Foire internationale des Mascareignes

La Chine joue sur tous les tableaux

13 novembre 2004

Arts martiaux, massages, broderie d’une finesse incroyable, peinture... Les savoir-faire chinois sont au Port jusqu’à dimanche, offrant un raccourci de la Chine millénaire. Aixinjueluo Mengyu, cousine du dernier empereur chinois, expose ses toiles.

Vitrine annuelle de l’artisanat et de l’économie de La Réunion, la Foire internationale des Mascareignes ouvre ses portes cette année à la Chine et à la multitude de ses talents. Ils sont là jusqu’à dimanche, offrant un raccourci de la Chine millénaire, depuis ses arts les plus anciens jusqu’au bazar contemporain de la mondialisation... accommodée par les Chinois. Un détour instructif à la Halle des manifestations au Port.

Le 11 novembre a permis à un grand nombre de familles de venir découvrir quelques-uns des secrets sortis des malles des exposants. La plupart sont venus de Tianjin, ville avec laquelle la Région a entrepris de construire une relation économique doublement avantageuse, comme l’exprimait un diplomate chinois lors de son passage dans l’île, au début de l’année 2003.

Mais comme dans toute construction, ce sont les fondations les plus importantes et celles-ci peuvent demander du temps. Plusieurs projets sont en cours, dans une perspective de développement de l’industrie et de l’emploi, ouvrant aux Chinois une des (petites) portes de l’Europe.

Certains exposants, comme Zhi Xuan Li, directeur général de la société Heze Zhufeng wooden craft (artisanat du bois, meubles), dans la province de Shandong, au Sud-Sud-Ouest de Tianjin, ne sont venus qu’avec quelques échantillons, dans le but de rencontrer ici des agents ou importateurs intéressés par leurs produits.

La colonne vertébrale, comme un clavier

Cette foire ouverte aux artistes, artisans, commerçants et industriels chinois offre aussi en retour aux Réunionnais une occasion de se familiariser avec quelques aspects de la Chine actuelle, de même qu’avec quelques-uns de ses arts millénaires.

On accède au pavillon chinois par l’extérieur, en traversant l’espace du village chinois, où sont concentrés de nombreux artisans : céramiste, musicien et luthier, calligraphe, graveur sur grain de riz, artiste de la découpe de papier... Ils partagent une partie de la zone d’exposition extérieure avec des artisans malgaches.
Dans le pavillon de Chine, des spécialistes des arts martiaux tiennent une des entrées, point stratégique s’il en est. Ils vont et viennent, de leur stand, très fréquenté, à l’espace spectacle où ils se produisent en alternance avec les danseurs.
Les masseurs remportent aussi un franc succès, quelle que soit “l’école”. Celle des adeptes du kung fu joue de votre colonne vertébrale comme d’un clavier vertical. Un peu plus loin, les candidats à la relaxation sont allongés et c’est quelquefois debout à pieds joints, quelquefois accroupis sur leurs lombaires que les masseurs - et masseuses - obtiennent le résultat escompté. Cela doit être efficace car les candidats ne manquent pas.

Toiles de maître

Aixinjueluo Mengyu est née à Tianjin en 1956. Elle est la fille d’un des cousins du dernier empereur, Pu Yi, mais elle n’a pas vécu l’exil. Elle a grandi à Tianjin et s’est formée auprès de son père, Aixinjueluo Puzuo, un maître de la calligraphie et de la peinture chinoise de tradition royale.

Après le départ de la famille impériale, il gagna sa vie à la souplesse de son poignet et devint l’un des maîtres réputés de l’école des Beaux-Arts de Tianjin. Sa fille a fait des études à l’université de Nankai (Tianjin), dans la faculté des arts orientaux. Elle est aujourd’hui reconnue en Chine comme l’un des maîtres de la peinture royale, qu’elle enseigne aux étudiants de l’Université d’économie et des finances de Tianjin.
Elle nous explique qu’en Chine, les arts traditionnels sont enseignés partout et que les universités chinoises ne sont pas cloisonnées : ce n’est pas parce qu’on a choisi la finance internationale qu’il faut tout ignorer de l’art ancien (proverbe chinois).
Aixinjueluo Mengyu est également très impliquée dans la vie sociale et civique. Elle fait partie de la Conférence consultative politique du Peuple chinois (CPPCC), une instance de consultation aux côtés du conseil municipal de la ville.
Elle dirige l’Académie féminine des arts, une association où se retrouvent les femmes peintres et que fréquentent aussi des femmes de tous milieux sociaux, désireuses d’apprendre les bases de la peinture - une sorte de faculté populaire féminine.
Elle est aussi membre de l’association des œuvres caritatives de Tianjin, à laquelle elle fait don d’une partie de ses toiles : le produit de leur vente sert à payer les études de jeunes issus de familles aux revenus trop modestes pour pouvoir faire face à ces dépenses.
À la demande des visiteurs, elle réalise des tableaux empreints de son style, léger et profond à la fois, tout en élégance. Elle a apporté avec elle les reproductions sur cuivre de certaines de ses toiles, par un autre artiste de Tianjin.

En traversant le Pavillon de Chine, après l’étal de Aixinjueluo Mengyu, voisin de celui du massage chinois, on peut admirer quelques-unes des pièces de Hu Jingwen, maître céramiste résident de l’école des beaux-arts. Il va passer encore dix mois parmi nous et certaines de ses œuvres vont rester avec lui - vasques, vases, récipients divers avec ou sans couvercle, cendriers, parfumeurs...

Des répliques de trésors nationaux

Une autre artiste “peintre”, à sa façon, est la brodeuse de soie Lu Zhaodi. Ses broderies sont de véritables tableaux. Elle réalise parfois des portraits en broderie. Les visiteurs peuvent la voir travailler à l’entrée d’un des stands exposant des broderies encadrées ou sur paravents. Elle vit et travaille à Suzhou, près de Shangaï, où elle a appris la broderie à l’âge de 15 ans, auprès de sa tante, artiste peintre réputée en Chine.
La soie dont elle se sert pour ses tableaux se présente en écheveaux torsadés d’une vingtaine de “brins”. Chaque brin est fait de soixante-quatre fils et selon le tableau qu’elle veut réaliser, Lu Zhaodi va isoler un groupe de fils plus ou moins fin.
Le tableau qu’elle a commencé à broder est fait de brins de soie de 32 fils d’épaisseur, sur un canevas de soie qu’elle transperce d’une aiguille minuscule, longue à peine d’un centimètre et demi et percée d’un chas micrométrique.
Les Chinois ayant développé un art consommé du paravent - la plupart en bois de rose -, c’est sur ce support que l’on peut admirer les broderies de Lu Zhaodi, aux motifs divers bien que souvent inspirés de la nature et de la vie animale.
Certains paravents poussent la minutie jusqu’à présenter un motif d’une certaine couleur au recto et d’une couleur différente au verso, sur une même toile. Les uns sont monumentaux - ils servent de cloisons intérieures dans les maisons, les salles de restaurants...- tandis que d’autres sont des pièces décoratives plus modestes, en dépit de la minutie du travail qui les distingue.

Enfin, il ne faut pas quitter le pavillon sans aller voir les pièces d’art de Li Xinsheng, facteur de pièces de bronze reproduisant des œuvres d’art des dynasties anciennes. Li Xinsheng est directeur général adjoint du Caijin Science & Technology Gift & Cie. Il est venu avec deux pièces reproduisant des œuvres rares. L’une est le “trépied du général Ke”, sorte de marmite fabriquée par le général lui-même dans la moyenne période de la dynastie Zhou (900-800 av. JC). L’original, deux fois plus grand que la pièce importée ici, est considéré comme un trésor national. Il est exposé au musée de Shanghaï. L’intérieur de la marmite est couvert d’idéogrammes en chinois ancien.
L’autre pièce rare est le “Vase aux quatre moutons”, reproduction à l’échelle 1 d’un bronze Tsouen, servant jadis de vase à vin, dans la dernière période de la dynastie Shang (vers 1700-1600 av. JC). L’original, retrouvé en 1938 à Yueshanpu-Ningxing, dans la province du Hunan, est exposé au Musée historique de Chine.

P. David


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