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MÉMOIRE RÉUNIONNAISE ET PATRIMOINE
Au nom du respect de la vérité historique
15 septembre 2007
À l’occasion des Journées du Patrimoine célébrées ce week-end, notre ami historien Eugène Rousse a fait parvenir à “Témoignages” un texte très intéressant. Il s’agit d’un « plaidoyer pour une nouvelle dénomination
du “Chemin des Anglais”, également appelé à tort “Chemin Crémont” ». Un itinéraire que connaissent bien tous les amoureux de balades émouvantes dans le Nord de l’île. Nous le remercions pour ce travail méticuleux et précieux pour notre mémoire historique réunionnaise.
En septembre 1993, la vacance de la présidence du Comité du Tourisme de La Réunion, occupée jusqu’alors par Bertho Audifax, m’avait conduit à attirer l’attention des responsables économiques de l’île sur l’état d’abandon dans lequel se trouvait depuis plusieurs décennies, le chemin reliant La Possession à Saint-Denis par le plateau surplombant la route littorale. Un chemin habituellement dénommé “Chemin des Anglais”.
Je joignais ainsi ma voix à celle du maire de La Possession, qui, à plusieurs reprises, avait demandé en vain que ce joyau de notre patrimoine historique, dont l’entretien incombe au Conseil général, soit réhabilité dans les meilleurs délais.
Un autre choix
Quatorze ans plus tard, la célébration des Journées du Patrimoine me fournit l’occasion de faire le constat suivant : ce chemin, improprement appelé “Chemin des Anglais”, a été rénové partiellement ; un panneau portant l’inscription “Chemin Crémont” a été placé à chaque entrée de cette voie, qui attire de plus en plus de touristes.
Certes, le choix d’une nouvelle dénomination s’imposait. Mais remplacer “Chemin des Anglais” par “Chemin Crémont” est une initiative qui me paraît pour le moins malheureuse. Car, si le Conseil général était soucieux de perpétuer le souvenir de la personne qui a mis en œuvre les moyens de vaincre les obstacles de la montagne et d’ouvrir une liaison par terre entre Saint-Paul et Saint-Denis, son choix aurait dû se porter plutôt sur le gouverneur Pierre Benoît Dumas (1) , qui a administré l’île de janvier 1727 à juillet 1735.
Pour que chacun puisse saisir le bien-fondé d’une telle observation, le rappel sommaire de quelques faits ayant marqué le premier siècle de l’histoire de La Réunion est nécessaire.
Des caféiers partout
De 1665 au 14 juillet 1767, La Réunion, qui s’appelait alors Bourbon, était administrée par des gouverneurs nommés par le roi de France tout en étant des fonctionnaires de la Compagnie des Indes, créée à Paris en 1664. Cette compagnie, dont l’essentiel des activités s’est déroulée en Inde, avait pour mission de coloniser les îles de l’océan Indien, notamment Madagascar et Bourbon, au nom du roi de France.
En raison de son relief tourmenté et de ses côtes inhospitalières, Bourbon ne présentait pas - jusqu’au tout début du 18ème siècle - un gros intérêt pour la Compagnie des Indes, dont la préoccupation essentielle était de faire le maximum de profit. Cette incurie de la Compagnie ne prit fin qu’avec l’introduction à Bourbon, en septembre 1715, de plants de caféier en provenance de Moka (port du royaume du Yémen) et la prise de possession, la même année, de l’île Maurice, sur ordre du roi de France. Cette île, désertée en 1710 par les Hollandais qui l’occupaient depuis 1598 et qui reçut le nom de “Île de France”, présentait sur l’île Bourbon le précieux avantage de disposer de deux ports naturels.
Cette même année 1715 est marquée aussi par un autre événement d’une particulière importance : la confirmation qu’à Bourbon poussait à l’état sauvage un « caféier indigène », dont « les montagnes étaient remplies ». Cela avait déjà été observé depuis 1711, sans qu’on en ait toutefois la certitude absolue qu’on se trouvait en présence de caféier.
Les dirigeants de la Compagnie des Indes, menacée par ailleurs de banqueroute, s’empressèrent alors de peupler l’Île de France par l’envoi de colons de Bourbon. Ils entreprirent à la même époque la mise en valeur de Bourbon, qui devait devenir, selon eux, le « grenier de l’île sœur ».
Leur projet était loin d’être utopique, compte tenu des potentialités économiques de Bourbon. Mais pour qu’un tel projet se réalise, il leur fallait impérativement vaincre l’obstacle de la montagne, qui rendait très difficile la circulation entre le Nord et le Sud de l’île.
Deux solutions, et puis rien...
Il convient de préciser qu’à cette époque, c’est par voie maritime que s’effectuaient les échanges entre le Nord et l’Ouest du pays. Ce qui n’était pas sans présenter de très graves inconvénients. Outre que les opérations quotidiennes d’embarquement et de débarquement se faisaient dans des conditions périlleuses, il arrivait que les esclaves malgaches affectés à bord aux tâches les plus dures déroutent les bateaux vers Madagascar. D’où la nécessité absolue de recourir à un autre mode de transport et de choisir entre la solution proposée par le gouverneur Pierre-Antoine Parat (1710 - 1715) et celle du gouverneur Desforges-Boucher (1723 - 1725) (2).
Alors que Parat préconisait l’ouverture d’un chemin de terre au-dessus du Cap Bernard, Desforges-Boucher était partisan de « faire sauter à la mine les pointes situées au pied de la falaise » afin d’y faire aménager un chemin. Ce choix du littoral était aussi celui de la Compagnie.
Mais, faute de main d’œuvre - la population de l’île n’était en 1714 que de 1.271 habitants, dont 538 esclaves -, aucun de ces projets ne fut réalisé.
« Une équipe de 60 Noirs et 2 Blancs »
Ce n’est que lorsque le gouverneur Pierre Benoît Dumas fut chargé de l’administration de Bourbon (1727 - 1735), que la colonie se donna les moyens d’assurer la liaison par terre de Saint-Denis à Saint-Paul. Sur ce point, aucun doute n’est permis. Car l’ouverture de la partie la plus importante de cette voie - connue sous le nom de “Chemin des Anglais” pour la seule raison que les Anglais, débarqués à la Grande Chaloupe en 1810, l’ont empruntée pour s’emparer de Saint-Denis - a fait l’objet d’une convention signée le 16 juin 1730, devant le notaire François Morel, par le gouverneur Pierre Benoît Dumas et « les sieurs Pierre Boisson et Abraham Muron ».
En signant cette convention, le gouverneur s’engageait notamment à mettre à la disposition de Boisson et Muron « une équipe de 60 Noirs et 2 Blancs pour contenir et conduire les Noirs ». Boisson et Muron s’engageaient de leur côté à « faire un chemin praticable et commode de façon qu’un homme à cheval et bêtes de charge puissent passer commodément et sans risque ».
En outre, l’entretien dudit chemin leur incombait pendant les trois premières années après la fin des travaux, qui s’achevèrent en 1735.
Des erreurs historiques
Force est donc de conclure que dans le livre “Histoire de La Réunion” édité en 1999, un ouvrage qui a assurément nécessité de patientes recherches, l’auteur a commis une erreur à la page 93, en écrivant : « Le premier vrai chemin entre l’Ouest et le Nord (de Bourbon) sera la route pavée passant par la Montagne, commandée par l’ordonnateur Crémont et tracée par les ingénieurs Boisson et Muron. Ce chemin fut réalisé entre 1730 et 1735 ».
À la page 116 du même ouvrage, son auteur réaffirme que c’est « avec l’aide technique de l’ordonnateur Crémont » que fut réalisée « par les ingénieurs Boisson et Muron (...) la première route pavée entre Saint-Denis et La Possession ».
De telles affirmations - qui ne sont probablement pas étrangères à la décision du Conseil général dont il est fait état plus haut - m’obligent à faire les trois remarques suivantes :
- 1) L’ordonnateur Honoré de Crémont a administré Bourbon de 1767 à 1778. Soit plus de trente ans après la livraison du “Chemin des Anglais”, qui relie Saint-Denis à Saint-Paul. Il n’a donc pas pu intervenir sur la réalisation de ce chantier. Son rôle s’est limité à la modernisation de cette voie, ouverte à l’initiative de Pierre Benoît Dumas.
- 2) Dans le texte de la convention signée le 16 juin 1730, Boisson et Muron ne sont pas désignés comme exerçant la profession d’ingénieur ; le premier se présente tout simplement comme « un habitant de Saint-Denis » et le second comme « ouvrier de la Compagnie ».
- 3) La convention du 16 juin 1730 prévoit l’ouverture d’un « chemin » et non d’une « route ». La première route reliant Saint-Denis à La Possession n’a été ouverte que 122 ans plus tard, en 1852. C’est l’actuel CD 41 mais qui, à l’époque, était une route plus étroite, grossièrement macadamisée et sans parapet sur le plateau et sur le versant Ouest.
L’œuvre de Pierre Benoît Dumas
Puisque je suggère que le nom de Pierre Benoît Dumas soit donné au “Chemin des Anglais”, je me propose de mieux faire connaître cet administrateur, qui a marqué l’histoire de notre île.
Pierre Benoît Dumas a été nommé le 17 janvier 1727 « gouverneur pour le roi de l’Île Bourbon (...) et directeur général pour les affaires de la Compagnie dans les Îles Bourbon et de France ».
Apprenant cette nomination, l’un de ses prédécesseurs à ce poste avait tenu à souligner les « qualités exceptionnelles de travail et d’habile diplomatie » du nouveau gouverneur, ainsi que ses « grandes vues si justes ».
Effectivement, Pierre Benoît Dumas fut, comme son successeur, Mahé de La Bourdonnais, un grand gouverneur. Mais, contrairement à ce dernier, il obtint de résider en permanence à Bourbon, alors qu’un règlement de l’administration lui faisait obligation de « résider alternativement à Bourbon et à l’Ile de France » pour des périodes de six mois.
Le nom de Dumas reste attaché au développement économique de l’île. Une économie basée essentiellement sur la culture du caféier.
Grâce à ses interventions énergiques auprès de la Compagnie, il put obtenir « le relèvement (substantiel) du prix d’achat du café ». La production de cette denrée augmenta alors rapidement et très sensiblement. Elle passa de 120.750 livres en 1727 à 650.000 livres en 1731, entraînant « des échanges plus actifs entre la colonie et la métropole ».
Afin de mettre sur le marché un produit de qualité, Dumas fit venir de Pondichéry une main d’œuvre maîtrisant parfaitement les techniques de séchage du café.
L’intensification des échanges commerciaux le conduisit par ailleurs à recruter en France des « ouvriers qualifiés », appartenant à différents corps de métiers, en vue de la construction de magasins et de bâtiments divers financée par la Compagnie et par une participation plus importante des colons aux charges publiques.
Ajoutons que l’on doit au gouverneur Pierre Benoît Dumas, outre l’ouverture du premier chemin permettant de vaincre l’obstacle du Cap Bernard, les réalisations suivantes :
- le tracé d’un plan de la ville de Saint-Denis ;
- l’amorce d’un tracé d’une route autour de l’île ;
- la création du quartier de Saint-Benoît, « quartier placé sous le vocable de son patron », qui est venu s’ajouter aux trois quartiers existant à Bourbon en 1735 (Saint-Paul, Saint-Denis et Sainte-Suzanne).
En récompense de ses bons et loyaux services, Dumas fut promu, le 8 novembre 1734, gouverneur général des comptoirs français de l’Inde.
À son départ de Bourbon, le 11 juillet 1735, il quittait une île dont la situation était « brillante ». Cela explique « la vive douleur qu’a ressentie toute la colonie » à l’annonce de sa mutation en Inde.
Une nouvelle dénomination
Au nom du respect de la vérité historique, il serait juste de procéder à une nouvelle dénomination du chemin reliant Saint-Denis et La Possession par le plateau de la Montagne. Il serait logique de le faire en honorant la mémoire des personnes qui sont à l’origine de cette œuvre et de celles - les esclaves - qui l’ont réalisée au prix de souffrances atroces et parfois de leur vie.
Eugène Rousse
(1) Pierre-Benoist Dumas, pour certains auteurs.
(2) Desforges-Boucher a occupé à Bourbon la fonction de lieutenant- gouverneur de 1718 à 1723, avant d’être gouverneur de 1723 à 1725.
Sources :
1) “L’Île Bourbon pendant la régence” (thèse de doctorat soutenue en 1956 en Sorbonne par Albert Lougnon, ancien proviseur du lycée Leconte de l’Ile).
2) “300 ans de colonisation” d’Auguste Brunet, ancien député de La Réunion, ancien gouverneur général des colonies, ancien sous-secrétaire d’État.
3) archives de la DRAC (Direction Régionale des Affaires Culturelles).
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