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Dénomination de l’École primaire Marcel Le Guen* au Tévelave
9 mai 2006
Samedi dernier, un vibrant hommage a été rendu à Marcel Le Guen par la commune des Avirons ainsi que la Région, l’Université et l’État en présence d’une foule nombreuse. Cet ancien résistant et maquisard anti-nazi, journaliste et militant communiste, a exercé la fonction d’enseignant et de directeur d’école au Tévelave de 1954 à 1963. Il fut le promoteur d’une pédagogie progressiste au service des enfants réunionnais, avant d’être victime de la répression des années 60 avec plusieurs de ses collègues syndicalistes de La Réunion.
Il a fallu aux élus des Avirons un réel courage politique, une grande honnêteté intellectuelle, une vision historique lucide et une profonde écoute de la population pour accomplir le travail qu’ils ont réalisé samedi à l’occasion de la fête du Tévelave. Ces vertus étaient d’ailleurs partagées avec plusieurs partenaires de cette action, en particulier l’Association du développement du Tévelave (ADT), présidée par Jean-Noël Lépinay.
En effet, après l’inauguration des trois jours de festivités par le maire des Avirons, Michel Dennemont, et le défilé en fanfare dans les rues du village, tout le monde s’est retrouvé devant l’école primaire, en face de l’église. Un établissement moderne de onze classes, où douze enseignant(e)s accueillent actuellement 272 élèves, depuis la Maternelle petite section jusqu’au Cours moyen 2ème année.
"Les succès scolaires se multiplient"
Il y a 52 ans, cet établissement était misérable, comme la plupart des écoles dans l’île, lorsqu’arriva son nouveau directeur, Marcel Le Guen, avec son épouse Paulette, également enseignante. Neuf ans plus tôt, cet homme né en 1924 en Bretagne venait de participer à la libération de la France en tant que résistant avec les Francs Tireurs et Partisans dans les maquis de sa province. Après avoir été journaliste au quotidien communiste “l’Humanité”, il devient instituteur et trois ans après sa nomination à La Réunion, il arrive donc au Tévelave en 1954.
C’est cet homme que la municipalité des Avirons a décidé d’honorer en donnant son nom à l’école où il a travaillé pendant neuf ans. "L’engagement personnel, professionnel et pédagogique de Marcel Le Guen, ses actions scolaires et extra scolaires, son dévouement à la population ont fait que Le Tévelave est devenu la “capitale” de la formation à la pédagogie de Célestin Freinet. Grâce à cette “École nouvelle”, Le Tévelave et ses habitants rayonnent, les succès scolaires se multiplient, la population peut être fière de sa notoriété", déclare le maire.
"Une juste reconnaissance"
Pour Michel Dennemont, la dénomination de l’école Marcel Le Guen "est une juste reconnaissance". De même que l’élévation de Paulette Le Guen au rang de citoyenne d’honneur des Avirons après qu’elle ait remis à l’ADT toutes les photos réalisées par son mari lors de leur séjour au Tévelave.
Une partie de ces photos ont été présentées dans le cadre d’une exposition très riche intitulée “Tévelave des années 50 à 60”, qui donne une idée des conditions de vie à La Réunion à cette époque et du chemin parcouru depuis.
Le maire des Avirons avait également invité Paul Vergès à cette cérémonie. "Une cérémonie qui a une portée bien plus grande que la simple dénomination d’un bâtiment public", devait déclarer le président de la Région. En effet, expliquait Paul Vergès, les engagements de Marcel Le Guen, depuis sa première jeunesse - au risque de sa vie, dans la Résistance - jusqu’à la fin de sa carrière comme enseignant sont hors du commun. De même, dit-il, l’hommage rendu par les élus des Avirons et par les autorités de l’État à cet homme, victime de la répression à l’époque du sectarisme, a une grande signification.(voir encadré)
Quelle mémoire !
Le représentant de l’Académie et le sous-préfet de Saint-Paul ont en effet souligné les nombreux mérites de Marcel Le Guen et la grandeur de son œuvre, "qui a largement dépassé les frontières de sa commune". Intéressant d’entendre un tel discours de la part des représentants de l’État 43 ans après l’expulsion de cet enseignant “maudit” en raison de ses engagements professionnels et politiques.
En tout cas, Marcel Le Guen a marqué durablement plusieurs de ses élèves. Comme Guy Hoarau, un travailleur qui a clôturé la cérémonie en récitant par cœur un large extrait de “La chanson de Roland”. Quelle mémoire !
La mémoire, précisément, il en fut à nouveau question l’après-midi lors de la conférence-débat animée sous le préau de l’école par Raoul Lucas, enseignant en sciences de l’éducation à l’Université. Entouré par Paulette Le Guen, Jean-Daniel Dennemont, adjoint au tourisme et aux affaires sociales, et Jean-Noël Lépinay, président de l’ADT.
Le rayonnement de “La Moque”
L’universitaire a surtout insisté sur l’impact de l’œuvre pédagogique de Marcel Le Guen. Ce promoteur de la pédagogie Freinet avait le soutien de sa hiérarchie, en particulier l’inspecteur Roger Ueberschlag, lui aussi victime de la répression et renvoyé arbitrairement dans son Alsace natale. “L’École nouvelle” créée par Marcel Le Guen et ses collègues, dont Arzule et Liliane Guichard, "détonne avec sa pédagogie, ses textes libres, son imprimerie scolaire et son journal “La Moque”", affirme Raoul Lucas, pour qui ce journal "est un véritable phénomène d’édition par la fraîcheur des textes des élèves, par sa qualité, par son talent, qui contribue grandement au succès du projet pédagogique et au rayonnement de l’école".
Les médias officiels de l’époque, comme “Radio Saint-Denis” avec Jean Vincent-Dolor et “le Journal de l’île de La Réunion” de René Martin-Darène, firent l’éloge de ce travail jusqu’au moment où le coup d’État de 1958 et l’arrivée de la 5ème République furent suivis d’une période de répression violente et de graves atteintes aux libertés démocratiques. Une répression cautionnée par ces mêmes médias.
Un mouvement à continuer
Marcel Baum, enseignant retraité, rappelait comment dans les années 70 le mouvement Freinet renaissait dans l’île sous l’impulsion de jeunes enseignants progressistes. "C’est un mouvement à continuer", dit-il car cette pédagogie privilégie la coopération sur la compétition, la promotion de tous les élèves et le respect de leur parole.
Une option soutenue par Dany Payet, un ancien élève de Marcel Le Guen devenu éducateur spécialisé et qui a témoigné au cours du débat : "Il est très important que nos écoles soient à nouveau ouvertes aux parents, comme l’étaient celles des pédagogues Freinet ; ainsi, les parents peuvent participer pleinement à la formation et à l’éducation de leurs enfants ; aujourd’hui les écoles sont trop fermées et les parents ne sont pas assez valorisés".
Encore un bel hommage à celui dont l’école du Tévelave porte désormais le nom.
L. B.
(*) Le nom “Le Guen” s’écrit bien en deux mots, comme c’est la tradition en Bretagne. C’est par erreur que dans nos articles de vendredi et samedi derniers nous avons écrit ce nom en un seul mot. Une erreur reprise notamment par l’éditeur des propres livres de Marcel Le Guen...
Paul Vergès : Si tous les citoyens de La Réunion se comportaient comme Marcel Le Guen...
Voici le texte du discours tenu par Paul Vergès lors de la dénomination de l’école Marcel Le Guen samedi dernier au Tévelave. Les intertitres sont de “Témoignages”.
"Je pense que ce qu’on vit aujourd’hui a une portée beaucoup plus grande que ce qu’on pourrait imaginer. Ce n’est pas simplement l’inauguration d’une école dans le village du Tévelave ; le contenu et la portée de cette initiative de la mairie des Avirons vont beaucoup plus loin.
Un jeune qui risque sa vie pour libérer son pays
On honore qui ? On honore un jeune instituteur breton. Cet instituteur a commencé à donner l’exemple très tôt, parce que, né en 1924, à 17 ou 18 ans, il s’engage dans les Francs-tireurs des partisans français, dans une des zones où l’activité du Maquis était la plus forte et où les pertes ont été les plus lourdes. Il ne faut jamais oublier que le premier engagement des parachutistes français au moment du débarquement a été en Bretagne, dans la forêt de Saint-Marcel, car la totalité de la Bretagne était quasiment en insurrection.
Il faut réfléchir au fait qu’un jeune de 18 ans ait engagé sa vie, au sens strict du terme, dans une bataille pour libérer son pays. Cela devait marquer toute sa vie, parce que, de même que Pascal disait qu’il ne croit qu’aux témoins qui se font égorger, le patriotisme se juge pendant la guerre par ceux qui risquent leur vie ou par ceux qui sont des observateurs. Le Guen a donné cet exemple.
Deux attitudes
Quelques années plus tard, en 1951, il est nommé à La Réunion avec sa femme. Quand on arrive dans un pays lointain qu’on ne connaît pas, on peut avoir deux attitudes. La première c’est d’être observateur, de bénéficier de son statut privilégié et surtout de ne prendre aucun risque. Or, il faut se rappeler la situation de misère des années 50. Le couple Le Guen considère, lui, que sa qualité même de citoyens l’oblige à prendre parti.
C’est typique que dans notre pays, dans un Tévelave qui n’était pas le Tévelave d’aujourd’hui, ce village fut le champ d’expérience de la méthode Freinet. Il a pu ainsi éveiller des jeunes à la parole, à l’initiative, contrairement à l’image qu’on pouvait donner des Réunionnais. L’activité professionnelle de Le Guen était telle qu’une classe expérimentale a été mise sur pied pour qu’avec ses autres amis réunionnais, il puisse développer l’ensemble de ses connaissances.
Frappé par la répression
Mais il n’était pas attaché qu’à cela. Sa volonté de connaître, de comprendre l’a conduit à mener des recherches historiques sur les origines et les caractéristiques du Tévelave.
Cela l’a conduit à ses collections de photos pour marquer le Tévelave de l’époque afin qu’on puisse prendre un point de comparaison avec avant et surtout avec après.
Lorsqu’il rentre en congé en France, le sectarisme des autorités de l’époque lui interdit de revenir à La Réunion. C’est le premier frappé par ce qui devait ensuite être officialisé sous le nom d’Ordonnance d’octobre 60 et qui a expulsé de La Réunion un certain nombre de responsables syndicalistes, dont de nombreux enseignants.
Aujourd’hui, avec le recul, il faut voir le contenu de ce geste qui lui interdit de revenir dans un pays dont il s’intéressait à l’histoire, à la population. On lui interdit de continuer son travail. Ce n’est pas simplement sectaire, c’est surtout bête, c’est surtout inqualifiable.
Un geste de solidarité
Il n’y avait pas chez Le Guen que cette préoccupation vis-à-vis de sa profession et de la méthode Freinet, il n’y avait pas que l’intérêt pour les enfants et les jeunes, pour l’histoire de ce coin. Je me rappelle une rencontre avec lui, sur sa demande. Il m’a remis quelque chose de très significatif. Il était Breton et la solidarité existe entre les Bretons. Il m’a donc remis un reste d’un manuscrit d’archive en me racontant ce qui s’était passé : "Ça, c’est ce qu’il reste des archives brûlées par deux CRS dans la cour de la Préfecture de Saint-Denis, l’un devant surveiller l’autre. Comme il faisait chaud, l’un a suggéré à l’autre d’aller chercher de la bière et pendant ce temps-là, il a pu ramasser un morceau de jugement d’archive de l’époque de l’esclavage".
Passant par l’intermédiaire de Le Guen, il nous a remis ce morceau sauvé d’un incendie d’archives. L’action de ce CRS breton, sa solidarité avec Le Guen et la transmission par celui-ci jusqu’à nous montrent que le sectarisme de l’époque était tel qu’on arrivait à brûler ce qui représentait notre mémoire. Il était indigné par l’importance du volume d’archives brûlées pour nous priver de l’histoire de notre pays.
Un enseignant créole ?
Le séjour de Le Guen à La Réunion a été de 12 ans seulement du fait de l’interdiction par les pouvoirs de revenir ici. Mais chacun dans sa profession peut se demander comment en 12 ans, on peut marquer sa relation à la population, son respect pour elle, sa recherche pour contribuer avec elle à la recherche de son histoire, faire de ses enfants des citoyens responsables.
La question mérite d’être posée : en prenant ces risques, en contribuant à la connaissance de l’Histoire, Le Guen était-il encore un instituteur breton ou déjà un enseignant créole ? N’a-t-il pas pris d’intérêt à la situation sociale, à l’héritage historique et culturel du petit village du Tévelave autant qu’un enseignant créole ?
Un exemple à suivre
Aujourd’hui, les habitants du Tévelave peuvent connaître ce qu’était leur village il y a un demi-siècle grâce aux photos de Le Guen et à la générosité de Paulette. Si tous les citoyens de La Réunion, quels qu’ils soient, avaient le même comportement, peut-être serions-nous un peu plus avancés dans l’appréhension et la solution de nos problèmes.
C’est pourquoi, pour moi, c’est un grand honneur d’avoir été invité à cette inauguration. C’est La Réunion qui est honorée de participer à cette réappropriation de son histoire, c’est un hommage rendu à un enseignant qui, venant de plus de 10.000 km, a tenu dès les premières années de ses activités à se comporter comme un véritable habitant de La Réunion, un habitant des Avirons, un habitant de Tévelave.
C’est en cela que je veux saluer sa mémoire en saluant ici la présence de Paulette Le Guen."
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29 mars 2022, 18:07, par LE GUEN Hervé
Je suis le dernier fils de Marcel Le Guen, né en Bretagne pendant les congés de mes parents en métropole en 1956 mais arrivé à l’âge de 2 mois dans l’île (mes deux frères sont nés à St Denis).
J’ai quitté le Tévelave à l’âge de 7 ans, forcé comme toute la famille. Depuis j’y suis retourné plusieurs fois, accueilli par Leon MARTIN, MONDON et Arzul Guichard , amis de mon père. Durant mon dernier séjour, j’ai découvert l’école ou j’ai vécu et commencé ma scolarité. Je suis fier que celle-ci porte le nom de mon père et que ma mère ait pu participer à son inauguration. Le Tévelave est toute mon enfance.