Parution du nouveau roman de Jean-François Samlong

’En eaux troubles’ : derrière un drame, « donner au lecteur le plaisir de lire »

23 mars 2014

En février dernier, le célèbre écrivain réunionnais Jean-François Samlong a publié un 11ème roman aux Éditions Gallimard, sous le titre : ’En eaux troubles’. Dans cet ouvrage, le président de l’UDIR (Union pour la Défense de l’Identité Réunionnaise), âgé de 65 ans, raconte comment une famille du pays a vécu la tragédie de l’un de ses membres, Bruno, un jeune surfeur de vingt ans disparu en mer sur le spot de l’Ermitage. Jean-François Samlong, docteur en lettres et sciences humaines, professeur retraité, nous présente le contexte dans lequel il a écrit cette œuvre passionnante et le sens humain qu’il donne à son écriture.

Jean-François Samlong, lors d’une dédicace de son 11ème roman, "En eaux troubles", le 8 mars dernier.
(photo Sandra Emma)

En un peu plus de deux ans (février 2011 - juillet 2013), il y a eu onze attaques de requin à La Réunion, dont cinq mortelles. C’est peu et beaucoup, en même temps.
C’est peu, parce que le nombre de victimes n’est pas élevé (par exemple, en 2013, durant les vacances estivales de juillet-août en France, il y a eu 92 personnes qui se sont noyées, dont la plupart en mer et cela n’a pas créé une vive polémique).

Cela fait beaucoup, parce qu’il s’est développé dans l’île une véritable psychose du requin. Quelles en sont les raisons ? L’espace insulaire : syndrome de l’enfermement ; le mythe du requin considéré comme le plus vieil ennemi de l’être humain…

Redonner du sens à la vie

Ce roman raconte la journée d’une femme, une mère de 40 ans qui a perdu son fils en mer, dans la passe de l’Ermitage. Dévoré par un requin-tigre ? Le problème c’est qu’on n’a retrouvé que la moitié de la planche de surf. Pas de corps. Pas de veillée mortuaire. Pas d’enterrement.

De l’impossibilité de faire son deuil, naît la souffrance d’une mère. À partir de là, son imagination emprunte tous les détours pour redonner du sens au réel, au présent, à la vie elle-même.

L’intrigue se déroule lentement, car une fois que le drame a eu lieu, le temps du récit ne peut plus être le temps du drame (en tout cas, ce temps-là ne présente plus aucun intérêt pour moi) ; le temps du récit épouse le souffle de la mère qui, envers et contre tout, veut continuer à croire que son fils est toujours vivant, quelque part ; le véritable temps du récit, c’est celui de l’espoir, du doute, peut-être aussi celui d’une vengeance qui ne veut pas dire son nom.

L’aventure d’une écriture

Comme personne ne sait ce qui s’est réellement passé ce jour-là — jour de la disparition de Bruno en mer —, au-delà de la barrière de corail, il n’y a pas de description précise du drame. On a le lieu du drame, le nom de la victime, c’est à peu près tout.

Ayant peu de prises sur les faits eux-mêmes, je me suis intéressé à ce qui se passe dans la tête de la mère ; et tout à coup, ça devient passionnant d’écrire ce roman. Chaque page est un défi à relever parce qu’on ne sait rien avant d’avoir noirci la page. Et donc, une fois de plus, ce n’est pas l’écriture d’une aventure mais l’aventure d’une écriture qui ne sait pas trop où elle va, tendant quand même vers son but : donner au lecteur le plaisir de lire.


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