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Zarboutan Nout Kiltir 2008
Eugéne Rousse est parmi ceux qui recevra aujourd’hui le titre « Zarboutan Nout Kiltir 2008 » remis par Paul Vergès, Président du Conseil Régional. En leur honneur, Témoignages, par la plume de Brigitte Croisier, a voulu lui rendre hommage. Dans notre édition de lundi, nous présenterons le portrait d’un autre récompensé René Payet.
Témoignages
18 octobre 2008
Eugène Rousse enrichit régulièrement notre journal par ses contributions. Sa formation initiale et sa profession n’avaient pas fait de lui un spécialiste de l’histoire. Mais participant à l’histoire réunionnaise vécue au jour le jour il a voulu en témoigner, en fouillant les archives, mais surtout en récoltant cette matière historique enfouie dans la mémoire des gens. C’est pour ce travail de sauvegarde et de transmission qu’il a reçu samedi le titre Zarboutan nout Kiltir dans le cadre des actions de préfiguration de la MCUR. Ci-dessous, les étapes de sa vie.
Paul, Eugène Rousse est né à Saint-Denis (la Montagne) le 5 mai 1928. Paul, Eugène ou Jeannot ? Les 3 ! Paul est son premier prénom dans l’ordre de l’état civil. Mais, peu de temps après sa naissance, la paillote de ses parents prend feu. Il est alors recueilli quelque temps dans une famille qui comptait déjà un petit Paul. Le second prénom d’Eugène ne plaisant pas, on l’a appelé Jeannot. Selon les personnes fréquentées, il porte l’un ou l’autre de ces prénoms, sans que cela ne le gêne en quoi que ce soit, riche peut-être de cette unité dans la diversité...
Il a retrouvé le nom d’un ancêtre « Eugène Rousse » sur la liste des professeurs du lycée et un caveau portant ce nom au cimetière de Saint-Denis : un arrière grand-père arrivé à La Réunion au milieu du XIXe siècle.
Le papa était facteur, ce qui donne au petit Eugène le plaisir de l’accompagner dans ses tournées en prenant parfois le chemin de fer. Il se souvient d’avoir distribué, après l’école, le journal aux abonnés. Déjà curieux, il en profitait pour lire les titres et saisir ainsi des bribes de l’actualité. Il était également attentif aux discussions que son père, progressiste, pouvait avoir avec diverses personnalités. Son éducation politique s’est faite ainsi, concrètement. La famille était nombreuse : 13 enfants dont 9 ont survécu. Est-il le 3è ou le 5è de la famille ? Comme il le dit lui-même, tout dépend si l’on compte on non les enfants nés avant lui et tôt disparus. Comme pour son prénom, il cultive donc l’incertitude identitaire !
A l’âge de travailler, que choisir ? L’agriculture ? Fils de postier, il n’était pas lié à cette activité rurale. L’armée comme un des frères engagé dans les guerres coloniales -Madagascar, Indochine, Algérie - ? Le CPR (Chemin de fer et Port de La Réunion) attirait alors beaucoup de monde et semblait offrir des conditions de travail et de salaire correctes. Sans répondre véritablement à une vocation, Eugène opte pour l’enseignement et un concours d’entrée à l’Ecole normale. Il est reçu en juin 1945, seul garçon parmi 12 filles et part se former à Aix-en-Provence : « C’était une énorme promotion de décrocher le titre de normalien. Moi, quand j’ai été reçu à l’Ecole normale, je me suis dit "je suis sauvé !" ».
A son retour, le vice-recteur Hyppolite Foucque lui propose au choix un poste au Port, à Saint-Louis ou à Saint-Benoît. Sa sœur travaillant au Port, il opte pour cette ville : il y fera toute sa carrière et plus encore !
Travail et batailles
Il commence à travailler comme instituteur en octobre 1950, en pleine grève des dockers et des cheminots. Un signe de l’histoire : dès sa prise de fonction, il plonge dans le bain des batailles syndicales dans cette ville qu’il évoquera plus tard, à l’âge de la retraite, dans plusieurs ouvrages.
Ses engagements syndicalistes ont été précoces et...durables : syndiqué dès le lycée et aujourd’hui encore, alors qu’il est à la retraite depuis longtemps. « J’étais un syndicaliste, je ne dirais pas de premier plan, mais j’ai travaillé beaucoup pour le syndicat, acceptant de nombreuses responsabilités et cela très tôt ». Il parcourait l’île, souvent en compagnie de Raymond Mondon, directeur de l’école de garçons du Port, qui porte aujourd’hui son nom, et qui fut élu député avec Paul Vergès en 1956.
La ligne syndicale d’Eugène est la défense de l’idéal laïc qu’il perçoit comme ayant été constamment l’objet de menaces : « Il a toujours été en danger ici. Depuis la Libération, l’école laïque a subi des assauts répétés. En 1951, il y eut la loi André Marie et la loi Charles Barangé, puis la loi Debré du 31 décembre 1959. » Laïcité et esprit républicain nourrissent son combat : « L’école publique, c’est l’école de la République et nous faisons partie de la République française. » La Fédération des œuvres laïques (FOL), dont Eugène a été également un dirigeant, s’associe à ce combat.
En même temps, Eugène est co-fondateur du courant "Ecole réunionnaise" au sein du SNI (Syndicat National des Instituteurs), ce qui ne se fait pas sans remous, ce courant étant perçu par la direction comme une tentative de créer un syndicat parallèle. L’appellation "Ecole réunionnaise" provoque des réactions hostiles de nature politique. Voilà qu’Eugène qui se veut défenseur de l’école de la République française est apostrophé dans les congrès : « Vous n’êtes pas français ! » Il raconte comment tous ceux qui ne voulaient pas marcher sous la bannière de "Réunion, département français" étaient considérés comme des "pestiférés". Au point que l’Ordonnance du 15 octobre 1960, dite aussi Ordonnance Debré, a frappé d’exil les fonctionnaires partisans de l’autonomie. Eugène l’a rappelé dans ses ouvrages (cf. Combat des Réunionnais pour la liberté, tome III).
La vie professionnelle et l’engagement syndical d’Eugène appartiennent à une période historique de luttes intenses. Il les évoque avec un brin de nostalgie, regrettant la forte mobilisation de l’époque, revivant les "grandes batailles" d’alors.
On l’a vu plus haut, Eugène a pris son premier poste d’instituteur au Port et au moment d’une grève de dockers et de cheminots. Nul doute que l’activité syndicale des travailleurs du port et du chemin de fer a entraîné ce jeune fonctionnaire, au moment où, quelques années après la loi du 19 mars 1946, les fonctionnaires réunionnais eux-mêmes se mettent en grève pour réclamer l’égalité de leur traitement avec celui des fonctionnaires métropolitains, autrement dit la sur-rénumération et les congés administratifs. « Nous sommes Français, nous devons être traités sur le même pied d’égalité », est le principe qui, aux yeux des fonctionnaires locaux, légitime leur combat. Eugène Rousse y prend une part active.
La lutte contre la fraude, qui rassembla largement au-delà des clivages politiques, fait partie aussi de ces batailles qu’Eugène raconte en témoin direct. Pour lui, les élections de 1957, suite à la mort de Raphaël Babet, « ont été un scandale considérable » et le Préfet Jean Perreau-Pradier « s’est comporté en pro-consul, usant et abusant de ses pouvoirs. »
C’est toujours dans la ville du Port, où commença sa vie professionnelle, qu’Eugène Rousse est élu sur la liste conduite par Paul Vergès en 1971. Il sera conseiller municipal jusqu’en 2008, pendant 37 ans donc, et aura connu trois maires : c’est une belle persévérance dans le service aux administrés !
Il y a différentes façons de servir et quand Eugène prend sa retraite, tout en poursuivant sa vie de militant syndiqué et associatif, à la FOL et à la LDH, il se lance dans une activité qu’il qualifie lui-même de « collecteur de mémoire ». Cela part d’un constat, ceux et celles qu’il côtoie ne semblent pas connaître l’histoire de leur pays, de leur ville. Les statues et les noms des rues n’éveillent aucun écho. Il lui semble alors nécessaire d’écrire l’histoire de la commune du Port pour « être utile à (ses) concitoyens portois ».
Raconter ce que nous avons vécu
Avant les quatre tomes de "La commune du Port a 100 ans", Eugène Rousse avait écrit les trois tomes du "Combat des Réunionnais pour la liberté". Dans la préface du tome 1, il expose sa démarche de témoin participant : « Aux côtés de tant d’autres, j’ai participé à d’innombrables combats, afin que les libertés républicaines trop souvent violées impunément dans notre île, soient enfin respectées. (...) Je n’ai certes joué qu’un rôle modeste. Mais l’important n’était-ce pas de participer, et aussi de se placer en position de pouvoir témoigner ? » (p.10) C’est pourquoi il ajoute à la consultation des archives officielles et répertoriées, de multiples entretiens avec ceux et celles qu’il a côtoyés tout au long de sa vie et qui sont porteurs d’une mémoire partagée. Si l’on a coutume de citer la parole du Malien Hampâté Bâ « tout vieillard qui meurt est une bibliothèque qui brûle », Eugène a sauvé de la destruction plusieurs bibliothèques et assuré la transmission de la mémoire. Par sa plume, soucieuse du détail précis, il a transformé les archives orales fragiles en traces écrites durables.
Bien sûr, si l’on regarde sa bibliographie, les sujets révèlent ses partis pris en renvoyant à ces "grandes batailles" auxquelles il est fier d’avoir participé. Il aime rendre "hommage" à ceux dont il admire l’action menée au nom de la liberté ou de l’égalité, Victor Schoelcher, Léon de Lépervanche, Raymond Vergès. Pour cela, il saisit l’occasion d’une commémoration, manière de faire ressusciter le passé, de le faire resurgir dans le présent, pour les nouvelles générations. Il a parcouru les trois-quarts du siècle dernier. La période qu’il a vécue en fait un témoin privilégié de ce passage de La Réunion du statut de colonie à celui de département. Il en mesure les avancées matérielles tout en regrettant la tiédeur de mobilisations pourtant encore nécessaires. Lui, si actif, à 80 ans, s’en étonne.
Si enseigner ne fut pas au départ sa vocation, c’est devenu une mission ! Distribuer les journaux à la sortie de l’école pour aider son papa, enseigner les sciences aux marmay, collecter dates, événements, figures de l’histoire pour ses concitoyens, c’est toujours la même chose : transmettre.
Brigitte Croisier
Bibliographie :
En hommage à Raymond Mondon (Publication FOL et L’école réunionnaise, Saint-Denis, 1972, rééditée en 1992)
Le combat des Réunionnais pour la liberté (3 tomes, Editions CNH, 1993, 1994)
Hommage à Victor Schoelcher (Graphica, 1994) publié à l’occasion du bicentenaire de la 1ère abolition de l’esclavage (4 février 1794)
La commune du Port a 100 ans (4 tomes, Publication de la ville du Port, 1995, 1996, 1997, 2000)
Hommage à Théodore Drouhet (Graphica, 1995)
Qui a tué Alexis de Villeneuve ? (Edition les deux mondes, 2000)
Hommage à Léon de Lépervanche (Océan Editions, 2007)
Raymond Vergès, père fondateur de La Réunion moderne (CIS imprimerie, 2007)
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