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par le Dr Raymond Vergès

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Célébrons la Fête réunionnaise de la Liberté dans l’union des Réunionnais pour un développement durable

Déclaration du Parti Communiste Réunionnais à l’occasion du 160ème anniversaire de l’abolition de l’esclavage

vendredi 19 décembre 2008

Ce 20 décembre 2008, les Réunionnaises et les Réunionnais célèbrent le 160ème anniversaire de l’abolition de l’esclavage dans leur pays. Cette célébration se déroule dix jours après le 60ème anniversaire de l’adoption par les Nations Unies de la Déclaration universelle des droits de l’Homme. La proximité de ces deux événements est un symbole fort pour le Parti Communiste Réunionnais.
En effet, le PCR a toujours souligné la nécessité de renforcer sans cesse le lien entre la Fête réunionnaise de la Liberté et l’union des Réunionnais pour faire respecter tous leurs droits et leur dignité. C’est un combat lié à celui pour un développement durable, solidaire, responsable et émancipateur.
Le lien entre ces deux commémorations est d’autant plus à souligner qu’elles se déroulent dans un contexte de grave crise économique, sociale et environnementale au niveau mondial. Une crise qui vient aggraver les problèmes structurels de la société réunionnaise, encore profondément marquée par les séquelles et survivances du passé (colonisation, esclavage, engagisme).

Dans un tel contexte, il est d’abord fondamental de saisir l’occasion de la célébration du 20 Désanm pour ne pas nous contenter de son aspect festif mais pour continuer à enrichir notre mémoire historique et donc la connaissance de notre passé. Car mieux nous connaîtrons notre Histoire, donc nos racines, mieux nous serons armés pour construire notre avenir.
Ainsi, rappelons-nous toujours, par exemple, que si le 20 décembre 1848, environ 60.000 esclaves sur 100.000 habitants dans notre île furent officiellement libérés de ce statut inhumain, ces personnes ne furent pas totalement affranchies. Elles n’obtinrent pas du pouvoir colonial en place les moyens d’exister qui leur étaient dus. Les rapports maîtres-esclaves ont continué sous d’autres formes entre les classes dominantes et les classes dominées, avec des effets dramatiques dont nous mesurons encore aujourd’hui les effets.

En même temps, l’abolition officielle de l’esclavage a ouvert la voie à de nouvelles luttes pour l’émancipation des Réunionnais, pour le respect de leurs droits fondamentaux et pour de nouvelles avancées sociales, culturelles, politiques. Ces avancées franchirent une nouvelle étape décisive un siècle plus tard, grâce au vote de la loi Vergès-Lépervanche du 19 mars 1946, qui a aboli le statut colonial de La Réunion.
C’est la raison pour laquelle les communistes, d’autres démocrates, des syndicalistes et des militants culturels se sont battus pendant des dizaines d’années pour faire vivre dans la population la commémoration du 20 Désanm et pour obtenir sa célébration officielle, dans le cadre d’un jour férié, en 1983.
Ils ont dû mener le même combat, avec d’autres camarades de lutte, pour faire reconnaître officiellement par la France l’esclavage comme crime contre l’humanité, grâce à une loi votée le 10 mai 2001.
Ce travail de mémoire a continué, en particulier au sein du Comité pour la Mémoire de l’Esclavage, auquel participent plusieurs historiens réunionnais. Il a abouti en 2006 à une autre grande décision historique de l’État : faire du 10 mai la date nationale de la commémoration en France de l’abolition de l’esclavage.

La République française est le seul État au monde qui a pris de telles positions sur la reconnaissance de l’esclavage comme crime contre l’humanité et pour la célébration de son abolition. Les Réunionnais ont apporté une contribution efficace à un tel positionnement.
Celui-ci conforte la conviction du PCR que le 20 Désanm, Fête réunionnaise de la Liberté, a d’une certaine façon une dimension universelle. Le contenu donné à cette fête signifie que nous voulons à tout prix nous appuyer sur elle pour aller ensemble vers une société plus juste, réellement libre et très solidaire.
En effet, nous ne devons jamais oublier que l’abolition de l’esclavage n’a pas libéré les Réunionnais de l’oppression et de l’exploitation en vue du profit. Les violences extrêmes du système esclavagiste ont été suivies par celles de l’engagisme et par celles d’autres formes du capitalisme dans une colonie.
Or, ce sont ces travailleurs surexploités qui ont construit La Réunion d’aujourd’hui. Et ce sont leurs luttes revendicatives et politiques qui ont permis de faire avancer la conquête de l’égalité sociale entre les Réunionnais et les métropolitains.

Tout cela nous rappelle que sans liberté individuelle et collective, il ne peut y avoir d’égalité entre les humains. Et que sans égalité entre les citoyens, on ne peut pas aller vers la fraternité.
Grâce aux combats menés par des générations de Réunionnais, des progrès socio-économiques, culturels et politiques ont donc pu être obtenus. Ils se sont traduits notamment par des améliorations des conditions d’existence et de l’espérance de vie, par une reconnaissance croissante de l’identité culturelle réunionnaise, par des avancées démocratiques.
Mais force est de reconnaître que ces progrès n’ont toujours pas permis à chaque Réunionnaise et chaque Réunionnais d’être traités de manière équitable dans la société. De graves séquelles du passé perdurent et portent atteinte aux droits essentiels des Réunionnais, comme l’a souligné le PCR le 10 décembre dernier dans sa déclaration à l’occasion de la Journée des droits de l’Homme : droit à l’emploi, droit à la formation, droit au logement, droit à des moyens de vivre décemment etc...
La persistance de discriminations de toutes sortes fait que de nombreux Réunionnais - principalement celles et ceux dont les ancêtres ont été des esclaves ou des engagés - se sentent méprisés, abandonnés, rejetés. Ils se sentent exclus du progrès économique, social, culturel et politique. Leurs souffrances créent des tensions, des drames personnels et familiaux, des violences de toutes sortes. Elles mettent en cause la cohésion de notre société et l’unité réunionnaise.

Dans ces conditions, notre priorité est de contribuer, dans un projet partagé, à l’accès de tous aux mêmes droits, ainsi que de rechercher un meilleur vivre ensemble entre Réunionnais. Cela nous oblige à évaluer tout ce qui a été acquis mais aussi à analyser les défis que nous avons à relever afin que chacun d’entre nous se sente fier d’être Réunionnais et respecté dans notre société, en tant qu’acteur libre et responsable du développement de son pays.
Dans le cas contraire, l’aggravation de la crise va accentuer la recherche de boucs-émissaires, la tendance au repli sur soi et le rejet de l’autre. En ce sens, la Déclaration universelle des droits de l’Homme peut et doit trouver toute sa force chez nous, en donnant notamment une dimension océano-indienne à notre vision du développement. C’est ce que nous appelons le co-développement régional solidaire.
Ce qui reste à faire à La Réunion doit être fondé sur l’abolition des injustices, sur la solidarité et le partage équitable de nos richesses. Ce sont là les bases d’un projet de société réunionnaise, où chaque personne se sent libre et responsable, pour elle et pour le monde.

Un tel projet doit rassembler le plus grand nombre possible des forces socio-économiques, culturelles et politiques du pays, dans le respect de leur diversité. Il doit animer tous les débats citoyens sur l’avenir de La Réunion.
Cette solidarité du maximum de Réunionnais est d’autant plus urgente que nous traversons une crise dont personne ne peut imaginer la durée et l’ampleur. Voilà une raison supplémentaire d’avoir une attitude responsable et ouverte.
C’est ainsi que nous pourrons prendre les mesures nécessaires qui nous rassembleront, au-delà de nos sentiments personnels, de nos particularités culturelles, religieuses, philosophiques ou autres.
160 ans après l’abolition de l’esclavage à La Réunion, faisons de la fête du 20 Désanm un moyen pour entrer dans l’ère de la responsabilité, de la valorisation de tous les Réunionnais et de leurs atouts. Une ère qui est en marche.

 Le Parti Communiste Réunionnais 

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