20 décembre 1948

"L’esclavage fait partie intégrante de notre histoire"

21 décembre 2020

Paul Canaguy, président de l’association fondée par Sudel Fuma, Historun, explique à Témoignages comment et pourquoi le 20 décembre a été acté comme jour célébrant l’abolition de l’esclavage, et quelle répercussion à ce système colonial sur la société d’aujourd’hui.

L’Association HISTORUN RÉUNION, créée par Sudel Fuma en 2002, a pour but de promouvoir la Culture et : l’Histoire de l’Ile de la Réunion par tous types d’actions : débats, conférences, projections de films, campagne d’information…, et par l’existence d’un site internet gratuit à destination des internautes de la Réunion et du monde entier.

Quels sont les objectifs de votre association, Historun ?

Devoir de mémoire, une valeur sure !

Devoir pour la reconnaissance, pour l’honneur (autre valeur sure).

Devoir qui utilise la mémoire, les souvenirs pour transmettre ce que l’on a vu, vécu, entendu, réalisé, ressenti pour honorer et rendre hommage.

Le Devoir de l’homme est de transmettre son savoir, ses connaissances et de présenter généreusement tous les clichés entreposés dans le cerveau. Clichés qui parlent et racontent des faits passés, qui montrent des images, des mouvements, des actes, des périodes touchant au déroulement de toute sa vie passée. De relater ses souvenirs encore vivants, les bons et les mauvais,
avec sincérité, honnêteté et vérité.

Un homme doit apporter aux autres ses connaissances, les partager, en faire profiter, les offrir aux générations présentes et à venir, de son vivant.

Le Devoir de mémoire doit servir d’exemple dans ce qui touche les valeurs qui donnent un vrai sens à la vie. Il servira à l’élévation des connaissances, à la morale pour l’homme lui-même en même temps qu’à toute la société.

Pour nous, les anciens qui avons connu tant de drames, de malheurs dans le 20eme siècle, notre devoir est de relater ce que nous avons vécu ... peut-être pour éviter que l’histoire sanglante ne se reproduise pas. Également dans un souci de reconnaissance, parler de nos familles, nos maîtres, instituteurs, prêtres, cadres et responsables à tous les niveaux ... et d’en parler sans tricher, sans chercher à les modifier, en évitant toute exagération et toute fantaisie.

Le devoir de mémoire est d’utiliser tous les moyens pour que s’inscrivent dans les actions menées, l’hommage, la reconnaissance, à ceux qui nous ont devancés et accomplis des vies exemplaires, recherches, exploits, sacrifices ... Ce fut les mots et le message forts laissés par l’historien Sudel Fuma.

Ces actions peuvent être nombreuses et diverses.

Pourquoi a-t-on choisit le 20 décembre pour célébrer la liberté des esclaves à La Réunion, et quelle est la différence avec le 10 mai instauré par la Loi Taubira ?

Six mois après la publication du décret d’abolition de l’esclavage par le gouvernement de la République française, le commissaire général de la République Joseph Napoléon Sébastien Sarda, dit Sarda-Garriga, arrive à la Réunion avec ledit décret et le titre de gouverneur. Sitôt débarqué à Saint-Denis, le 19 octobre, il promulgue le décret d’abolition avec effet le 20 décembre 1848.

En souvenir de cette décision, le 20 décembre est aujourd’hui férié et chômé sur l’île de La Réunion. C’est la « fête Cafres » (d’après le nom donné aux anciens esclaves africains) ou la fête de la Liberté...

La loi du 30 juin 1983 instaurant la commémoration de l’abolition de l’esclavage stipule que des dates de commémoration seront choisies par chaque département d’outre-mer et fixées par décret. Les jours de commémoration diffèrent sur ces territoires, selon les circonstances historiques qui leur sont propres ou la date d’arrivée des porteurs du décret sur les lieux.

La diversité des dates commémoratives dans les départements d’outre-mer a suscité l’idée d’une date unique de commémoration au plan national. En 2006, c’est la date du 10 mai qui a été choisie, en référence à la loi Taubira du 10 mai 2001 tendant à la reconnaissance de l’esclavage en tant que crime contre l’humanité.

A cette date s’ajoute celle du 23 mai, jour de commémoration pour les Français d’outre-mer de l’Hexagone. Cette journée renvoie à la marche de mobilisation du 23 mai 1998 à l’origine de la loi Taubira mais évoque également la date de l’abolition de l’esclavage en Martinique.

Journée nationale des mémoires de la traite, de l’esclavage et de leurs abolitions, créée en 2006 par le Président Jacques Chirac en vue de la commémoration officielle de l’abolition de l’esclavage en France métropolitaine.

La date du 10 mai a été proposée par le Comité national pour la mémoire et l’histoire de l’esclavage (CNMHE), en référence à l’adoption par le Parlement, le 10 mai 2001, de la loi « tendant à la reconnaissance la traite négrière transatlantique et l’esclavage », à l’initiative de la députée guyanaise Christiane Taubira. Cette loi vise à encourager le devoir de mémoire et prévoit que l’histoire de la traite négrière et de l’esclavage sera enseignée dans les cycles primaires et secondaires.

Le Mémorial ACTe, en Guadeloupe, a été inauguré le 10 mai 2015 par François Hollande.

A l’heure du mouvement Black Live Matters, parti des Etats-Unis puis reprit au Brésil, mais aussi en France, ce 20 décembre n’est-il pas symbolique dans un contexte de montée du racisme et de la xénophobie ?

L’esclavage fait partie intégrante de notre histoire. Nous le vivons comme tel. C’est une réalité évidente que personne ne peut ignorer. Il ne faut pas à mon sens ressasser toujours le passé, non plus nourrir une forme de haine ou de rancoeur. La montée du racisme et de la xénophobie, observée ici et là ne doit pas nous entraîner sur un chemin dangereux et inciter à la violence par exemple.

Ne pas chercher à établir des parallèles avec des situations extérieures souvent entretenues par des velléités politiques.

Comme les autres peuples et nations du monde, les Réunionnais entretiennent depuis toujours une passion pour l’Histoire mais gardent aujourd’hui certaines distances avec elle surtout quand elle touche à des "sujets sensibles" .

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