’Limazinèr 6’ de Wilhiam Zitte

Bus immatriculés ’Tèt Kaf WZ’

18 décembre 2004

On l’aime. On le déteste. Wilhiam Zitte s’affiche en grand format à l’arrière des bus de Saint-Denis. Lui et ses Tèt Kaf viennent dire que la fête réunionnaise de la liberté, c’est avant tout la Fèt Kaf. ’Un marronnage officialisé du déplacement dans la ville’, admet-il.

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À l’occasion du 20 décembre, la ville de Saint-Denis cherchait un projet qui puisse s’insérer dans toute la ville. La proposition de Lerka répond à cette commande. Pour la première fois, cette sixième opération "Limazinèr" fonctionne avec un seul artiste et non avec un collectif.
"Limazinèr 6" se propose d’investir avec les arts plastiques, ou la poésie, des supports inhabituels. Cette fois-ci, ce sont dix bus qui sont pris d’assaut. Pendant un mois, ces bus de Citalis seront à l’effigie des Tèt Kaf de Wilhiam Zitte. Cette exposition très itinérante se situe dans la continuité du travail de l’artiste peintre : “Tèt Kaf pou la Fèt Kaf”.

Un visuel ostentatoire

Depuis une vingtaine d’années, Wilhiam se sert du pochoir pour décliner ses portraits sous différentes formes. Le pourquoi de cette multitude de visages, l’artiste l’explique par une volonté "de porter une réflexion sur l’image du noir et de combler un déficit sur le portrait du Noir". Traduisez Kaf.
Après de nombreuses expositions classiques, institutionnelles, il a tout de suite eu envie de les mettre dans les rues, de les disperser.
Se référant à la tête de Maure, emblème corse, il a commencé par investir l’arrière des voitures, en pochoir puis en autocollant : "c’est un signe de ralliement, je le faisais pour mes amis, pour les gens de ma famille, puis sur la guitare de Gilbert Pounia, sur le kayanm de Danyèl Waro..."
Il y en a d’autres qui sont dans la nature, comme au Piton Rouge, pour faire comme "une signalétique sur un sentier historique, façon de marquer le territoire". Aussi, cette proposition de couvrir les bus, se situant dans le prolongement de son travail, lui est parue comme "magique".
Si les Tèt déryèr loto relèvent du clanisme, "signes de reconnaissance camouflés, clandestins", les Tèt déryèr lo kar entrent dans "un marronnage officialisé du déplacement dans la ville".

"Kaf is beautiful"

Depuis le début de son travail, le déficit de l’image du Noir dans la société se comble peu à peu : "En 20 ans les choses se sont améliorées, il y a des élus qui sont Noirs. Il y a une autre façon de se voir, de se regarder en tant que Noir. La publicité utilise de plus en plus cette image. Ces images dans un format aussi grand donnent envie d’aimer, prennent la place de quelque chose de très valorisée. Kaf is beautiful".
L’artiste estime cependant qu’il y a encore beaucoup à faire sur le Cafre, “Cafre” étant un concept global qui regroupe tous les Noirs et les métis. "Je m’inclus dans la cafritude. Plus qu’un concept, c’est une attitude".
Pour Wilhiam Zitte, le 20 décembre qu’on appelle désormais fête réunionnaise de la liberté, c’est par essence la Fèt kaf et en aucun cas la fête d’un quelconque abbé, ou d’un quelconque fruit, que ce soit le coco ou le letchis. Fèt kaf, un mot qu’il aime, qu’il défend.
"Les chars de la gendarmerie qui défilent lors de la fête nationale se nomme Dimitile, Cimendèf, je veux reprendre le dessus par rapport à cette récupération", explique-t-il encore. Et c’est pourquoi la proposition de la ville est pour lui "un grand honneur".

Eiffel


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