Une exposition à voir jusqu’au 10 avril à Saint-Denis

“Images hantées, anté-images”

20 février 2013

L’écrivain réunionnais Patrick Singaïny nous a fait parvenir la présentation d’une « exposition-événement » qui se déroule jusqu’au 10 avril prochain à la Villa Angélique, rue de Paris à Saint-Denis, avec des œuvres photographiques de Séverine Chauveau, intitulées “Images hantées, anté-images”. Cette exposition est accompagnée par la publication d’un livre « éponyme » (qui lui ’donne son nom’) de Patrick Singaïny, qui nous a également envoyé une tribune libre sous le titre : « On ne naît pas réunionnais, on le devient » (voir encadré « Réunionnité ouverte, mais ferme »). Voici la présentation de l’exposition, qualifiée de « Renouveau (artistique) en terre réunionnaise ». Contacts : [email protected] - www.mediapart.fr/blog/239222 - 0693 93 88 58 - 0692 61 02 62 - [email protected] - www.severinechauveau.fr/

Séverine Chauveau, artiste et photographe, vit et travaille à La Réunion depuis 18 ans.

Au travers de deux séries photographiques qui composent l’exposition-événement "Images hantées, anté-images", Séverine Chauveau propose des images inhabituelles de et à La Réunion.
Dans la série "Mémoires", ses images s’emparent des lieux à forte charge historique. Ainsi, le spectateur est amené à ressentir de façon saisissante la présence fantomatique des ancêtres qui ont marqué ces lieux (Musée de Villèle, église de Champ Borne, usine de Grand Bois).
L’autre série "Loup y es-tu ?" montre des images féériques et narre un conte initiatique. Elles mettent en scène une petite fille qui erre dans la forêt fantastique des Tamarins. La forêt la sidère en même temps qu’elle la rend apeurée. La fillette semble s’être perdue et est confrontée à la perte de la présence maternelle.
Dans le livre éponyme, je perçois dans ces deux séries un questionnement novateur à La Réunion sur la nature même de l’image. Un questionnement qui préfigure, selon moi, l’amorce d’un renouveau artistique aussi important que celui qu’annonçait le Réunionnais Vollard en faisant émerger l’Art Moderne.
En effet, les images de Séverine Chauveau ne jugent pas, ne racialisent pas et ne folklorisent pas : elles sont réunionnaises.
Il ne s’agit pas d’images seulement esthétiques. Il ne s’agit pas d’images appauvries (qui ne font qu’illustrer un message comme celles que fabrique le monde de la publicité ou de la communication). Il s’agit d’images qui sont d’authentiques œuvres : elles interrogent d’emblée à la fois l’humain dans sa genèse et l’ensemble de la société réunionnaise dans son évolution sociétale.

Une photo de l’exposition de Séverine Chauveau “Images hantées, anté-images”.

Patrick Singaïny, responsable de "Aimé Césaire pour toujours", paru en mars 2011 aux Éditions Orphie.

« Réunionnité ouverte, mais ferme »

L’intellectuel réunionnais Patrick Singaïny, qui a cosigné avec Edgar Morin en mai 2012 "La France une et multiculturelle" chez Fayard, publie un court essai aux Éditions Azalées en direction du seul public de La Réunion. L’ouvrage prend racine dans les thématiques de l’exposition de Séverine Chauveau “Images hantées, anté-images”. Le livre éponyme a été conçu par l’essayiste comme un prolongement réunionnais à ses prises de position dans son précédent ouvrage, mais le livre « veut surtout dessiner le profil d’un renouveau artistique en terre réunionnaise fondé sur de l’inédit : un questionnement sur l’image avant qu’elle ne juge, sépare hiérarchiquement les êtres ou "racialise" ».

« Séverine Chauveau, selon mon point de vue, produit dans ses deux séries qui motivent cet ouvrage une œuvre artistique qui exprime les questionnements lancinants de notre société réunionnaise : sa genèse traumatique, ses errances et surtout sa hantise de la perte (la perte de soi, la perte à jamais d’une trace maternelle).

« (...) Même s’il apparaît logique que seule une personne de culture réunionnaise puisse engendrer un art réunionnais, la réunionnité peut être exprimée par des personnes culturellement étrangères qui auront compris et assimilé dans leur cœur les ressorts fondateurs hérités du peuplement historique.

Je crois que c’est le cas de Séverine Chauveau. Si son œuvre n’est pas le fait d’une personne de culture réunionnaise, elle est profondément d’ici, s’y enracine même, et me paraît être un vecteur artistique important.

Selon moi, elle apporte sa pierre au questionnement réunionnais autour d’un art endogène qui cherchera toujours ses perspectives dans l’espace d’une société née de l’inhumanisation ». (Patrick Singaïny, "Images hantées, anté-images", éditions Azalées, 2013).

Dans l’ouvrage qui prend en partie racine dans le travail artistique de Séverine Chauveau et qui fait suite à mes positions prises dans mon précédent livre avec Edgar Morin, il se dessine au travers des thématiques que j’y prélève une réunionnité ouverte, mais ferme.

Selon moi, chaque citoyen vivant en terre réunionnaise se doit de respecter l’apport du peuplement historique — us et coutumes — et de s’efforcer d’apporter sa pierre à la pérennisation du projet “Île de La Réunion” en le rendant compatible avec son apport personnel, que l’on soit de culture réunionnaise ou venant d’une autre culture (hexagonale, mahoraise, malgache, etc.). Ainsi, selon moi, on ne naît pas réunionnais, on le devient.

Autrement dit, de même que dans "La France une et multiculturelle” (1) je désignais le “projet France” comme devant être performé par tout citoyen de la Nation quelles que soient ses origines culturelles, il existe selon moi un projet “Île de La Réunion” qui ne demande qu’à être continuellement ré-enrichi ET à être respecté dans ses fondements historiques.

Patrick Singaïny

(1) Edgar Morin et Patrick Singaïny, "La France une et multiculturelle", Editions Fayard, Paris, mai 2012. Dans son texte, Patrick Singaïny propose de réintroduire un couplet volontairement oublié de la "Marseillaise" qui exprime l’incompatibilité de l’esclavage avec le projet France afin de mieux intégrer les descendants des immigrés issus des guerres coloniales post-1945 et ceux des vieilles colonies (Martinique, Guadeloupe, Guyane, La Réunion).


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