Séminaire de l’A.M.C.U.R.

L’Unité dans la diversité

6 décembre 2004

L’Association pour la Maison des civilisations et de l’unité réunionnaise (AMCUR) a organisé une rencontre animée par Éric Alendroit et Brigitte Croisier ce samedi 4 décembre autour du thème : “De la Diversité à l’Unité”. Un thème qui sera approfondi lors de prochaines réunions.

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Outre les conférences publiques, l’AMCUR organise des rencontres plus restreintes autour d’un certain nombre de thèmes en liaison avec le projet de la Maison des civilisations et de l’unité réunionnaise. La rencontre précédente avait eu lieu le 11 septembre 2004 : “Habiter l’espace réunionnais”.
En plus de l’intérêt de débattre, c’est l’occasion de tisser des liens et ces rencontres se poursuivent souvent par des échanges ultérieurs de réflexions ou de documents.
Le thème “De la Diversité à l’Unité” a une grande importance car il est au cœur même du projet Maison. L’essentiel, c’est l’unité respectant la diversité. Il s’agit aussi d’affirmer la nécessité de l’appropriation d’une position voire d’une posture d’auteur et d’acteur de notre développement à la fois économique, social et culturel.

Métissage

La Réunion est souvent présentée comme un modèle de société mis en exhibition comme pour nous éviter la tentation d’une réflexion profonde ; or ce modèle de “réussite” est surtout posé par les extérieurs avec un regard occidentalisé.
L’intitulé “De la Diversité à l’Unité” ne doit pas être conçu comme un itinéraire linéaire où les temps se succèdent, en ce sens que la diversité ne peut être qu’une notion relative ; et il en est de même de l’unité, puisqu’il s’agit de la représentation que nous nous faisons de notre identité, et que celle-ci correspond davantage à l’interaction qui existe entre les appartenances collectives et individuelles, qu’elle correspond à une construction lente et dynamique qui s’actualise en permanence.
L’Histoire de notre peuplement indique cette lecture du “multi”, celle de la diversité mais aussi celle du “métissage” puisque nous avons connu à la fois les conditions du multiethnicité (des gens venus de plusieurs territoires, de langues différentes, de cultures différentes, de religions différentes, de phénotypes différents, de pratiques économiques et politiques différentes) et celles du métissage (dans leurs pays de provenance, les populations avaient déjà connu des influences, nombre de femmes très réduit par rapport à celui des hommes, expérience imposée du séjour en quarantaine au Lazaret).

De quoi parlons-nous ?

Samedi après-midi, il était question de ce qui fait notre société à savoir quelle est la teneur et la qualité de nos racines et vers quel bourgeonnement, vers quel fleurissement et vers quel renouvellement cheminons-nous. Cette réflexion doit se poursuivre lors d’une autre rencontre.
Il s’agit de savoir de quoi nous parlons : Quelles idées nous faisons-nous de la diversité, de l’unité et de leur lien, de leur opposition ou complémentarité ? Il s’agit de prendre conscience des enjeux de cette problématique, de son importance pour notre présent et avenir : En quoi l’unité est-elle essentielle ? Les deux points précédents étant posés, il s’agit d’avoir une attitude concrète et même éthique car cela engage notre responsabilité, il s’agit donc de mettre en œuvre ce qui nous semble être essentiel et qui nous tient à cœur : comment préserver l’unité, unité multiple, si elle est déjà là, ou la construire ensemble, avec la conscience des écueils, des obstacles.
Les participants à la réunion ont enfin affirmé leur volonté de mettre en place des projets qui permettent de nous ouvrir sur la région océan Indien et d’alimenter le débat sur ce que sera la Maison des civilisations et de l’unité réunionnaise.


Avis de Réunionnais

Une des questions a été de savoir si on identifie bien la diversité réunionnaise. Comment s’exprime-t-elle ? Lors de la discussion, plusieurs points de vues ont été exprimés.
Pour Clency Henriette, l’unité est un processus, un devenir en construction permanente et pas linéaire.
Pour Nicolas Gerodou, il faut prendre conscience qu’il y a plusieurs lectures de la diversité, en particulier il y a eu le discours colonial tel qu’il se manifeste dans le roman colonial, un discours qui a masqué la réalité. Aujourd’hui, la Maison joue un rôle essentiel pour maintenir la diversité dans l’unité. Au niveau du vécu, la créolité fonctionne, mais il manque des éléments de symbolisation. Nous devons penser et nous penser de manière ouverte.
Reynolds Michel relevait que, pour certains, la diversité est une menace de chaos, d’où l’importance de gérer la diversité dans l’espace public quand il y a des tentations de surenchère, de concurrence entre les différentes composantes.
Selon Masséande Allaoui, les îles de l’océan Indien ont subi l’influence des systèmes coloniaux, il s’agit de savoir comment sortir du passé colonial et par ailleurs de s’interroger sur les valeurs républicaines. La République fait-elle ciment alors qu’elle est porteuse d’un modèle universaliste qui bloque l’expression de la diversité ? Alors que les sociétés créoles ont de fait inventé une pratique originale. Faut-il modéliser cette expérience ? Risque-t-on de transformer l’unité en uniformité ?
Jean-Luc Chane Haong, citant l’exemple des Réunionnais d’origine chinoise, exprime ses craintes : on risque de perdre une unité qui, selon lui, existait auparavant, car on s’affirmait “Réunionnais”, alors qu’aujourd’hui, la recherche des racines, le retour aux sources aboutit à constituer des communautés qui se distinguent, se séparent des autres.
Ces craintes sont à relativiser pour d’autres, car précisément en allant à l’extérieur, on prend conscience qu’on n’est pas Chinois, Indien etc. mais Réunionnais.
Pour Marcel Moutoucomorapoullé, l’unité s’est souvent faite à travers une solidarité entre pauvres, unité dans le partage d’un sort commun de colonisés, d’exploités.
Selon Laurent Medéa, il y a à la fois unité et manque d’unité : l’unité est centrée autour de la langue créole, mais à l’intérieur de ce champ, il y a des différences, des inégalités économiques.. Si Maurice et l’Afrique du Sud ont une unité politique, car indépendants, ce n’est pas le cas de La Réunion.
Du point de vue de Christiane Rafidinarivo, l’unité serait dans l’absence de hiérarchie entre les différentes diversités. Une hiérarchisation introduirait la domination d’une composante sur l’autre. En fait, il faut aborder le thème unité/diversité à la fois dans l’espace public et dans l’espace privé où les stratégies et valeurs ne sont pas les mêmes. Entre les deux, il y a un espace négocié. Actuellement on valorise, à l’école par exemple, les langues chinoises, indiennes, mais cela se fait aux dépens du créole, qui risque de disparaître.
Pour sa part, Gervais Lebreton s’étonne que l’on puisse considérer la valorisation de la diversité comme une menace. Clency Henriette juge normal que telle ou telle composante de la société réunionnaise cherche à s’affirmer.
Plusieurs interrogations subsistent sur ce que vivent les jeunes, qui, évidemment, n’ont pas traversé les mêmes phases historiques que ceux et celles qui ont participé au débat. Idriss Issop Banian est optimiste sur les facteurs unificateurs de la société réunionnaise et Éric Alendroit insiste sur la nécessité pour chacun de rester auteur et acteur.

Maison des civilisations et de l’unité réunionnaise

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