Rapport sur les conséquences de l’opposition du Conseil constitutionnel à l’utilisation d’une langue régionale comme langue d’enseignement

Créole langue d’enseignement à La Réunion : une question de responsabilité réunionnaise

24 juillet 2021, par Manuel Marchal

Quelle école au service du développement de La Réunion ? Le droit de faire du créole, langue maternelle de la majorité des Réunionnais, une langue d’enseignement était une mesure inscrite dans une loi votée contre l’avis du gouvernement et des groupes LREM et France Insoumise, et censurée par le Conseil constitutionnel. Un rapport parlementaire cherche à sortir de l’impasse. L’usage du créole comme langue d’enseignement ne pourra que faciliter la réussite scolaire de la majorité créolophone des élèves réunionnais. Pour se libérer des rigidités imposées par le cadre actuel, le transfert de la compétence de l’éducation à La Réunion aux Réunionnais pourra permettre d’adopter plus rapidement cette mesure de bon sens. Ceci peut très bien figurer dans un projet réunionnais discuté par une Conférence territoriale élargie.

Le 21 mai dernier, le Conseil constitutionnel avait censuré une partie de la loi sur la protection et la promotion des langues régionales. Le contenu jugé contraire à la loi fondamentale de la République portait notamment sur l’enseignement immersif dans la langue régionale sans préjudice de l’apprentissage du français.
Le Conseil constitutionnel a estimé que « en vertu des dispositions de l’article 2 de la Constitution, l’usage du français s’impose aux personnes morales de droit public et aux personnes de droit privé dans l’exercice d’une mission de service public. Les particuliers ne peuvent se prévaloir, dans leurs relations avec les administrations et les services publics, d’un droit à l’usage d’une langue autre que le français, ni être contraints à un tel usage. (…)
A cette aune, le Conseil constitutionnel relève qu’il résulte notamment des travaux préparatoires de la loi déférée que l’enseignement immersif d’une langue régionale est une méthode qui ne se borne pas à enseigner cette langue mais consiste à l’utiliser comme langue principale d’enseignement et comme langue de communication au sein de l’établissement.
Il en déduit que, en prévoyant que l’enseignement d’une langue régionale peut prendre la forme d’un enseignement immersif, l’article 4 de la loi déférée méconnaît l’article 2 de la Constitution. »
Autrement dit, cette décision estime par exemple qu’utiliser le créole, langue maternelle des Réunionnais, comme langue d’enseignement pour faciliter l’acquisition des connaissances plutôt que le français, n’est pas possible dans le cadre actuel.

L’idée d’une nouvelle loi

Le Premier ministre a alors missionné deux députés, Christophe Euzet (Agir, Hérault) et Yannick Kerlogot (LREM, Côtes-d’Armor), afin qu’ils rendent un rapport sur les conséquences de la décision du Conseil constitutionnel et fassent des propositions pour « conforter l’action des réseaux associatifs ». Le rapport a été remis le 21 juillet et en ont présenté les principales dispositions dans une interview à l’Express.
« Le Conseil constitutionnel a estimé que la loi Molac allait trop loin et demande des précisions supplémentaires. Nous avons compris de nos auditions qu’il n’est pas opposé par principe à l’enseignement immersif. C’est pourquoi, plutôt que de chercher à définir ce qu’est l’enseignement immersif, nous nous sommes surtout attachés à définir ce qu’il ne peut pas être », indiquent les deux députés, « il ne doit pas être obligatoire. Il ne doit pas menacer l’acquisition d’une bonne maîtrise de la langue française. Si la langue régionale peut être utilisée comme langue de communication en dehors des cours, cela doit se faire sans porter atteinte au bien-être de l’enfant. A la cantine, par exemple, un élève doit pouvoir s’exprimer en français pour signaler une demande ou un besoin. Enfin, la langue régionale ne doit pas non plus s’imposer dans le dialogue avec les parents ».
Ceci se pratique déjà dans des écoles « immersives » dont le but est « est le bilinguisme français-langue régionale, et non le monolinguisme breton ou basque par exemple ». « Pour rassurer les uns et les autres, il importe que tout cela soit précisé noir sur blanc », estiment les députés.
Ils pensent donc qu’une « loi plus précise » sera regardée « avec d’autres yeux » par le Conseil constitutionnel. Car pour les deux parlementaires, il semble possible d’agir dans le cadre actuel de la Constitution. Le réécriture de l’article 2 de la Constitution stipulant que le français est la seule langue de la République ne serait pas nécessaire.

Pour une école réunionnaise

Ceci montre la complexité pour adapter le système éducatif en place à La Réunion à la réalité du pays. En effet, le cadre institutionnel de La Réunion rend mécaniquement applicables toutes les lois votées à Paris. Gouvernement et parlementaires peuvent y inscrire des adaptations.
La politique de l’éducation n’y échappe pas. Ceci fait que tous les jeunes Réunionnais doivent suivre un enseignement en français alors qu’elle n’est pas la langue maternelle de la majorité d’entre eux, et qu’elle ne fait pas l’objet d’un apprentissage préalable en tant que langue étrangère.
Cela ne peut que compliquer la tâche pour réussir à l’école. Dans le même temps, alors que tous les Réunionnais doivent faire une scolarité obligatoire d’au moins 10 ans uniquement en français, parmi eux plus de 110.000 sont illettrés. De plus, les Réunionnais qui ont le parcours scolaire le plus bref sont ceux qui sont les plus sanctionnés par le chômage.
Logiquement, l’utilisation du créole comme langue d’enseignement permettrait de mettre l’école en cohérence avec la société. Cela ne pourra que faciliter les apprentissages.
Pour se libérer des rigidités imposées par le cadre actuel, le transfert de la compétence de l’éducation à La Réunion aux Réunionnais pourrait permettre d’adopter plus rapidement cette mesure de bon sens. Ceci peut très bien figurer dans un projet réunionnais discuté par une Conférence territoriale élargie.

M.M.

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Messages

  • Maîtrisé à l’oral et à l’écrit, un patois, une langue quelle qu’elle soit, très bien mais de l’autre côté, il ne faut pas que cela renferme encore plus les gens qui se limitent qu’à une seule, comme le créole réunionnais ou autre comme aux Antilles. Cela se verra de suite, donnera un côté "sympa", exotique ok, c’est bien gentil mais il ne faut pas oublier le français, indispensableà connaître sur le bout des doigts si on veut trouver du travail en métropole, renseignez-vous. Etre citoyen cela demande des efforts, du respect des droits, normal non ? Imaginer un DRH recevant un réunionnais ne sachant pas parler correctement français, ça ne passera pas ! C’est sur,il faut l’expliquer, savoir parler, être cultivé, cela rend libre ! bon WE zot tout, Arthur.


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