Loin d’isoler le jeune Réunionnais, le créole à l’école favorise son ouverture sur le monde

L’enseignement en créole permet de maîtriser plus facilement le français

17 août 2021, par Manuel Marchal

Le débat autour de la loi sur la protection et la promotion des langues régionales a remis sous les feux des projecteurs la question du créole à l’école. L’article du texte permettant de généraliser l’enseignement en langue régionale a été censuré par le Conseil constitutionnel. Pourtant, cet enseignement immersif existe déjà malgré le cadre encore étroit de la loi. Récemment élue conseillère départementale du Port, Isabelle Erudel est enseignante en classe bilingue en maternelle, où la moitié des cours sont en créole et l’autre moitié en français. Elle constate que les élèves qui bénéficient de cet enseignement ont ensuite moins de difficulté à maîtriser la langue française.

Depuis hier, plus de 200.000 jeunes Réunionnais et leurs encadrants ont retrouvé le chemin de l’école. Cette rentrée a lieu quelques mois après l’adoption de la loi pour la protection et la promotion des langues régionales, dite Loi Mollac.
Le texte adopté par le Parlement comprenait une disposition reconnaissant le droit à un enseignement immersif dans une langue régionale. Autrement dit, le créole était reconnu dans la loi comme une langue d’enseignement au même titre que le français. Cette disposition a été censurée par le Conseil constitutionnel, au motif que « la langue de la République est le français ». Elle cristallise les débats, car elle remet en cause le rapport entre la langue officielle et la langue maternelle, la seconde étant la langue d’enseignement et la seconde la langue la plus parlée à La Réunion. Le gouvernement tente de rechercher un moyen de lever le blocage, car l’enseignement dans une langue régionale donne déjà des résultats positifs malgré le cadre encore étroit de la loi.

Isabelle Erudel est enseignante en classe bilingue depuis plusieurs années.

Favoriser la réussite scolaire

Cet enseignement immersif existe déjà à La Réunion dans les classes bilingues créole-français. Professeur des Écoles à l’école maternelle Pauline Kergomard au Port, Isabelle Erudel a déjà plusieurs années d’expérience dans ce domaine. Dans sa classe en maternelle, 50 % des cours sont en créole, et 50 % en français. Pour savoir dans quelle langue s’exprimer dans la classe, les élèves se fient à un code de couleurs : jaune quand le créole est la langue d’enseignement, bleu pour le français.
« Le principal objectif est d’arrêter de mailler la langue » indique Isabelle Erudel. « Les élèves savent dans quelle langue s’exprimer selon le moment de la journée », poursuit-elle. « Ainsi ils peuvent bien faire la distinction entre les deux langues ».
« L’apprentissage du français est facilité », précise l’enseignante. Cette meilleure efficacité a d’ailleurs été observée dans les cas où la langue d’accueil de l’élève est sa langue maternelle, ajoute-t-elle en substance. Autrement dit, quand le créole est une langue d’enseignement à La Réunion, la réussite scolaire est favorisée.
« L’autre avantage est détak la lang », souligne Isabelle Erudel, « Les élèves parlent plus aisément dans leur langue qui est alors valorisée. Trop longtemps, avant, ils n’osaient pas s’exprimer parce que le créole n’était pas accepté comme “langue”. On leur disait : « c’est pas comme ça qu’on dit !!! » Ou encore « tu parles mal »… Il y avait un écart entre la maison et l’école ».

Que les fausses peurs s’effacent au profit du bon sens

Ceci va manifestement à l’encontre de bien des idées reçues qui affirment que le créole à l’école est source d’échec scolaire, d’isolement des Réunionnais. Les 3 années de maternelle en classe bilingue permettent en effet à l’élève de progresser dans l’apprentissage de deux langues vivantes dont une qu’il ne pratique probablement pas à la maison.
Isabelle Erudel précise qu’après la maternelle, les élèves ont ensuite 1 heure 30 par semaine de cours de langue vivante régionale en école élémentaire. La disposition de la loi Mollac contestée par le Conseil constitutionnel permet d’augmenter ce volume horaire sans préjudice de l’apprentissage du français. Souhaitons que les fausses peurs s’effacent au profit du bon sens : la langue maternelle est obligatoirement la langue la plus adaptée pour les apprentissages.

M.M.

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Messages

  • Pourquoi pas si une enseignante, donc une pro de la pédagogie l’écrit ? Cela dit, il faut à mon avis que l’on doit aussi vérifier que le français n’est pas mis de côté, ignoré, oublié au profit du créole. La diversité est une richesse, le replis sur soi-même, son petit monde, au sens propre et figuré est par contre, une pauvreté. Le savoir rend libre car la culture en a besoin et permet de ne pas se faire rouler, influencer par ce qui nous entoure comme le capitalisme justement essaie de le faire pour son profit immédiat, quitte à saccager méthodiquement la nature, celle qui nous supporte et celle qui permettra de faire vivre nos enfants nés ou à naitre. Sur qu’ils risqueront de nous reprocher à juste raison tout ce que nous sommes en train de faire sur la planète, la Réunion aussi bien sur, tout cela pour sur consommer, gaspiller pour frimer, c’est égoiste, ridicule, dérisoire et inconscient, irresponsable, c’est mon avis devant les déchets que l’on abandonne du battant des lames aux sommets des montagnes, Bonne fin de semaine en attendant le future train TER péi Ste Rose-St Joseph..Tchou tchou, mi aime le train ! Arthur.


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