Eugène Rousse et le cinquantenaire du P.C.R. : Quelques moments forts à ne pas oublier — 2 —

Des actes indignes d’un préfet, mais restés impunis

6 mai 2009

Voici le second volet du document rédigé par notre ami Eugène Rousse à l’occasion du 50ème anniversaire de la création du Parti Communiste Réunionnais et de son 6ème Congrès. Dans un premier temps, il nous a rappelé plusieurs faits historiques montrant que dès la fin des années cinquante, le but que s’était fixé le pouvoir parisien était d’éliminer les communistes de la vie sociale, culturelle et politique réunionnaise. Et l’un des représentants de l’État auxquels a été confiée cette tâche fut Jean-Perreau Pradier. Après avoir illustré le mépris de ce préfet tyrannique envers les Réunionnais, Eugène Rousse évoque d’autres comportements indignes de ce ’néo-gouverneur’ ; des actes restés toutefois impunis.

Outre les scandales électoraux, Jean Perreau-Pradier est mis en cause dans d’autres scandales. Je n’en citerai que trois.

Des médecins trafiquants couverts par l’État

En 1957, les Réunionnais apprennent que les crédits transférés par Paris seront sensiblement diminués. Lors d’un débat à l’Assemblée nationale, le gouvernement justifie sa décision : à La Réunion, les fonds de l’AMG (aide médicale gratuite) sont pillés sur une grande échelle.
Le 2 mai 1957, lors d’une réunion du Conseil général de La Réunion, le groupe communiste, par la voix de Paul Vergès, dénonce cette diminution de crédits, qui passent de 79,3 millions de francs en 1956 à 44 millions de francs en 1957 et à 32,7 millions de francs en 1958. Puis le député de La Réunion, qui est aussi conseiller général de Saint-Paul, s’étonne que le chef du département, qui connaît parfaitement les noms des médecins responsables des vols commis au préjudice de l’AMG, ait gardé jusqu’ici le silence. Jean Perreau-Pradier l’interrompt brutalement en déclarant : « la Justice est saisie ».
En fait, aucune suite judiciaire n’a été donnée à cette affaire, en dépit de la décision unanime de l’Assemblée nationale de demander que des poursuites judiciaires soient engagées contre les médecins trafiquants de l’AMG.

Un préfet pédophile non poursuivi

Autre affaire tout aussi grave : le 6 avril 1959, Jean Perreau-Pradier séjourne au Port. En milieu d’après-midi, de passage au commissariat de police, avant de se rendre à la "Villa Bourbon", sa résidence secondaire de Saint-Gilles, il demande au brigadier de service d’aller lui chercher au collège tout proche une jeune fille de 17 ans. Le policier s’exécute et vient frapper à la porte de ma classe où la collégienne suit ses cours. Devant mon refus de laisser sortir cette dernière, le policier me confie qu’il ne fait qu’exécuter un ordre du préfet. À ma demande, il s’adresse alors au directeur du collège, qui accepte de lui donner le feu vert pour qu’il conduise l’élève au commissariat. De là elle est emmenée à la "Villa Bourbon", où des "ballets roses" étaient périodiquement organisés.
Cet enlèvement de mineure provoque colère et indignation au Port, où l’association des parents d’élèves de la ville condamne sévèrement la conduite du préfet dans une motion votée le 13 avril en présence du maire du Port. Malgré tout le bruit fait autour de cette grave affaire, ni le Parquet de Saint-Denis, ni le vice-Rectorat n’ont ordonné l’ouverture d’une enquête.

Un préfet responsable de dizaines de morts suite au cyclone Jennie

Le dernier fait que je me dois de relater se passe le 28 février 1962 ; soit deux mois après la promotion au grade de Commandeur de la Légion d’Honneur de Jean Perreau-Pradier sur proposition du Premier ministre Michel Debré.
Ce jour-là, le préfet se repose dans sa résidence de Saint-Gilles. Alors que le cyclone Jennie frappe l’Est de l’île depuis l’aube, après avoir dévasté l’Île Maurice, Jean Perreau-Pradier fait diffuser à 7 heures 30 par Radio Saint-Denis un communiqué dans lequel il « invite la population à ne pas interrompre ses activités et l’informe qu’au cas où la menace du cyclone se préciserait, elle en serait aussitôt avertie… ». Or, malgré les demandes pressantes du service météorologique — dirigé par M. Foissy — de déclencher en milieu de matinée l’alerte de danger immédiat, le préfet refuse de se ranger à l’avis du météorologiste. Devant l’insistance de ce dernier, il finit par lui répondre : « Bon, puisque vous la voulez votre alerte, allez-y !! ». Mais il était hélas trop tard. À Saint-Denis, le vent soufflait à plus de 200 km/heure peu avant midi.
En raison de la carence préfectorale, le bilan du cyclone Jennie est très lourd :
37 morts et 150 blessés pour 350.000 habitants ;
4.000 maisons totalement détruites et 16.000 personnes sans abri ;
Les récoltes ravagées à 80%.
Pour tenter de se faire pardonner, le préfet fera plus tard état de « la brutalité, de la rapidité et la soudaineté du cyclone Jennie », et s’engage à prendre désormais toutes dispositions en vue de « mieux coordonner les systèmes d’alerte… ».

Eugène Rousse

(à suivre)

Parti communiste réunionnais PCR6ème Congrès du PCR

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