Ironie de l’Histoire

5 mars 2007

Et si l’Histoire Plaisantait ?... écrit Milan Kundera dans La Plaisanterie. En effet, elle nous joue des tours. Au moment où certains effaçaient quelques traces du passé réunionnais (dont l’intérêt a échappé à nos sommités académiques chargées de classer les monuments historiques pour les protéger), quasiment au même moment, à l’autre bout de l’île, surgissaient des ossements témoins de l’histoire de La Réunion. On a pu croire que l’Histoire finit au cimetière, en réalité, les derniers événements nous poussent à constater qu’elle ne fait que commencer...

Deux événements contraires qui nous placent face à notre passé. L’Histoire a de curieux soubresauts. Alors que quelques uns n’ont que faire de ce qui fut, elle insiste et émerge des sables pour nous rappeler à son bon souvenir.

Alain Ilan Chojnow

A propos de la destruction d’un temple indien à Sainte-Marie

Tak Barau

Après la destruction d’un temple tamoul par Xavier Barau, c’est toute la communauté tamoule, et tous les Réunionnais, qui déplorent un acte de vandalisme irrespectueux, un crime culturel, malheureusement sans l’intervention de l’État, qui n’a daigné protéger un site historique. Samedi, personnalités politiques, culturelles et associatives ont été reçues à la préfecture.

Claude Sadeyen Kichenin, prêtre officiant tamoul, ne mâche pas ses mots, et fustige l’auteur de cet acte insensé, inconsidéré, insolent, envers nos aïeux engagés indiens. Sans la moindre condescendance, l’auteur des faits, Xavier Barau, se permettait d’écrouler un temple tamoul datant du 19ème siècle, sans permis de démolition. L’acte est profondément colonialiste, faisant fi du bon sens. Un patrimoine culturel, cultuel, historique, est aujourd’hui en ruine, pour le seul plaisir d’un “gros” propriétaire. « Un bourgeon de la bourgeoisie locale essaie de refaire du colonialisme », accuse Claude Sadeyen Kichenin. Fini le temps de la colonie ? C’est à se le demander. « La colonie fut une rivière de larmes et un torrent de sueur », rappelle le prêtre officiant. Aujourd’hui, c’est la consternation. L’irréparable a été commis en toute impunité, sous les yeux bienveillants de la DRAC, de l’État. Et Claude Sadeyen Kichenin de poursuivre « la propriété appartient à Monsieur Barau, mais le temple aux Indiens ».

Où sont les responsabilités ?

Depuis 2002, l’accès au site a été fermé par ledit propriétaire, laissant présager le triste sort d’une bâtisse chargée d’histoire. Sudel Fuma, historien, directeur de la chair de l’Unesco à l’Université de La Réunion, veut la recherche des responsabilités dans ce dossier. Il parle de « crime culturel ». C’est si peu dire quand une partie de l’histoire réunionnaise est ainsi effacée aux yeux de tous. Il rappelle qu’il s’agissait là d’un patrimoine conséquent de notre île, témoignant de l’apport indien. « Après 1848, des milliers d’Indiens sont venus travailler à l’île de La Réunion. C’est ce qu’on appelle communément l’engagisme. Mais nous pouvons dire que c’était une autre forme de l’esclavage. On ne peut ignorer que les Indiens sont aussi à l’origine de la richesse culturelle réunionnaise. Et on ne peut oublier le passé », déclare l’historien réunionnais, spécialiste de l’esclavage et de l’engagisme. Défendre le patrimoine réunionnais ? Comment le peut-on quand certains se permettent de tels actes ? Comment le peut-on quand les services compétents de l’État dédaigne protéger un site aussi chargé d’histoire ? « Si i lèss sa pasé, nou lèss toutt pasé. Lo Barau sé ki li ? Sété in non dann tan. Astèr lé fini », note Loran Dalo, musicien de Danyèl Waro. L’État va-t-il laisser impuni une telle ignominie ? Il faut rappeler que depuis 1990 les descendants d’engagés indiens s’inquiétaient du sort annoncé pour la chapelle indienne.

Suite judiciaire ?

Diverses personnalités sont venues témoigner de leur indignation samedi devant les grilles de la préfecture. Représentant l’Université de La Réunion, le monde politique, des associations culturelles, le monde artistique, ses différentes personnalités ont été reçues par un représentant de la Préfecture. La délégation ressort satisfaite, parce qu’entendue enfin. Une enquête administrative devrait s’ouvrir dans le courant de cette semaine, avec une éventuelle suite judiciaire. Le collectif qui s’est constitué doit déposer une plainte contre x pour destruction d’un bien historique. 3 motions auront été déposées à la Préfecture. Mais comment revenir sur un mal déjà accompli ?

Bbj


Vers une éventuelle reconstruction ?

L’historien Sudel Fuma se félicite de l’attitude de M. Ballandras, qui s’est engagé à donner une suite au dossier de la destruction du temple tamoul de Sainte-Marie détruit sur ordre de Xavier Barau. M. Ballandras a ainsi assuré en informer le Préfet, demander à la DRAC de contacter le propriétaire. Peut-être même y aura-t-il réparation de cet acte inqualifiable ? Déjà par la sanctuarisation du site, et peut-être une éventuelle reconstruction. L’historien précise que La Réunion a un savoir-faire en la matière. Oui, une enquête sera ouverte pour déterminer les responsabilités. Une plainte sera déposée dès aujourd’hui, et on pressent, selon nos sources, Maître Gabriel Amourdom pour assurer la représentation de la partie civile. A noter aussi qu’à la demande de la Maison des Civilisations et de l’Unité Réunionnaise (MCUR), un inventaire exhaustif de tous les sites liés à l’esclavage et l’engagisme sera entrepris. Peut-être que cela évitera à l’avenir de tels actes inconsidérés !


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Messages

  • Cet évènement dramatique pour l’ensemble de la population réunionnaise, honteux pour la famille Barau,ne révèle-t-il pas la priorité que l’on doit donner à la préservation des lieux de mémoire et leur éventuel restauration ?

    Ne doit on pas mettre les boeufs avant la charrue ? Procéder à un inventaire "qui n’existerait pas" à ce jour, de ces lieux historiques n’est il pas plus urgent que la création d’un nouveau "sanctuaire" ..? N’oublions pas les ouvrages de Daniel Vaxelaire et un autre financé via la fondation Hayot (sic) sur le patrimoine des communes très fournis et détaillés.

    Les travaux de réhabilitation constatés sur certaines usines de monsieur de Chateauvieux, sont elles par exemple strictement encadrées afin de ne pas porter atteinte au patrimoine des quartiers ? Ces usines sont des lieux chargés d’histoires, de vies malgré leur aspect rouillés et délabrés, qui ont connu l’esclavage, l’engagisme et l’exploitation, la violence et le sang des réunionnais. Ne devrait on pas au préalable, avoir des investigations de type archéologique sur ces terrains pour déterminer les éléments qui méritent d’être conservés ..??


Témoignages - 80e année


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