L’esclavage selon Madeleine Jouye de Grandmaison, Députée au Parlement européen

10 mai 2008

Les questions de la traite négrière et de l’esclavage ne sont pas une “exception française”. La plupart des nations européennes ont pris part à l’expansion impérialiste qui, du XVIIe au XXème siècle, par le commerce triangulaire et l’esclavage puis dans la colonisation, a assis la domination de l’Europe sur les autres continents.
Depuis le temps que l’Europe “aide” l’Afrique de façon notoirement inefficace et ambiguë, n’est-ce pas le signe qu’elle devrait collectivement poser en d’autres termes les questions des relations avec les pays issus de l’Indépendance d’un continent pillé sous toutes les formes pendant des siècles ?
Madeleine Jouye de Grandmaison est élue de la Martinique au Parlement européen. “Témoignages” lui a demandé, à l’approche du 10 mai - date de commémoration française de la traite, de l’esclavage et de leurs abolitions - ce qu’elle jugeait possible de faire pour aboutir un jour au choix d’une date européenne scellant une volonté politique de l’Union d’objectiver ces phénomènes hérités de l’Histoire, pour en tourner la page.

M. de Grandmaison : « Je viens de déposer un amendement (au rapport sur la stratégie européenne pour les RUP, actuellement en débat - Ndlr) pour que soient instituées pas seulement la célébration, mais l’étude de l’esclavage et du colonialisme et une meilleure prise en compte de ces questions dans les programmes d’aide à la recherche. Il est important que tous en aient une appréciation limpide et claire. Pour permettre à chacun de dépasser l’héritage de la traite et de l’esclavage dans les sociétés européennes, il faut aborder scientifiquement ces questions. Aimé Césaire avait sa manière de voir : il disait qu’on ne répare pas l’irréparable. Néanmoins, un jour, il faudra arriver à ce que le Parlement européen rende justice à l’humanité. Cela ne sera pas forcément le 10 mai, qui est une date française.
Et encore faudrait-il que nous nous mettions tous d’accord, dans l’ensemble français, sur la reconnaissance d’une date et sur les actions à entreprendre pour enseigner ces faits à nos enfants. Cela ne peut se faire dans l’improvisation. Il me semble qu’il faut d’abord que les diasporas entrent dans une réflexion commune sur la meilleure façon de faire respecter ce qui a été reconnu comme « crime contre l’humanité ».
En Europe, beaucoup s’en moquent éperdument et éludent la question en rétorquant que “nous ne sommes pas le centre du monde”. En Angleterre, aux Pays-Bas et même au Portugal - ce qui est plus surprenant -, on ne veut pas entendre parler de ces rappels de l’Histoire dans l’évocation des problématiques du présent. De sorte qu’il y a encore, à mon sens, beaucoup de chemin à faire pour faire reconnaître cette dimension de “crime contre l’humanité” par les autres nations européennes. Et il nous incombe de faire cheminer cette idée-là ».

Propos recueillis par P. David

10 mai

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