20 Désanm

Fête réunionnaise de la liberté sur un haut lieu du marronnage

Célébration populaire à Cilaos

23 décembre 2003

Cela fait presque un mois que la commémoration de l’abolition de l’esclavage se préparait à Cilaos, sous l’égide du Comité pour la célébration du 20 décembre, présidé par Aurélien Nassibou. Dans tous les quartiers, d’Îlet à Cordes à Palmiste Rouge, le message est passé. Et cette célébration est devenue une grande fête populaire pour la liberté dans le cirque.

À Cilaos, la célébration du 155ème anniversaire de l’abolition de l’esclavage dans notre pays a commencé par le dépôt d’une gerbe sur le site du Brûlé Marron. Un lieu qui tire son nom d’une terrible réalité : sur ce site, des esclaves auraient été brûlés vifs par les chasseurs d’esclaves Paulain, Técher et Mussard qui, auparavant, leur tranchaient les oreilles en guise de preuves pour pouvoir toucher leurs primes.
Le Brûlé Marron est un lieu de mémoire, que l’ancienne Municipalité dirigée par Jacques Técher avait réhabilité par la fermeture de la décharge publique. Cet espace, quasi sacré aux yeux des Réunionnais, est redevenu avec Paul Técher un dépotoir. Une façon de souiller un lieu qui, pour Aurélien Nassibou, est une « place des Grands Hommes ».

Plus d’un millier de convives

La préparation du 20 décembre à Cilaos fut aussi l’organisation d’une fête et d’un grand repas, pour lequel ont été sacrifiés deux porcs, cinq cabris et une douzaine de coqs fermiers. À cela, il faut ajouter le pois-citrouille massalé, près de 100 kilos de riz.
Dans tous les quartiers de Cilaos, des tickets ont été écoulés, moyennant une petite contribution pour participer à ce repas festif. Au total, ce sont 780 tickets qui ont été achetés. Si bien que les organisateurs ont été, pour ainsi dire, victimes de leur succès. Entre 20 heures et 23 heures, ce sont plus de mille personnes qui se sont rassemblées au Matarum, devant la maison de Aurélien Nassibou.

De grandes dates de notre Histoire

Avant le repas, le président du Comité du 20 décembre prenait la parole pour rappeler la véritable signification du 20 décembre : la fête réunionnaise de la liberté, le jour où, 155 ans auparavant, cette abomination qu’est l’esclavage, l’exploitation d’hommes et de femmes par d’autres hommes, a pris fin.
Dans son intervention, Aurélien rappelait toute l’importance du 20 décembre 1848, tout comme il rappelait la signification d’une autre grande date, le 19 mars 1946 (date de la départementalisation), et enfin 1981, année où fut célébré pour la première fois le 20 décembre, en tant que jour férié.

Un droit à préserver

Jacques Técher est ensuite intervenu pour rappeler toute l’importance de ce 20 décembre, à un moment où le gouvernement Raffarin s’en prend aux jours fériés. « On parle de supprimer le jour férié de Pentecôte ; qui nous dit que demain, on aura encore ce 20 décembre férié, chômé et payé, arraché de haute lutte ? », s’est interrogé Jacques Técher.
Puis, c’est aux accents de la sono que s’est déroulé le repas, préparé en coulisse depuis le matin par toute une équipe de militants dans laquelle, a-t-on fait la remarque, ce sont les hommes qui se sont mis aux fourneaux. En passant sur la route du Matarum, chacun pouvait voir rôtir les deux porcs, enfilés depuis le début de la matinée sur un énorme tournebroche. Deux cochons grillés qui, ajoutés aux cabris massalé, aux coqs péi, aux citrouilles de Cilaos accommodées aux gros pois, ont été particulièrement appréciés.
Il a même fallu, en dernière minute, remettre "de ri au feu". Et le tout, dans la bonne humeur, pendant qu’un bon millier de personnes assistait aux réjouissances devant la maison de Aurélien, aux accents d’une sono qui en a fait danser plus d’un. À minuit passé, ils étaient encore près de 200 à "kraz maloya èk séga".

La fête du cœur, du partage

Le côté festif et populaire n’aura échappé à personne. Mais surtout, l’organisation aura été parfaite en tous points. Il suffisait de voir quelques organisateurs, balai en main, nettoyer la rue à 2 heures du matin... Et le lendemain, une autre équipe était en place pour peaufiner le nettoyage et laver les marmites.
Toute cette organisation n’a laissé personne indifférent. À commencer par la Mairie qui, dans l’urgence, a tenté d’organiser tant bien que mal "in ti zafèr" sur le site de Trou Pilon. "In ti zafèr" qui n’a pas attiré la foule, loin s’en faut. « Dé kozman, in fé dartifis, à 22 zèr, té fini », rapport un témoin.
Au Matarum, c’était la fête du cœur, du partage. Malgré les pressions et les mesquineries de la Mairie, on a vu beaucoup de jeunes et de moins jeunes, de vieux militants qui sont tous venus pour un 20 Désanm qui fera date et qui alimentera longtemps les conversations dans le cirque.
Pour l’anecdote, on notera que le soir du 21, le comité d’organisation s’était retrouvé, au même endroit, au Matarum, devant la maison de Aurélien pour un repas. Curieuse coïncidence : les deux lampadaires de l’éclairage public se sont éteints alors que le repas était en pleine préparation ! Mais il fallait plus que ça pour casser l’ambiance et savourer la réussite de la fête de la veille !


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