Exposition créoloceltique à Saint-Denis

Comme un air de Renésens culturel

29 janvier 2005

Entreprenez, jusqu’au 5 février, un doux voyage dans l’univers créoloceltique que vous propose l’association Renaissance celtique réunionnaise, au travers d’une exposition mêlant judicieusement photographies, peintures et sculptures.

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Il faut dire que l’endroit était de pures circonstances. La Maison du monde, à Saint-Denis, semblait prédestinée à réunir les genres et les cultures. Vendredi 21 janvier, lors de l’ouverture officielle de l’exposition créoloceltique, les visiteurs étaient ébahis par la qualité de l’exposition qui leur était donnée de contempler. Les sculptures de Camille Maillot s’appropriaient l’espace, se mêlant confortablement, tantôt avec les toiles de Gil Abody, tantôt avec les clichés de Marcel Lievaux.
Les trois artistes donnent ainsi à voir une conception du monde aiguisée par leurs incessantes interrogations ; une conception qui pose pourtant la question de l’unité des genres, quelle que soit la technique de l’artiste. Du moins peut-on dire qu’il vous est offert de rencontrer une même poésie, par le truchement de regards un tant soit peu différents.
Et se pose pour le visiteur néophyte la flagrante question : Celte ? Créole ? Quel intérêt de confondre sur notre palette déjà arc-en-ciel, du ciel breton sur l’alizé mascarin ? Peut-être pour mieux respirer notre culture confuse, qui se refuse si souvent les voies de l’interculturalité. Et si pour certains, il semble aberrant de vouloir s’oxygéner de cet air, alors dirons-nous, il ne leur sera jamais facile de prendre à plein poumon l’air “culturel” réunionnais, qui - s’il est malgache, indien, africain, comorien, chinois, arabe, parisien, normand - est aussi breton. D’où l’intérêt de jouer de tous ses apports.

Des œuvres créoloceltiques

L’exemple de Camille Maillot est justement explicite quant à l’apport celtique - mais nous pouvons aussi dire breton - dans la culture réunionnaise. Dans “Femme créole bigouden”, le sculpteur ne se ménage pas de lier deux techniques, deux cultures, à la fois si distinctes et si proches. Et les créations de cet artiste autodidacte réunionnais entrelacent l’art tribal avec l’art celte sans ménagement, donnant au final des œuvres “métissées”, illustrant fièrement la “batarsité” de son peuple multiculturel.
Gil Abody, si elle exprime avec talent les couleurs de notre île, s’inspire des techniques flamandes pour réaliser ses toiles. Certains parlent de réalisme celtique. On pourrait même ajouter “réalisme créoloceltique”. Akoz pa ?
Et puis, que dire des clichés de Marcel Lievaux, sinon qu’ils illustrent toutes les ressemblances et différences entre deux mondes si éloignés sur le globe, des œuvres empreintes de la poésie du voyageur. Je dis bien : la poésie du voyageur. Et Dieu sait que nombre de marins bretons ont foulé notre terre réunionnaise, laissant une pleine descendance de Réunionnais. Nous aurons l’occasion de revenir plus longuement sur le travail de ce poète-photographe alsacien, qui doit regagner l’hexagone.

Renésens... dans la place

L’exposition que vous propose l’association Renésens celtique réunionnaise ouvre un peu plus la porte de la connaissance du monde. D’une île au monde, le pas est vite fait. C’est peut-être ce qui a insufflé cette idée originale de mêler cornemuse et biniou sur des rythmes séga et maloya. Le groupe Renésens était bien évidemment de la partie pour ce vernissage créoloceltique. Il aurait été de mauvaise circonstance de ne pas pouvoir entendre la cornemuse et le biniou.
Tout comme il aurait été inconcevable de ne pas faire rouler le roulèr et entendre secouer le kayanm. Après la découverte de la salle d’exposition, le groupe sainte-suzannois a une fois de plus conquis le cœur de son auditoire. Le répertoire du groupe est bien évidemment passé en revue, et des compositions inédites sont livrées au public.
Ragga-rap-celtique au programme. Les mentors du “rap ficelle” n’ont qu’à bien se tenir. Damien Aupiais, ceinturé à sa Uillean Pipe, cornemuse irlandaise, donne une touche agréable à ce ragga-rap inédit, tandis que Morgan, le benjamin de la famille Aupiais, clame un texte écrit par Dominique Aupiais. Le groupe devrait encore “et toujours” être sous le feu des projecteurs.
Et puis nous ne pourrons terminer cette note d’ambiance sans toucher mots d’André Maillot, dit Toutou, un exceptionnel joueur de banjo, qui gagnerait à être connu. Entouré des musiciens de Renésens, il a offert un joyeux répertoire, allant des chansons phares du répertoire français aux complaintes de notre pays. Cet artiste de 68 ans n’aura pas arrêté d’impressionner le public présent, jouant de son banjo à la pure tradition Hendrix.
Comment ? Vous ne me croyez pas ? Il aurait alors fallu que vous soyiez présents pour le voir de vos propres yeux. Nous espérons vivement qu’une attention toute particulière soit accordée à Toutou Maillot pour qu’il puisse enregistrer. Les mélomanes réunionnais ne seront pas déçus.

Bbj


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