Françoise Vergès : ’C’est depuis le présent qu’on regarde le passé’

14 avril 2005

Françoise Vergès est l’une des deux Réunionnais, avec Gilles Gauvin, désignés parmi les membres du Comité pour la Mémoire de l’esclavage, installé par le décret du 15 janvier 2004 et placé sous la présidence de la romancière Maryse Condé. Elle a été, mardi, le rapporteur du document remis à Jean-Pierre Raffarin.

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Quelles sont les raisons qui ont amené le Comité à se déterminer pour une date “contemporaine”, parmi toutes celles qui pouvaient être proposées ?

- Il était difficile de trouver une date du passé susceptible de rassembler tout le monde. La France a deux dates (4 février 1794 et 27 avril 1848) ce qui est déjà exceptionnel. S’y ajoutent les dates de chaque territoire d’Outre-mer.
Le Comité a constaté l’existence de deux mémoires : celle de l’abolition, en France métropolitaine et celle de l’esclavage dans l’Outre-mer. Il fallait donc rassembler et ne pas retenir une date qui soit seulement celle d’une région.
Il est très important d’ancrer cette mémoire dans le présent et dans une problématique contemporaine. La loi de 2001 est le produit des mouvements existant dans les territoires ultra-marins, porteurs de plusieurs mémoires ; elle est aussi le produit des mouvements d’Afrique et d’Asie autour de la réparation. Choisir cette date nous permet de garder un lien avec ces mouvements en même temps qu’avec le travail des élus d’Outre-mer. Cette date rend hommage à leur travail et rappelle que c’est à travers le présent qu’on peut regarder le passé.

Et pourquoi pas la date de la promulgation de la loi (21 mai) comme c’est souvent le cas ?

- Le vote nous a paru plus symbolique. Le 21, date de la promulgation ou le 23, date de parution au Journal officiel, sont des dates plus administratives. En retenant le jour du vote, nous mettons l’accent sur le processus qui débouche sur un vote à l’unanimité. La valeur politique et symbolique de ce vote est l’aboutissement d’un processus démocratique.

Vu de La Réunion, une communauté d’approche réunit la démarche du Comité et celle de la MCUR : est-ce aussi votre avis ?

- Le Comité s’est donné une mission de réparation historique. Ce n’est pas sans rapport avec le travail de la MCUR. Les deux démarches se rejoignent dans la recherche d’une unité à construire, à partir de la pluralité des mémoires de la traite et de l’esclavage. La MCUR aussi travaille à mettre ensemble des mémoires singulières, pour trouver un terrain de dialogue commun.
Il y a parfois une incompréhension qu’il faut dissiper. La date du 10 mai n’enlève pas les dates de commémoration locale. Elle est surtout faite pour la France, qui n’a aucune mémoire de cet événement. Sous la poussée des élus d’Outre-mer, la loi de 2001 reconnaît dans la traite et l’esclavage un crime contre l’humanité. Cela montre assez l’importance du dialogue.

Maison des civilisations et de l’unité réunionnaise

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