon mari-pêshër, oùquilê poisson ?”, “Chenille de fer” (Prix de l’université de La Réunion, 2003). L’écriture de William Cally est très précise, elle parvient à capturer notre attention et à nous faire tressaillir en tournant les pages.
Le chercheur en littérature fantastique Bernard Terramorsi signe la post-face et indique que "l’œuvre de William Cally est proche de ce que les artistes latino-américains appellent le réalisme magique ou le réel merveilleux". Il salue également la créolité des fictions de William Cally qui tient "au fonds, à l’expression de la rényonité : le traumatisme de l’esclavage, les points obscurs de l’Histoire Réunionnaise qui empêchent les historiens mais qui sont les ferments des fictions de notre écrivain...".

Eiffel


Signaler un contenu

Un message, un commentaire ?


Témoignages - 80e année


+ Lus