Samedi dernier, à la médiathèque Benoîte Boulard du Port

Émouvant hommage aux Réunionnais qui n’ont jamais connu leur île

17 décembre 2007, par Alain Dreneau

Les deux stèles installées à l’entrée de la médiathèque du Port.

1848-2008 : cela va faire 160 ans que l’esclavage a été aboli à La Réunion. Cet anniversaire a été une nouvelle occasion pour les Portois de se remémorer que le peuplement de notre île est né d’un crime contre l’humanité. Comme l’a rappelé Jean-Yves Langenier, le Maire du Port, ce sont plus de 600.000 êtres humains qui ont été broyés par le terrible système esclavagiste.
Livrés pieds et poings liés, les esclaves vendus aux propriétaires de l’île Bourbon se sont vu nier leur humanité, y compris jusque dans la mort qui leur a volé leurs sépultures, aujourd’hui dissoutes dans un oubli absolu.
Mais que dire de l’oubli frappant la multitude de ces anonymes, disparus lors des traversées océaniques de la traite négrière, avant même d’avoir atteint leur funeste destination ? L’hommage rendu samedi matin sur le parvis de la médiathèque de la ville les a fait surgir à nouveau dans notre mémoire collective. 25% des esclaves - un esclave sur quatre - transportés dans les conditions inhumaines que l’on sait sont morts dans les cales des bateaux, emportés par la maladie, suicidés, agonisants, épuisés, affamés lors des disettes à bord, assassinés...
La stèle qui s’élèvera désormais sur un tumulus entouré de verdure porte gravé un émouvant hommage à ces Réunionnais, femmes, hommes, enfants, qui n’ont jamais connu leur île, mais qui font ô combien partie de son patrimoine humain et de son histoire.
C’est au travers d’une strophe magnifique du poète Patrice Treuthardt, écrite en 1992 lors d’une première commémoration, que cette stèle nous parle :
« O mer moire mémoire du peuple noir
Mer mer plus amère que margoz amer
Redis-moi les têtes crépues de l’innombrable
Enfouies sans nom dans l’abîme... »
Dressée aux côtés de cette stèle, une autre stèle, réinstallée samedi, lui fera écho. C’est la pierre sur laquelle le grand romancier brésilien aujourd’hui disparu, Jorge Amado, avait inscrit ses vœux de longue vie à la future médiathèque du Port. C’était au mois d’octobre 1990... La chance avait voulu que l’auteur de “Bahia de tous les saints”, de “Tereza Batista”, du “Bateau négrier” et de bien d’autres chefs-d’œuvre soit parmi nous lors de cette ouverture du chantier de l’équipement culturel. Entre le Brésil et La Réunion, le grand Jorge Amado avait souligné les points communs. Parmi eux, et au plus profond, figurent la traite et l’esclavage.

Alain Dreneau


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