Adoption d’une résolution du Parlement européen contre le racisme comprenant un point sur l’esclavage et la traite

Esclavage crime contre l’humanité : 21 ans après la proposition de loi du PCR, l’Europe sur la voie de la reconnaissance

23 juin 2020, par Manuel Marchal

Le Parlement européen a adopté vendredi une résolution sur les manifestations contre le racisme après la mort de George Floyd. Ce texte contient un point invitant les États membres à reconnaître l’esclavage en tant que crime contre l’humanité, et affirme que le Parlement européen « déclare que la traite des esclaves est un crime contre l’humanité. Ce point est une initiative de Younous Omarjee, député réunionnais. 21 ans après le dépôt d’une proposition de loi par les députés PCR Huguette Bello, Claude Hoarau et Elie Hoarau « tendant à la reconnaissance de la traite et de l’esclavage en tant que crime contre l’humanité », l’adoption de ce point par le Parlement européen rappelle la justesse de ce combat et la contribution des communistes réunionnais à une cause mondiale.

Au lendemain de la célébration du 150e anniversaire de l’abolition de l’esclavage à La Réunion en présence de Paul Vergès, les députés du PCR ont déposé une proposition de loi le 22 décembre 1998 « tendant à la reconnaissance de la traite et de l’esclavage en tant que crime contre l’humanité »

Vendredi, une proposition de résolution présentée par des députés de plusieurs groupes au Parlement européen (PPE, S&D, Renew, Verts-ALE, GUE-NGL). Ce texte s’intitule « Résolution du Parlement européen sur les manifestations contre le racisme après la mort de George Floyd.
Il contient 28 points qui demandent essentiellement à l’Union européenne d’agir contre le racisme à l’intérieur de ses frontières et aussi ailleurs dans le monde.
Le point numéro 12 est le résultat d’une initiative du député réunionnais Younous Omarjee. Voici le contenu :

« Invite les institutions et les États membres de l’Union européenne à reconnaître officiellement les injustices du passé et les crimes contre l’humanité commis contre les personnes noires et les personnes de couleur ; déclare que la traite des esclaves est un crime contre l’humanité et demande que le 2 décembre soit désigné Journée européenne de commémoration de l’abolition de la traite des esclaves ; encourage les États membres à inscrire l’histoire des personnes noires et des personnes de couleur dans leurs programmes scolaires »

Ce point signifie que le Parlement européen déclare que la traite est un crime contre l’humanité, et appelle les 27 États membres de l’Union européenne à reconnaître l’esclavage comme crime contre l’humanité.

La démarche du député rappelle que La Réunion est depuis longtemps en pointe dans ce domaine de la reconnaissance de l’esclavage en tant que crime contre l’humanité, et des réparations que cela suppose pour les victimes et leurs descendants.

Proposition de loi du 22 décembre 1998

Le 22 décembre 1998, les trois députés communistes réunionnais, Elie Hoarau, Huguette Bello et Claude Hoarau, ont déposé une proposition de loi « tendant à la reconnaissance de la traite et de l’esclavage en tant que crime contre l’humanité ». Quelques semaines plus tard, le groupe PS et apparenté, groupe majoritaire alors à l’Assemblée, a présenté un texte porté par Christiane Taubira qui limitait la portée de la reconnaissance à la traite transatlantique. En commission, le texte socialiste a été choisi. Or, la discussion en commission avait montré des divergences. Dans le texte socialiste, on avait oublié l’esclavage et la traite dans l’océan Indien, en limitant la question à la traite transatlantique. Louis Mermaz, président de la commission, avait fait alors remarquer que les élus PCR avaient raison et que l’on ne pouvait pas oublier l’océan Indien. Les députés du PCR ont alors fait prospérer l’idée de fusionner les deux propositions dans un seul texte. Cela déboucha sur la proposition de loi dont Christiane Taubira fut rapporteuse, et qui prenait en compte les amendements du PCR. Ce texte fut alors adopté à l’unanimité par l’Assemblée nationale. La loi Taubira a pris en compte les amendements du PCR.
De cette initiative communiste partagée par la majorité de l’époque a découlé la création du Comite pour la mémoire de l’esclavage. Cette institution proposa le 10 mai comme date de commémoration nationale des mémoires de l’esclavage, de la traite et de leurs abolitions.
Ainsi, la France était la première puissance coloniale à reconnaître que dans le passé, ses dirigeants ont légalisé un crime contre l’humanité. Cela était dû à une initiative de parlementaires représentant un pays qui a subi l’esclavage.

Dynamique enclenchée

Une dynamique était enclenchée. La mort tragique de George Floyd et les manifestations qui ont suivi ont alors créé un contexte qui a permis de faire avancer la cause de la reconnaissance de l’esclavage en tant que crime contre l’humanité. Ce premier pas du Parlement européen est le résultat de l’initiative d’un parlementaire réunionnais. Une fois encore, c’est un représentant d’un pays qui a subi l’esclavage qui enrichit une législation européenne à ce sujet. La résolution pose la journée du 2 décembre comme commémoration de la traite au niveau européen. Cette prise de position du Parlement européen vise à étendre à tous les États membres la législation qui existe en France depuis 2001, 21 ans après l’initiative pionnière des trois députés du PCR.

M.M.

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