JOURNÉE NATIONALE DE COMMÉRATION DE LA TRAITE NÉGRIÈRE, DE L’ESCLAVAGE ET DE LEURS ABOLITIONS

Dimitile avec nous !

10 mai 2007

200 à 250 personnes ont répondu à l’invitation de l’association “Capitaine Dimitile”, pour une journée de commémoration, d’invocation des ancêtres et de célébration festive, au bout du chemin Bœuf, à l’Entre-Deux. Un moment intense de recueillement sur notre passé pour y puiser les forces de construire, aujourd’hui et demain.

L’association “Capitaine Dimitile” peut être fière de son initiative et surtout de la réussite de la journée de mardi, qui a permis un rassemblement inédit de nombreux bénévoles pour une commémoration inhabituelle : des membres d’associations, des artistes, tous venus pour marquer leur attachement à une part trop oubliée de notre histoire, celle de l’esclavage et des nombreuses formes de révoltes auxquelles il a donné lieu. Le marronnage est une des pages les plus sanglantes, les plus dures mais aussi les plus dignes de passer à la postérité de notre courte histoire.
L’association Capitaine Dimitile travaille à restaurer la mémoire d’un site, à l’Entre-Deux, mémorable par la présence de nombreux Marrons (esclaves fugitifs), dont le célèbre “capitaine Dimitile”, nom repris par l’association.
« On ne parle pas suffisamment de l’esclavage et du marronnage et nous avons voulu marquer cette date du 10 mai, pour faire connaître notre histoire. Des fois, quand on discute avec les gens, on s’aperçoit qu’ils
n’ont pas les idées très claires sur le choix de la date du 10 mai. Donc, pour nous, il était important d’en parler »,
explique Piérique Rivière, directeur de
l’association de l’Entre-Deux.
Roland Darty, animateur, a été très marqué par le moment le plus intense de la journée selon lui : l’invocation aux ancêtres. Lue en trois langues (voir
encadré)
par Vololona Hajaso Picard, enseignante à l’Université, l’invocation a été suivie d’un moment de partage assez rare, quand Miko, l’habitant des lieux (de son vrai nom Maxime Bedeau), tout imprégné de l’esprit de cette rencontre, a proposé à ceux chez qui il sentait des tensions internes presque palpables, de s’en remettre à ses “passes” de guérisseur (bénévole) et de lui confier leurs douleurs. « Tout le monde ou presque s’en est remis à Miko », observe Roland Darty.
Ce dernier souligne aussi l’immense travail accompli toute l’année par l’association de Piérique Rivière : la réhabilitation de 40 km de sentiers et des coins “Nature”.
Vololona Hajaso Picard souligne quant à elle « la convergence formidable de bonnes volontés et d’énergies » manifestée dans cette rencontre culturelle et artistique dédiée à la commémoration d’une fête nationale depuis 2001 : la fin des traites et de l’esclavage. Elle a été très sensible à l’hommage aux esclaves marrons, à la volonté de faire vivre leur mémoire « dans un moment de communion ». « Il faut redonner à la mémoire son sens vivant ; la mémoire n’est pas quelque chose de figé dans le passé puisqu’elle donne un sens à notre projection dans l’avenir. La tradition nous porte en avant », dit-elle
pour s’inscrire en faux contre tous les discours de division, de partition.
« Il nous faut tenir notre Histoire par tous les bouts, en comprendre l’évolution pour déjouer les positions de défiance marquée ici ou là », poursuit l’universitaire.
Ceux qui ne voient dans ces moments de partage présent qu’une manifestation de « repentance », avec tout ce qui peut s’y attacher de culpabilité en friche, commettent une lourde erreur. Cette erreur a très certainement une histoire, qui n’est pas la nôtre.

P. David


Invocation en malgache

Tonga eto izahay ry razana hajaina, hangata-dalana amin‚ izao fomba sy fampisehoana ho ataonay etoana. Mitsangana eto izahay daholobe avy eto la Reunion, avy any Madagasikara, avy any Afrika, avy any Europa na avy any tany hafa maro koa tsy ho voatanisa eto, hangataka fitahiana, fahasoavana aminareo ary indrindra indrindra hankalaza ny andro nanafoanana ny fanandevozana eo amin‚ ny sehatra nasionaly frantsay ary ny fahafolo ny volana mey ny daty natokatana hon‚io andro io. Androany andro fety, tsy miasa ny olona, ary dia maro ny tapaka sy namana naniry hanatrika an‚izao fomba sy fampisehoana izao. Andro fety hoy aho, ary andro fahatsiarovana koa. Andro fahatsiarovana ireo olona tsy hita velively izay namoy ny ainy, izay novonoina, ary koa izay nikomy sy nijaly teo amin‚ny fanandevozana ary teo am-pitadiavana ny fahafahana. Noho izany, ireto ny zavatra kely atolotry
ny raiamandreny Miko amin‚ny anaranay rehetra. Atolotra am-panajana.

Traduction créole

Zordi, nou lé la, pou demann azot - azot nout vié zansèt n’i réspèk, n’i yème -, nou lé la pou demann azot donn anou le droi fé sérémoni-la, la fèt-la, in
fèt, in sérémoni nou la-prépar pou zot. Nout tout, tout ansanm, n’i debout atér-la. N’i sort dann tout péi : La Rénion, Madégaskar, Lafrik, Lérop, plin d’ot
péi ankor, tèlman n’ péi nou lé mèm pa kapab donn tout le nom. N’i vien demann azot avèy desi nou, béni anou.
N’i vien, pli prinsipal ankor, fé arviv, èk zot, lo souvnans ofisièl labolision lesklavaz. N’i vien, zordi, atérla, n’i vien fé éklate nout joie pou sa
gran zour-labolision-la. In bon pé demoun la vni Dimitil pou sa. La fèt, zordi ! Vré pou vréman, la fèt zordi. An minm tan, sa in zour pou la souvnans, lo
souvnir : n’i mazine tout bann fanm, bann bononm lé mor, bann‚a la tié. Tout sak la révolté kont lésklavaz, tout sat la rode - ki mér ki vi ! - la Liberté. Pou samèm, Gramoun Miko, i prézant azot, pou nout tout, bann kado-la, konm in déklarasion nout réspé, nout lamour pou zot, azot, nout vié zansèt la
fine alé.

Traduction française

Nous voici, Ancêtres vénérés, pour vous demander de nous permettre d’accomplir ici les rites et la fête que nous avons préparés. Nous nous tenons tous ensemble ici debout, venus de toutes parts, de La Réunion, de Madagascar, d’Afrique, d’Europe et de nombreux autres pays que nous ne saurions tous énumérer ici. Nous venons pour vous demander votre protection, votre bénédiction, et par-dessus nous venons célébrer la commémoration nationale de l’abolition de l’esclavage. Nous la célébrons ici
Aujourd’hui, car c’est jour de fête et nombreux sont les gens qui ont tenu à venir ici au Dimitile pour ce grand jour. Oui c’est un jour de fête, et c’est aussi un jour de recueillement car nous pensons à ces hommes et femmes innombrables qui sont morts, que l’on a tués, qui se sont révoltés dans l’esclavage comme dans leur recherche infatigable de la liberté. C’est
pourquoi notre père-et mère (= Ancien investi d’une autorité spirituelle) Monsieur Miko vous présente, en notre nom à tous ces offrandes, en gage de respect, et d’hommage.


Colloque à Paris

Les églises et la mémoire de l‚abolition

Un colloque “Christianisme, esclavage, liberté et mémoire”, aura lieu du 10 au 12 mai au Palais des Congrès de l’Est parisien, à Montreuil, contribution des églises protestantes à la problématique de l’abolition de la traite et de l’esclavage.

Le débat qui se tiendra à Montreuil du 10 au 12 mai est une initiative chrétienne pour « contribuer au débat sur la problématique de la traite et de l’esclavage des Noirs ». C’est l’écho que les églises protestantes de France, d’Afrique font à l’anniversaire de la loi du 10 mai 2001 reconnaissant l’esclavage et la traite comme crime contre l’humanité, sous la responsabilité d’un docteur en sociologie, Jean-Claude Girondin, avec le mouvement
Agape-France et de nombreux partenaires.
Agape France est une association protestante, membre de la Fédération protestante de France et de l’Alliance évangélique française
(http://www.agapefrance.org/agape/). Plusieurs églises, comprenant la Communauté des églises d’expression africaine et les églises haïtiennes et
afro-caribéennes de France comptent parmi les partenaires de ce colloque.
Abordé dans une approche interdisciplinaire à travers plusieurs thématiques relevant de l’histoire, de la philosophie, de la théologie, de la psychologie et de la sociologie, le colloque de Montreuil s’intéresse, au-delà de la question historique, aux empreintes de l’esclavage dans le monde contemporain : 700.000 à 2 millions de femmes et d’enfants entraînés dans ce commerce chaque année, selon des chiffres de l‚UNICEF, qui désigne l’Asie du Sud-Est, l’Afrique de l’Ouest et du Centre comme étant les régions du monde les plus
touchées.
Au programme : des conférences avec, entre autres, Daniel Maximin et Gaston Kelman ; une exposition photos La Mer(e) C’est l’Histoire, du photographe André Letzel (vernissage le 11 mai à 16h30 sur le lieu du colloque). Le concert Gospel avec la chorale belge Gospel NJL de Liège, dirigée par Denise Liselele Tshiteya a été annulé au dernier moment. Restent d’autres rencontres culturelles mêlant contes, chants traditionnels créoles, etc.
Toutes les manifestations sont d’accès libre.
Parmi les conférences, l’une présentera la figure de William Wilberforce, une figure de l’abolitionnisme chrétien au Parlement britannique et son influence sur l’abolitionnisme français. Daniel Maximin traitera « du devoir de mémoire au droit à l’histoire » et Gaston Kelman de « la traite négrière entre mémoire et
histoire ».

P.D


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