Festival do Baluarte à Ilha Moçambique

La Réunion : Mozambique : D’une île à l’autre, des liens humains retrouvés

28 juin 2004

Depuis jeudi soir, le Festival do Baluarte, auquel participe une forte délégation réunionnaise, bat son plein sur l’île Mozambique, province de Nampula, dans le Nord du pays. Conçu pour valoriser les cultures du Mozambique et rapprocher les peuples de l’océan Indien, dans un programme de développement touristique, économique et social de l’île, le Festival fait, même sans grand bruit, son œuvre de reconstruction de liens historiques distendus.

Invitée d’honneur de la deuxième édition du Festival do Baluarte qui se tient sur l’île Mozambique, La Réunion a ouvert jeudi la soirée inaugurale avec le spectacle Makwalé, en présence du ministre de la Culture du Mozambique, Miguel N’Kaima, du gouverneur de la province de Nampula - à laquelle est rattachée l’île -, Abdul Razak, et de l’ambassadeur de France à Maputo, Mme Avon accompagnée de l’équipe du centre culturel franco-mozambicain.
Les officiels, comme la population réunie pour l’inauguration, illustraient le brassage des peuples et des cultures qui fait du Mozambique un des pays les plus unifiés d’Afrique : le ministre venu de Maputo est d’origine makondé et le gouverneur de Nampula est un descendant d’immigrés indo-musulmans du comptoir de Goa. Les Réunionnais n’étaient pas en terrain inconnu...

Un travail d’arrache-pied

Toute l’organisation du Festival a travaillé d’arrache-pied jusqu’à la dernière minute pour doter la forteresse Saint-Sébastien, vestige colonial de la période esclavagiste portugaise planté à la pointe Sud de l’île, des moyens techniques requis par les spectacles contemporains. Les "stands" des participants ont été installés dans les ruines, de même que des bars-restaurants de fortune, tous équipés de prises de courant. Une prouesse pour l’île, dont les habitants connaissent une très grande pauvreté, avec un salaire journalier minimum rapportant péniblement 35.000 meticais (1 euro).
L’île est approvisionnée en eau et en électricité depuis une bonne vingtaine d’années. Mais une rupture de canalisation l’avait privée d’eau 15 jours avant le Festival et n’a été rétablie qu’à la dernière minute.
On peut souligner que sous l’action du FRELIMO, le parti qui dirige le pays, la couverture du Mozambique en alimentation eau potable est de 30% à 40%. La distribution d’électricité est beaucoup plus importante grâce au barrage de Cabora Bassa qui alimente non seulement le Mozambique mais les pays voisins.
Ainsi, la plupart des hôtels restaurants requis par la logistique ont vu arriver l’eau courante à l’approche du Festival et les efforts faits dans le domaine des communications sont sans commune mesure avec le niveau moyen d’équipement. Le nombre d’abonnés au téléphone fixe dans l’île tient sur une demie page d’annuaire mais la Poste s’est équipée de deux appareils informatiques reliés à Internet. Les téléphones cellulaires font une entrée remarquée. De ce point de vue, le Festival joue un rôle de locomotive qu’il faut lui souhaiter de garder, tant les besoins non satisfaits sont importants.

La marque de l’Histoire

Une grande partie de la population, dont l’activité principale est la pêche, passe l’essentiel de ses journées à assurer sa substance et ne peut pas vraiment s’intéresser aux échanges humains qui se produisent sous ses yeux. Mais parfois, il se produit une rencontre exceptionnelle, comme celle vécue par un des moringèr du groupe de Jean-René Dreinaza (voir encadré) , qui rappelle la raison d’être d’une telle manifestation au cœur d’une île classée par l’UNESCO au patrimoine mondial de l’humanité.
L’île elle-même est merveilleuse, comme figée dans le temps, portant encore visibles les marques de sa splendeur architecturale passée. Tout y tombe en ruine et un important travail de réhabilitation monumentale a commencé. La guerre, qui a déchiré le pays pendant douze ans (1976-1992), a fait affluer vers l’île (reliée au continent par un pont construit par les Portugais en 1964) des populations qui fuyaient les combats, les razzias et autres désastres. Cette affluence - et la croissance démographique qui en résulte - met les quelque 10.000 habitants devant des difficultés matérielles de tous ordres. La lenteur mise par les autorités de Maputo à prendre en compte leurs retards a provoqué dans la population, lors des municipales de novembre dernier, un "vote sanction" qui a amené au pouvoir local la RENAMO (parti d’opposition).
Est-ce cela qui a déstabilisé cette année l’organisation d’un Festival créé l’an dernier, à l’image de celui de Zanzibar, dans un projet de structuration du tourisme et d’ouverture sur l’océan indien ? Quoi qu’il en soit et malgré des aléas divers et variés, rien n’empêche des peuples qui veulent retisser des liens historiques distendus de se retrouver et de se tendre la main. C’est l’expérience humaine, inoubliable, vécue par les membres de la délégation réunionnaise.

(à suivre)

Pascale David


Hagen est arrivé à bon port

Avec Jean-René Dreinaza, six jeunes moringèr ont fait le voyage au Mozambique. Parmi eux, Willy Hagen, 36 ans, de l’association des moringèr portois. Quelle n’a pas été sa stupeur lorsque Danyèl Waro, en leur présentant un groupe de jeunes capoeiristes de l’île, prononce le nom de Jakson Hagen, un garçon de 20 ans. Sur le moment, les deux jeunes sont tombés dans les bras l’un de l’autre. "On m’avait toujours dit que je devais avoir un ancêtre allemand et je me demandais comment c’était possible", raconte Willy.
Cette rencontre l’a mis directement et concrètement en situation de comprendre une histoire familiale dont il n’arrivait pas, avant, à nouer tous les fils : peut-être un Hollandais ou un Danois venu au Mozambique pour le trafic d’esclaves... Des esclaves auxquels les maîtres laissaient parfois leur nom. Puis une longue traversée vers La Réunion... Et aujourd’hui le voyage retour. Un choc émotif qui donne à son séjour ici une dimension humaine exceptionnelle... Mais combien de Réunionnais pourraient vivre la même s’ils avaient la possibilité de faire le même voyage retour ?
Ayant fait connaissance du garçon, Willy a voulu aussi connaître sa famille : une famille nombreuse dont la survie repose sur les seules épaules d’une femme-courage. Les moringèr sont allés la voir chez elle, en se cotisant pour laisser un peu d’argent à une famille très démunie. La première idée était d’inviter la famille Hagen à La Réunion au prochain 20 décembre, mais cela pourra-t-il se faire ?

P. D.


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