Célébration du 50ème anniversaire de l’Union Africaine à Addis-Abeba

L’espace de l’océan Indien représenté par le Réunionnais Sudel Fuma

27 mai 2013

Une réunion des experts mondiaux de l’UNESCO a été organisée la semaine dernière dans la capitale de l’Éthiopie pour la réalisation du 9ème volume de l’histoire générale de l’Afrique et la réactualisation de la collection. C’est un Réunionnais, Sudel Fuma, professeur d’histoire à l’Université et directeur de la Chaire UNESCO à La Réunion, qui a représenté l’ensemble des pays de l’océan Indien.

Les 35 experts, avec au centre le Professeur Eliaka M’Bokolo, désigné comme président du Comité Scientifique de l’UNESCO. Sudel Fuma est au premier rang, le second à partir de la gauche.

Cette manifestation internationale de haut niveau s’est déroulée à Addis-Abeba en Éthiopie les 21 et 22 mai 2013, précédant de deux jours l’important rendez-vous de l’ensemble des chefs d’États africains pour célébrer le 50ème anniversaire de l’Union Africaine. 37 experts mondiaux, choisis parmi les experts du monde entier et proposés par le Comité Scientifique de l’UNESCO, ont été sélectionnés pour réfléchir et proposer des orientations à donner aux pays de l’Union Africaine et à l’UNESCO, afin de compléter les ouvrages existant et écrire un 9ème volume consacré à la diaspora africaine dans le monde.

Les travaux ont été fructueux et le bilan de cet événement international, selon le Professeur Eliaka M’Bokolo, désigné comme président du Comité Scientifique, est « historique ». « C’est, dit-il, la première fois depuis 1956, que des experts mondiaux se retrouvent dans une telle occasion pour réfléchir sur l’importance de la diaspora africaine dans le monde » et de la "Global Africa", concept qui accompagne désormais celui de la diaspora africaine dans le monde.

Experts et personnalités

Des experts sont venus du Brésil, des États-Unis, de la Chine, des pays d’Amérique du Sud — fortement représentés par la Colombie, le Brésil, le Vénézuéla —, des États-Unis et du Canada, des pays africains, de l’océan Indien et d’Europe (Angleterre, France) (voir encadré). Ils ont partagé leur avis sur l’orientation à donner à ces ouvrages de référence, qui doivent être réactualisés dans les 13 langues dans lesquelles ils ont été publiés.

L’ouverture de cette réunion internationale s’est faite en présence de plusieurs personnalités : le ministre de la Culture et du Tourisme en Éthiopie, M. Mugeleta Said ; l’ambassadrice du Brésil, Mme Isabel Cristinade Azevedo Heyvaert ; le vice-commissaire général de l’Union Africaine, M. Eratus Mwencha ; le Directeur Général Adjoint de l’UNESCO, Getachew Engida ; M. Ali Moussa Iyé, directeur du programme des politiques culturelles et interculturelles de l’UNESCO et principal organisateur de cette rencontre internationale.

Enseigner l’Histoire de l’Afrique

Tous les intervenants ont manifesté leur enthousiasme concernant les travaux réalisés par les experts et ont insisté sur l’importance de l’enseignement de l’Histoire de l’Afrique. Cela, afin de contribuer au développement de tous les pays africains qui souffrent encore d’un déficit d’enseignement de leur Histoire.

La représentante du Brésil a rappelé l’importance que revêt la création de la 6ème Région d’Afrique, voulue par l’Union Africaine, et qui concerne les populations issues de la diaspora africaine du monde entier. Elle a rappelé que depuis 2006, la loi 10.639, votée par le parlement brésilien, rend obligatoire l’enseignement de l’histoire de l’Afrique depuis les classes primaires jusqu’à l’Université. Cette loi a été proposée par l’ancien président Lula pour détruire les stéréotypes de la période coloniale et mettre fin à une histoire euro-centrée.

La force du concept d’"Umbuntu", de consensus

Le Brésil, un des pays les plus importants de la diaspora africaine et dont la population se réclame à 60% d’origine africaine, s’est engagé à trouver des financements pour la poursuite des travaux scientifiques. Les valeurs fondamentales de l’africanité ont été soulignées par les chercheurs africains, en particulier le concept d’"Umbuntu", qui se rapporte à l’idée de consensus à la base de l’épanouissement des humains dans tous les domaines de leur vie et qui est un espoir dans un monde capitaliste à la dérive.

Sudel Fuma, Professeur des Universités de La Réunion et Directeur de la Chaire UNESCO dans le pays, a représenté l’océan Indien. Il a rappelé l’importance de l’histoire de l’Afrique dans la constitution des peuples des îles de l’océan Indien et des autres pays de cette zone immense. Des pays longtemps occultés au plan international et n’occupant qu’une place mineure dans la collection de l’Histoire Général de l’Afrique.

Il a également souligné la volonté des associations culturelles — autant à La Réunion (notamment Rasine Kaf) qu’à l’Île Maurice, aux Comores et aux Seychelles — pour défendre les valeurs de l’Africanité. Ses propositions ont été validées dans le rapport du Comité mondial des Experts, dont les recommandations pour le 9ème volume mentionnent l’importance de la Diaspora africaine dans les pays de l’océan Indien et s’inscrivant dans un immense espace allant de Madagascar et des petites îles (La Réunion, l’Ile Maurice, les Seychelles, l’Île Rodrigue, Les Chagos) à l’Inde et l’Indonésie…

Un "Appel mondial"

Des travaux archéologiques en cours démontrent l’existence d’une présence africaine de la diaspora qui précède l’arrivée des colonisateurs européens dans les pays de l’océan Indien au 16ème siècle (Madagascar, l’Archipel des Comores, l’Inde) et en extension dans les pays arabo-musulmans. L’experte du Brésil a de son côté rappelé que des recherches actuellement en cours en Amérique du Sud prouveraient l’existence d’une Diaspora africaine précolombienne en Amérique.

Les experts ont enfin rédigé un "Appel mondial", signé à l’unanimité des présents. Cet "Appel" demande à l’Union Africaine, réunie en séance solennelle à Addis Abeba, qu’elle assume, à travers les chefs d’État africains, ses responsabilités dans le cadre de ce grand projet de réactualisation de l’Histoire Générale de l’Afrique et celui de l’écriture de l’histoire générale de la Diaspora africaine dans le monde. (voir encadré)

L’ancêtre la plus ancienne de l’humanité

La rencontre internationale s’est terminée par une visite à Dinkenesh — plus connue sous le prénom européen de "Lucie" —, l’ancêtre la plus ancienne de l’humanité, à savoir 3 millions d’années.

Cette ancêtre est conservée au Muséum National d’Éthiopie, qui a ouvert exceptionnellement ses portes pour les experts mondiaux. Ce fut une visite symbolique très forte et remplie d’émotions pour l’ensemble des participants à ce congrès international.

Correspondant

Des présences à souligner


Parmi les 37 personnalités scientifiques les plus représentatives du monde à cet événement, il faut souligner notamment la présence des personnes suivantes :

• le Professeur Doulaye Konate, président de l’association des Historiens Africains ;

• le Professeur Eliaka M’Bokolo, Président du Comité Scientifique pour le projet de l’Utilisation pédagogique de l’histoire générale de l’Afrique, Directeur à l’École aux hautes études en sciences sociales (Paris) ;

• le Professeur Tayeb Chenntouf, Historien, Directeur de recherches à l’Université d’Oran (Algérie) ;

• le Professeur Issiaka Mandé, Historien, Département de Sciences politiques (Montréal, Québec et Burkina Faso) ;

• le Professeur Paul Lovejoy (Université de New York) ;

• le Professeur Kabengele Munanga, professeur titulaire au département d’anthropologie sociale au Brésil ;

• le Professeur Historien et Archéologue Augustin Holl, Vice-Président de l’Université Paris Nanterre ;

• le Professeur Martial Ze Belinga, économiste, sociologue (Cameroun) ;

• le Professeur Ashan Li, Directeur du Centre d’études africaines de l’Université de Pékin ;

• la Professeure Claudia Mosquera (Université de Colombie) ;

• la Professeure Alda Saide, Historienne (Université de Maputo) ;

• le Professeur Adama Samassekou, Président du Conseil International de la philosophie et des Sciences linguistiques, ancien Ministre de l’Éducation du Mali ;

• Ali Moussa Iyé, directeur du programme de la Route de l’Esclave à l’UNESCO (Paris) et principal organisateur de cette rencontre internationale ;

• le représentant de l’océan Indien, le professeur et Directeur de La Chaire UNESCO à l’Université de La Réunion, Sudel Fuma ;

• et de nombreuses hautes personnalités invitées à cet événement international.

Appel du 25 mai 2013


À la très haute attention des chefs d’États et de gouvernements de l’Union Africaine

Réunis à Addis Abeba par l’UNESCO, à l’occasion de la célébration du cinquantenaire de l’OUA/UA, pour le développement du neuvième volume de l’Histoire Générale de l’Afrique, les experts africains du Continent et de la Diaspora, ainsi que leurs collègues des Amériques, de l’Asie et de l’Europe,

Conscients du rôle éminemment positif joué par le grand projet de l’Histoire Générale de l’Afrique dans la restauration de la dignité des peuples africains et dans la prise de conscience de la place de l’Afrique, berceau de l’Humanité, dans l’évolution de la civilisation universelle ;

Convaincus que la réalisation de la Renaissance africaine, qui passe nécessairement par la valorisation des langues africaines, et la mise en œuvre du Panafricanisme exigent d’assurer les ruptures épistémologique, méthodologique et pédagogique seules à même de garantir l’indispensable refondation des sciences humaines et sociales en général, et de l’histoire en particulier ;

Soucieux de prendre en compte les avancées de la recherche scientifique et de ses conséquences pour l’essor de l’Afrique et de sa Diaspora, afin de relever les nouveaux défis politiques, économiques, sociaux, culturels et environnementaux auxquels le Continent fait face ;

Réaffirment leur engagement et leur détermination à contribuer à l’élaboration des outils nécessaires à la mise en œuvre de la vision de l’Union Africaine telle qu’elle ressort de la Charte de la Renaissance culturelle africaine adoptée par les Chefs d’États et de Gouvernements au Sommet de Khartoum en janvier 2006 ;

Saluent dans ce contexte l’exemple du soutien financier de la Libye et du Brésil pour l’Utilisation Pédagogique de l’Histoire Générale de l’Afrique et pour le développement de son neuvième volume consacré à l’Afrique contemporaine et à sa Diaspora ;

Expriment leur vive préoccupation quant à la pérennisation des moyens nécessaires à la réalisation de ces importants projets ;

Lancent un vibrant appel aux États africains pour qu’ils assument la responsabilité qui est la leur de garantir les conditions d’une prise en charge financière de l’Utilisation pédagogique de l’Histoire Générale de l’Afrique ainsi que du développement de son neuvième volume.

Addis Abeba, le 25 mai 2013

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