Disparition de Gramoun Bébé

Encore une grande perte pour le maloya

23 février 2005

Gramoun Bébé est entré dans l’olympe du maloya. Hier, il rejoignait Gramoun Baba, Gramoun Lélé et le Rwa Kaf, après une vie entière consacrée au maloya kabaré.

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C’est bien tristement que nous avons appris hier la disparition d’un zarboutan nout kiltir. Gramoun Bébé s’est éteint à l’âge de 78 ans. Peu connu des scènes réunionnaises, il aura pourtant marqué de manière inexorable le monde du maloya kabaré.
Personnage authentique, proche des siens, il aura laissé derrière lui une grande génération de maloyèr. Patrick Manent ou encore la troupe Kozman ti dalon sont ses petits-enfants, fidèles gardiens du patrimoine laissé par Louis Jules Manent. Mais on dira plus volontiers qu’il a œuvré dans la préservation d’une partie indéniable de notre culture. Le kabaré roule chez lui sur de belles planches.
Récemment, le Pôle régional des musiques actuelles (PRMA) lui consacrait un disque entier "Le maloya kabaré". Fils d’un père kaf malgache et d’une mère malbaraise, il sera l’aîné d’une famille de seize enfants. La famille Manent vit alors très modestement sur la propriété des Bénard, grands propriétaires terriens et propriétaire de l’usine.
Pour ainsi dire, Gramoun Bébé est resté fidèle à la terre. Il s’installera à la Balance Coco, à Saint-Louis, où il perpétue une tradition, qu’il découvre à l’âge de 7 ans. Le maloya est alors son seul violon d’Ingres. C’est en suivant son père qu’il découvre le kabaré. En 1951, alors âgé de 24 ans, il réalise son premier service Kabaré.
En gros, il a perpétué ce maloya traditionnel, malgré l’adversité d’un système colonial et néo-colonial, durant plus de 70 ans. "Personne ne m’a indiqué comment faire. Tout ce que je fais, je le tiens de mes ancêtres qui me sont apparus en rêve", faisait-il remarquer à Stéphane Grondin lors d’un entretien.

In "zarboutan nout kiltir"

Notre journal ne peut que saluer cet homme, qui ne se reconnaissait pas nécessairement artiste. Nous saluons ce passeur culturel, ce gardien du maloya, ce zarboutan nout kiltir, qui a mis en valeur avec courage une partie de nous, une partie de chaque Réunionnais. À toute sa famille, nous transmettons nos plus sincères condoléances, et regrettons cette grande disparition. L’équipe du PRMA exprime ses sincères condoléances à la famille Manent.
Elle avait contribué à la sortie d’un disque "Maloya kabaré", qui se voulait être un document ethnomusicologique, un outil de choix pour comprendre le kabaré. "Gramoun Bébé est une figure mythique du kabaré, qui a contribué au patrimoine immatériel", déclarait Stéphane Grondin du groupe Mélanz Nasyon. Nous souhaitons fermement que cet honneur, comme pour d’autres, lui soit solennellement rendu. Comme d’autres, il devrait pouvoir bénéficier du titre de "zarboutan nout kiltir".
C’est tout ce que nous lui souhaitons. Certains penseront que nous nous avançons un peu trop vite. Pourtant au vu de son travail de préservation du patrimoine culturel réunionnais, il mérite à une reconnaissance, surtout lorsque l’on sait qu’il a toujours œuvré dans l’intimité familiale.

Bbj


Réactions

"Un des zarboutan de notre culture"

Le destin frappe à nouveau cruellement l’un des piliers, un des zarboutan de notre culture.
Gramoun Bébé incarnait le patrimoine immatériel réunionnais. Grâce à lui, passeur de traditions notamment à travers le servis kabaré, le maloya s’est transmis par delà les générations.
Si sa disparition nous fait perdre un peu plus de notre mémoire culturelle, elle nous incite plus que jamais à inscrire la sauvegarde de notre patrimoine dans les priorités de l’action publique.
À sa famille, à ses amis, à ses proches, j’adresse mes condoléances les plus sincères.

Paul Vergès,
Président de la Région Réunion.


"Un grand monsieur"

Même s’il paraît vain de préciser en de telles circonstances que nous venons de perdre un Grand Monsieur, je me dois de mentionner que Gramoun Bébé, notamment par sa culture, son histoire, sa prestance laissera un nouveau vide au sein du paysage musical réunionnais.
Cela dit, ses pratiques cultuelles (qu’il a soucieusement transmises à tous ceux qui ont su l’écouter, avant de se dire qu’il pouvait nous faire faux bond) resteront à jamais partie intégrante de notre identité pluriethnique.
Grand merci à toi Gramoun.

Fanie Précourt,
chargée du patrimoine au
P.R.M.A. (Pôle régional des musiques actuelles)


Hommage à Gramoun Bébé
C’est avec beaucoup d’émotion que nous avons appris la disparition de Gramoun Bébé.
Nous tenons à rendre hommage à cet artiste qui nous a légué, avec beaucoup de générosité, une partie du patrimoine musical de l’île de La Réunion.
Nous saluons son courage, sa force de travail et sa dignité qui se sont manifestés à travers son œuvre musicale.
Merci à Gramoun Bébé pour toutes les valeurs de solidarité, de fraternité que vous nous avez laissées et souhaitons que votre œuvre reste un vibrant témoignage de l’histoire culturelle réunionnaise.

Louis Poulhès,
Directeur régional des Affaires culturelles de La Réunion.


Li la sobat minm

Sa la tonm konm an kouto desi mon kèr. In ot gran zarlor nout kiltir, in bébèt potomitan minm, la parti dor dann kontreport la mor. Apré tousa li lavé doné pour fé viv maloya dann Sin-Lui. Apré tout son vi dann kann, son listoir, tout sak li té pokor dir anou, i rèss si le bor mon lestoma. I gingn pa dir tout le regré mi port antann in nouvèl tris komsa. Moin la pa gingn voir gramoun là, soman moin téi koné son bann ti zanfan. Zordi, mi regrèt moin la parti soloman la kaz Baba.
Serviss la kaz Bébé i paré té in linstitision. Majine aou : sèt ané, i fé pliss sinkant an gramoun-là i fé kabaré. I fé soisant-dis an gramoun-là i shant maloya. I paré la komanss san fèr expré, lèrk li la suiv an misouk son papa pou alé dann in serviss. Dépistan-là, maloya la rèss pri dann kré kèr son kèr. Li la sobat minm, minm lèrk gouvèrnman té arfiz téi joué maloya. Kisoi dann kann, kisof la kaz, i téi prétan pa antann le son roulèr, èk in shanté kréol pardsi.
Malgré se pèrsékision, gramoun l’ashèv batay minm, san lèv le poin soloman. Li la tienbo son maloya, li la tienbo son fonnkèr, li tienbo son kèr. Pou son fami i rèss dérièr, li la fé sa. Na poin tro lontan, PRMA la fé sort in gayar disk dési Li. Gramoun-là lavé le zié vif. Son bann shanson, dis-nèf o total, plis inn antrekoz èk gramoun. Noré pou kontant zot soif ékout maloya kabaré. Soloman, noré été pli méyèr ankor li té là pou shant pou nou, pou shant èk nou. Tienbo larg pa Gramoun, sinonsa di bonjour po moin Le Rwa, Lélé èk Baba.

Babou B’Jalah


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