Gran mèr kal : quelle histoire ! - 2 -

21 décembre 2006

La fiction

Le roman de Marguerite Hélène Mahé raconte l’histoire d’Eudora.
Nous sommes au début des années 1900. Eudora n’est qu’une enfant. Elle rentre à Mahavel avec sa mère après un long séjour à Saint-Denis. C’est le “retour au pays natal”, au domaine familial. Eudora va grandir à Mahavel où elle fera l’apprentissage de la vie, de l’amour et de ses désillusions. Le jour des ses fiançailles, dans l’agitation fébrile d’une menace cyclonique, Eudora, découvre dans un pavillon, caché dans le tiroir d’un secrétaire, le journal de Sylvie KEROUET. La trouvaille se fait sous le portrait de cette même aïeule, à laquelle Eudora s’identifie fortement. Eudora apparaît en effet dans le roman comme un double de Sylvie Kerouet. Roman à tiroirs, le journal embarque le lecteur dans une troisième histoire, celle de Kalla.

Kalla est très attachée à sa maîtresse Sylvie Kerouet à qui elle a été offerte en cadeau. Kalla est mariée à Zélindor. Mariage malheureux. L’homme a de « grosses mains ». Des battoirs qui s’abattent sur elle et la maltraitent au quotidien. Zélindor “part marron”. Il veut récupérer Kalla. Méprise tragique : la bande descendue sur la plantation pour l’enlever ramène à Zélindor... la maîtresse Sylvie. Témoin du rapt Kalla doit choisir entre sa maîtresse et son mari. Elle choisira sa maîtresse. Elle donne l’alerte.
Victime de l’expédition punitive, Zélindor connaîtra le châtiment suprême. Kalla accusée de trahison est à son tour enlevée par les marrons. Précipitée dans un gouffre, son âme restera sans sépulture. C’est cette âme condamnée à errer qui serait à l’origine de la légende de Grand’Mèr kal. Cette femme masquée, habillée de noir, qui sème la terreur et qui annonce la mort, viendrait signifier l’errance désespérée de l’âme de Kalla à la recherche d’une sépulture.

On pourrait se contenter de cette signification. Je vous propose pourtant d’aller plus avant. De continuer le voyage.

L’histoire

Eudora est le récit d’un voyage. Celui d’une remontée dans le temps. Jusqu’au XVIII ème siècle. Le temps de la narratrice Hélène (1950) contient en effet celui de son personnage, Eudora, (1900) qui s’ouvre lui-même sur celui de l’aïeule d’Eudora, Sylvie (1750). Le voyage d’Eudora s’arrête à Mahavel mais la quête du sens doit continuer.
Au-delà du “jeu” et de la fiction, il nous faut interroger l’Histoire, la grande, celle qu’on écrit parfois avec un grand “H”, la mémoire des faits et gestes à la source des légendes. Rosemay Nicole parle de la peur, comme « un élément fondamental de la préhistoire et de l’histoire du pays ». Dans le roman de Marguerite Hélène MAHE, François Mussard - dont le nom s’est illustré dans la chasse aux marrons - descend dans un gouffre à la recherche des restes de KALLA. Comme lui, il nous faut aussi descendre aux enfers dans “l’histoire - et la préhistoire” - du pays, « l’histoire écrite et l’histoire refoulée, la peur écrite et la peur refoulée » selon le mot de Prosper Eve. C’est là qu’il faut aller chercher le sens de la légende de Gran Mèr Kal.

(à suivre)

Daniel Lauret


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Messages

  • J’aimerai connaître la suite de votre discours très intéressant, car j’ai lu pas mal sur Kalla et surtout le Le roman de Marguerite Hélène Mahé qui raconte l’histoire d’Eudora...


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