Guan Di

Entre culte et culture

30 juillet 2005

Jeudi dernier, des milliers de Réunionnais d’origine chinoise se sont retrouvés au temple de Saint-Pierre pour perpétuer le culte du dieu guerrier. Moment de recueillement pour les anciens, retrouvailles pour les plus jeunes, c’est en tous les cas un resserrement des liens de solidarité et de fraternité dans la perpétuation des rites ancestraux.

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Ils étaient très nombreux, les Chinois de La Réunion à faire le déplacement au temple. En face, la portion de la rue Marius et Ary Leblond était aménagée avec des chapiteaux et de la moquette rouge pour compléter les espaces intérieurs.
Cet hommage à Guan Di, c’est la contribution des Réunionnais venant de Chine dans ce que le poète et homme politique sénégalais, Léopold Sédar Senghor a appelé le "rendez-vous du donné et du recevoir" ; conserver, cultiver et promouvoir la tradition pour l’offrir dans toute sa pureté et sa richesse dans ce grand creuset culturel de l’humanité.
Cette diversité entretenue dans l’harmonie et la concorde devenue la principale richesse de notre île, a constitué la toile de fond des autorités politiques et des diverses personnalités qui ont pris la parole à cette occasion. Ces centaines de participants qui se croisaient, se parlaient, contents de se retrouver pour les uns et enchantés de faire connaissance pour les autres. Signe de la magie de l’intégration et du métissage propre à La Réunion, les yeux bridés éclairent et guident leurs compagnons au teint foncé ou aux cheveux châtains.

Un Guan Di plus culturel et cultuel

Par rapport à d’autres endroits où la célébration de l’anniversaire de Guan Di est plus festive, à Saint-Pierre, elle est essentiellement culturelle et cultuelle. Ici, il n’y a pas de participation financière et organisationnelle des collectivités. Tout est l’œuvre de l’association avec le soutien financier des mécènes, qui sont principalement des commerçants chinois. Les deux milles repas de ce dîner très convivial sont préparés et servis par des dizaines de jeunes bénévoles, heureux de donner un peu de leur temps en hommage à Guan Di. C’est un long travail de préparation de plus d’une semaine. Toute cette organisation logistique repose depuis une quinzaine d’année sur trois personnes qui ont toutes plus de soixante ans. Dans ces conditions, il est permis de se poser des questions quant à la relève. À ce sujet, Roger Chong Si Tsaon n’est pas inquiet : "Ils se réveilleront le moment venu, comme j’ai eu à le faire. Moi qui n’étais pas pratiquant dans ma jeunesse, je me suis investi dedans suite au décès de mon père. Je viens au temple régulièrement et je m’occupe chaque année de la coordination technique et matérielle de ce repas depuis 1979".
Après ce dîner, le cérémonial a débuté par les allocutions des institutionnels, suivies des remises de prix aux bacheliers millésime 2005. C’est la prière qui a clôturé la soirée.
Le message du président de l’association a surtout été consacré à la construction du futur centre culturel Guan Di à Terre Rouge dans la commune de Saint-Pierre. Pour Gérard Ah-Chine, cet édifice majestueux sur près de quatre hectares devra allier le culte, la tradition et la convivialité. Ce sera un moyen pour que la culture chinoise rejaillisse sur l’ensemble de La Réunion avec un espace ouvert à toutes les sensibilités culturelles. C’est aussi une manière de faire écho à ce renouveau de la République de Chine sur la scène mondiale.

Le dieu guerrier

Guan Di n’est pas un dieu ni un saint, c’est un guerrier vaillant, juste et impartial. De son vivant, sa force morale et physique a toujours suscité crainte et respect même chez ses adversaires. À sa mort, il devient un personnage légendaire dont les exploits sont récités dans tous le pays. Il fut déifié par la suite et plusieurs temples furent édifiés un peu partout pour son culte devenu très populaire. Ses huit grands principes qui tournent autour de la droiture et du courage sont censés donner à ses disciples une ligne de conduite.
Cette célébration qui a lieu dans ce deuxième millénaire à La Réunion montre combien le culte pour ce guerrier né au début de notre ère en Chine, a su réduire sinon faire abstraction du temps et de l’espace. Dans notre île, il est particulièrement vénéré par les commerçants, qui lui offrent prières et offrandes, le consultent pour les grandes décisions familiales et professionnelles, lui demandent services et protection.
Pour attirer les jeunes, les encourager dans les études et les familiariser avec la tradition chinoise, l’association Guan Di de Saint-Pierre organise en marge de cet anniversaire, une remise de prix aux bacheliers d’origine chinoise. C’est pour elle une manière de valoriser la réussite par une saine compétitivité.
Les jeunes disent avoir toutes les raisons d’être fiers d’appartenir à une communauté aussi soudée. Ils retiennent également que c’est cette solidarité, ce rattachement à un passé pourtant si lointain, qui a fait la réussite économique, sociale et professionnelle de leurs parents. Cette soif de réussite vient de cette histoire riche et ancienne qui prédisait toujours le réveil de la Chine et de son peuple.

M. Aliloifa


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