Présentation des propositions de Kiltir Partou aux États-Généraux de l’Outre-Mer

« Comment sauvegarder notre culture réunionnaise ? »

16 juin 2009

Samedi dernier, Kiltir Partou a présenté au président et aux rapporteurs de l’atelier 8 des États-Généraux de l’Outre-mer (ÉGOM) à La Réunion, les productions de ses six commissions.

Ces six commissions ont publié un document de 75 pages sur les thèmes suivants :
Mémoire, patrimoine, histoire et toponymie,
Langue,
Éducation,
Secteur professionnel de la culture et économie culturelle,
Culture,
Emploi local.

Rappelons que le président de l’atelier 8 des ÉGOM est Roger Ramchetty, président du Conseil de la Culture, de l’Éducation et de l’Environnement (CCEE). Cet atelier est intitulé "Identité, Culture et Mémoire". La rencontre s’est déroulée au siège du CCEE, à Saint-Denis, et le document a ensuite été présenté aux médias.
Rappelons aussi que Kiltir Partou est un collectif de 41 associations culturelles, artistiques et éducatives. Il a été créé, il y a trois mois, dans le cadre du mouvement social animé par le COSPAR (Collectif des Organisations Syndicales, Politiques et Associatives de La Réunion), pour en même temps défendre et promouvoir l’identité culturelle réunionnaise dans le cadre d’un développement durable. "Témoignages" publie ci-après le texte intégral de l’introduction du document de Kiltir Partou.

« La culture est un ensemble de structures sociales, de modes de penser, de manifestations artistiques, religieuses et intellectuelles qui définissent un groupe ou une société par rapport aux autres. Les Réunionnais sont arrivés de quatre continents : d’Europe, d’Afrique, d’Asie et même d’Océanie.
Les arrivants dans l’île ont été obligés de s’adapter : au climat, à la végétation, aux autres cultures : européenne (essentiellement française), malgache, indo-portugaise, africaine, indienne (de l’Inde hindouiste et de l’Inde musulmane), chinoise, comorienne, etc. C’est ainsi que sont nés le peuple réunionnais et la culture réunionnaise. Ainsi s’est créée une nouvelle identité : l’identité réunionnaise.

La culture créole est le noyau culturel commun à tous les Réunionnais. Elle est issue de la fusion, partielle sans doute, de toutes les cultures ancestrales.
La culture réunionnaise, elle, est composée de tout ce que les cultures ancestrales ont apporté à La Réunion. Elle dépasse, déborde la culture créole.
La culture réunionnaise est portée par les deux langues, le réunionnais et le français, mais aussi par les autres langues ancestrales, même si la langue créole joue un rôle fondamental dans cette culture.

Il y a plusieurs piliers à notre culture réunionnaise :
• Un premier pilier est géographique et climatique ;
• Un deuxième pilier est notre histoire commune ;
• Le troisième pilier est la langue que nous avons en commun : le réunionnais, notre créole.

Ce sont là les trois piliers de la culture réunionnaise sur lesquels il faut absolument insister car c’est un facteur essentiel pour le fait de vivre ensemble. On peut lutter ainsi contre les communalismes de quelque sorte qu’ils soient, d’où qu’ils viennent. On peut créer un sentiment d’appartenance plus grand, une solidarité plus grande.
Il y a, bien entendu, des différences culturelles entre Réunionnais, qui sont souvent d’ordre religieux. On est catholique ou on ne l’est pas, on peut être hindouiste, on peut être musulman, on peut parfois faire preuve de syncrétisme en mélangeant ou en acceptant deux religions ou davantage. Il y a donc des choses que nous ne partageons pas à 100%, que nous ne partageons que partiellement mais que nous partageons quand même, parce que nous avons des amis musulmans, des amis hindouistes, des amis catholiques. La culture réunionnaise n’est donc pas monolithique, mais elle procède d’un fonds commun important sur lequel on ne peut qu’insister.

Aujourd’hui, la culture réunionnaise est menacée, d’un côté par le rouleau compresseur d’une certaine culture française avec radio, télévision, journaux, école, Églises, mais aussi par le rouleau compresseur de la mondialisation. Il n’est, bien entendu, pas question de refuser les échanges mondiaux, il n’est pas question de se priver du français, de refuser la culture française, bien au contraire. Ce n’est pas contre l’addition que nous nous élevons, c’est contre la substitution.
Un individu n’est pas seulement un être physique, un appétit, quelqu’un qui joue un rôle économique, c’est un être culturel. Ne pas lui enseigner son histoire, sa littérature, sa manière de vivre, ce qu’il y a autour de lui, c’est l’appauvrir.
Nous sommes réunionnais, nous avons une histoire, une culture, que nous voulons léguer à nos enfants. Cet héritage-là ne passe pas uniquement par la famille, c’est un héritage qui est social, et le rôle de la société est de faire que cet héritage soit le bien de tous. C’est à partir de cet héritage qu’on est un être humain ayant sa dignité, et bien debout sur ses deux pieds.

Comment sauvegarder notre culture réunionnaise ?

KILTIR PARTOU demande
1) La prise en compte par l’école de la culture réunionnaise, non pas par un saupoudrage adroit, mais en profondeur et à tous les niveaux, en particulier à l’école primaire : les manuels scolaires, le matériel pédagogique en général, doivent être repensés, la philosophie même de l’enseignement doit l’être.
Pour faire œuvre éducative, il faut évidemment avoir une idée claire du but que l’on veut atteindre, mais il faut aussi partir de ce que l’enfant est. Il faut que les jeunes Réunionnais prennent appui sur leur langue et leur culture maternelles, pour s’ouvrir au monde, aux autres cultures, en particulier à la culture française — tout en continuant à cultiver leur langue maternelle— à développer leur culture première. À l’école on commence par donc l’enfant et on découvre au fur et à mesure par cercles concentriques ce qui tourne autour de l’enfant et progressivement on élargit les cercles pour lui permettre de s’ouvrir au monde.

KILTIR PARTOU souligne
2) Un rôle extrêmement important qui est celui des médias : à la télévision, à la radio, il y a, sans doute, une amélioration certaine, mais les progrès sont encore nettement insuffisants. Si l’on veut des créations de qualité, il faut y mettre les moyens pour, ce qui est loin d’être toujours le cas.

KILTIR PARTOU met en valeur
3) Les autres passeurs de culture que sont les artistes, les écrivains. Dans ces domaines de la création artistique et littéraire, une politique volontariste de soutien et de promotion est incontournable.

KILTIR PARTOU proclame
4) En fait, la culture réunionnaise, dans toutes ses expressions, essentiellement dans ses deux langues principales — le réunionnais et le français —, dans son unité et ses différences, doit être présente partout. »

Outre-mer

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