La jeunesse réunionnaise s’empare du 10 mai

« La place de l’histoire de la traite négrière et de l’esclavage dans les programmes scolaires »

12 mai 2011, par Céline Tabou

Organisée par l’Alliance des jeunes pour la formation et l’emploi à La Réunion, en partenariat avec l’UNEF et l’UNL, la conférence débat du 10 mai au Campus du Moufia, a réuni étudiants, associatifs et enseignants autour de l’esclavage dans l’Histoire de La Réunion. La trentaine de personnes présentes a débattu durant trois heures en compagnie de Sudel Fuma, historien et Félix Marimoutou enseignant.

Au cours de cette première table ronde, animée par Sudel Fuma, Alexis Chaussalet et Gilles Leperlier, le problème s’est posé de savoir où se trouvait l’Histoire de La Réunion dans les programmes scolaires et surtout quel intérêt ont les élèves et les étudiants vis-à-vis de leur histoire et culture ?
L’Éducation nationale est en partie responsable de l’effacement de l’Histoire et de la culture réunionnaise, près d’un jeune sur deux n’a pas fait d’Histoire de La Réunion en seconde. La place de l’Histoire de La Réunion est « brimée au profit de celle de la France », véhiculée par des professeurs qui ne souhaitent pas parler de La Réunion, « elle n’existe pas ».

L’Éducation nationale au coeur du problème

L’ancien représentant fédéral et membre du Conseil national de la vie lycéenne (CNVL), Alexis Chaussalet a expliqué que « les choses s’améliorent, mais il y a beaucoup à faire. L’Éducation nationale est le pilier principal de l’apprentissage de l’Histoire de La Réunion ». Ce dernier a indiqué que « sur trois cycles (seconde-première-terminale), les élèves ont une séance de deux heures par an, d’Histoire de La Réunion "à la volonté des professeurs" ».
Cette entrée en matière a de suite poussé les intervenants à réagir, Martine Datil, enseignante à Bel Air a expliqué qu’au sein du CNVL, il était possible de « leur demander d’intégrer l’Histoire de La Réunion, mais les parents sont absents, il n’y a aucune implication des parents ». Face à cette absence d’engagement des parents, la responsabilité des professeurs est également un problème « il y a des professeurs qui se moquent de l’Histoire de notre île et qui décident de ne pas faire de cours d’Histoire de La Réunion au cours des deux malheureuses heures auxquelles ont droit les élèves », a indiqué Alexis Chaussalet.
Certains intervenants ont indiqué « la volonté des professeurs de ne pas enseigner l’Histoire de La Réunion est un problème idéologique, car notre Histoire et notre culture ont une connotation négative. Notre Histoire est sous-évaluée, il y a l’Histoire et la culture de France puis, en dessous, celle de La Réunion » s’est indigné Giovanni.
Au-delà de la question de la responsabilité, Gisèle Bessière a argué que « l’Histoire de l’esclavage n’est pas claire pour les Réunionnais, nous ne sommes pas en mesure d’entendre et de dire la vérité à propos de l’esclavage. Il y a encore beaucoup de travail à faire sur cette question ». Car la connaissance et la transmission de l’Histoire de La Réunion à La Réunion sont « peu évoqués, au profit de l’éducation républicaine ».

L’action citoyenne doit prendre le pas

« La conscience et l’action citoyenne doivent être développées à La Réunion, à l’échelle humaine, mais aussi mondiale. Aujourd’hui, on n’avance pas et ce se sera pas l’Éducation nationale qui enseignera à nos enfants, mais aussi à tout le monde, l’Histoire de La Réunion », a expliqué Ketty Lisador.
« L’éducation populaire reste la seule solution », selon les membres d’associations comme le KLE, Lantant Kaf, des enseignants et jeunes. Le vice-président de l’Association réunionnaise d’Éducation populaire, Stéphane Nicaise, reprenant les propos entendus dans la salle, a expliqué que l’éducation populaire était la clé pour que les Réunionnais prennent conscience de leur Histoire et de leur culture. De plus, l’association met « l’Homme, dans son environnement, avec sa culture à La Réunion ».
Pointant du doigt les carences de l’Éducation nationale, les responsables politiques ont également un rôle à jouer. Remerciant l’AJFER, l’UNEF et l’UNL d’avoir organisé cette conférence-débat, les intervenants, dont Samuel Mouen ont fustigé l’absence de prise de position politique vis-à-vis de la question du 10 mai, Journée commémorative de l’abolition de l’esclavage, et de sa reconnaissance.
Au cours de la seconde table ronde, les intervenants ont évoqué la reconnaissance de la traite négrière dans l’océan Indien et de l’esclavage comme crime contre l’humanité. En dépit du vote de cette loi, le 10 mai reste « la prise de pouvoir de François Mitterand », a déploré Félix Marimoutou. Ce dernier a mis en avant « l’écrasement de cette date » au profit de fait d’actualité, notamment la question des quotas de noirs dans l’équipe de France, détrônée au profit de la mort de Ben Laden.

Céline Tabou

10 mai

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