Hommage à François Coupou

La Réunion ne t’oublie pas !

30 mai 2007

49 ans après la mort de François Coupou, La Réunion se souvient à travers un vibrant hommage rendu hier à Saint-Denis à l’initiative du Cercle François Coupou.

Les coups de crosse portés à François Coupou sont violents. Ils fracassent son crâne. S’en suit sa mort, le 29 mai 1958. Un assassinat ni plus, ni moins. Il est âgé de 63 ans. Fin tragique d’un homme debout qui venait d’assister à une réunion antifasciste organisée par son parti dans la cour Lucas à Saint-Denis. Une réunion animée par Paul Vergès et Dutremblay Agénor devant de nombreux Réunionnais !

Les forces de répression étaient là
pour “casser du communiste”

Les forces de répression se sont invitées à cette réunion ! Seulement, ils se trouvaient sur ordre du Préfet Perreau Pradier pour “casser du communiste”. Fin du discours, la foule se disperse. François Coupou rentre chez lui, rue d’Après, tranquillement. Un homme sans ennui qui lui aussi a lutté tête haute contre les injustices commises dans l’île. Voilà que les forces de répression s’en prennent à lui. Quel courage de leur part ! Et la suite, vous la connaissez, il s’éteint entouré de sa femme, ses proches et camarades.

Une réunion antifasciste animée
par Paul Vergès et Dutremblay Agénor

Cet épisode de l’histoire de La Réunion, le Cercle François Coupou l’a honoré hier en fin de journée au jardin situé à l’angle des rues Général De Gaulle et Jacob (Saint-Denis). Initiateurs de ce devoir de mémoire, ses héritiers Alain Mayandy et Naren Mayandi sont respectivement, le petit-fils et l’arrière petit-fils de ce militant communiste. Des amis, hier soir, sont venus lui rendre hommage : Raymond, Patrice, Jacky, Patrick, Maurice, Gérald, Patrice, Willy, Lucien, Auber. Poèmes et discours ont été lus pour perpétuer l’histoire d’un homme sans histoire avide de justice pour son “péi”. L’année prochaine, cela fera 50 ans que François Coupou nous a quittés. Nul doute que cela sera un grand événement non seulement pour ses proches et amis, mais aussi pour tous les Réunionnais.

Jean-Fabrice Nativel


Cérémonie en l’honneur du 49ème anniversaire de la mort de François Coupou

Témoignages

• Claude Aubert, 65 ans, facteur à la retraite

Po dir moin té koné bien François Coupou, li té koné moman, té tonm konm gran zami. Li té vien pass la kaz, défoi po rod manzé po son bann zanimo. Moin la pa vi kan la tié ali. Kan bèzman i pèt, ou kour, ou rèss pa tèrla. Moin lavé 16 zan kan li lé mor. Demoun se zour là navé. Dann inn rénion Vergès, navé in ta demoun, é se zour là navé CRS plin partou. De toutfason, kan navé rénion bann kominis, CRS té partou. Coupou té anploiyé la préfèktir, li té garson d-biro mi kroi. Kann bann CRS la done po sarzé, sat té zèn la giny kouri, mé sat lavé tonm désou zot min, banna té oubli pa tap ali bien mèm. E kom François Coupou té pa trotro gro, le kou la tié ali. Zordi, eské so moman là lé inportan ? Moin la touzour été koté sèt fami là, moin la koni Tonton Minion. Sété le ti non gaté François Coupou, parske li té zantiy.

• Patrice Treuthardt, fonnkézèr, maloyèr

Alain Mayandi, le ti zanfan François Coupou, té èk moin dann premiédébi Ziskakan. Nou la souvan kozé dési listoir bann demoun rézistan, bann zarboutan la batay po nou. Episa, moin té lir. Dann Témoignages, oubiensa dann tèks Alain Lorraine, moin la trouvé bann zistoir demoun la batay, la rézisté. Anfèt, zot la done amoin lanvi batay, rézisté osi. E zorid i fo nou batay po rash la mémoir là dann loubli. Na bonpé jalon nout kiltir. I fo pa n’i oubli.

• Raymond Lauret, conseiller régional

François Coupou, comme tant d’autres, appartient aux martyrs de notre peuple, parce que l’on ne tolérait pas que l’on pense autrement.
François Coupou était un simple travailleur. Et il faut se dire que c’est eux, les simples travailleurs, qui ont fait l’avenir de La Réunion. Et je me félicite que son petit-fils ait continué à transmettre cette histoire. Il faut se dire que si aujourd’hui nous sommes un peu libres, c’est grâce à des gens comme lui, grâce à ces figures de La Réunion. Merci à Alain Mayandi de conserver intègrement ces documents.
Aujourd’hui, il y a des rues, une avenue qui portent son nom. Peut-être que pour le 50ème anniversaire de sa mort - et c’est une proposition à étudier - nous pourrions imaginer une place pour ces martyrs de La Réunion. Je ne suis un poète pour donner le bon terme. Il faudrait encore trouver le mot juste, la bonne expression. Mais c’est une idée ...

• Dil, 25 ans, badaud

François Coupou ? Mi koné pa. Mi voi nana in sérémoni malbar. Banna i sar bat tanbour, mi rèss po ékouté. Soman si ou di amoin li té asasiné parske li té dann in rénion kominis, lé pa ziss. Li mérit i mèt ali anlèr. Soman kome moin té di aou, moin té koni pa di-tou zistoir là.

Propos recueillis par Willy Techer


Lu dans “Témoignages”, mardi 3 juin 1958

« Dimanche, les travailleurs de Saint-Denis et de Saint-André ont fait d’émouvantes funérailles à François Coupou, blessé jeudi à la sortie de la réunion antifasciste de Saint-Denis, mort pour la République, première victime du fascisme à La Réunion.

Jeudi dernier, les fascistes étaient venus sur ordre tentés de créer des incidents sanglants pour “briser le Parti Communiste”. Certains en rêvent jour et nuit. Ils ont voulu leur mort ; ils l’ont eue. Ils sont contents. Mais ils s’aperçoivent que s’ils ont tué un travailleur, ils n’ont pas tué le communisme dans notre pays ; bien plus, ils font se rassembler autour de lui toujours plus d’hommes et de femmes décidés à défendre à la fois leurs droits, leurs libertés et leurs revendications, immédiates.

Il était pauvre

François Coupou employé de la société de Tourris était un travailleur bien connu à Saint-Denis et comme tous les travailleurs créoles, il était pauvre, ce qui est normal pensent sans doute certains de la classe supérieure. Toute une vie de travailleur avait permis d’élever sa famille où deux jeunes enfants vont encore à l’école. François Coupou n’était pas un membre du Parti Communiste et encore moins un militant ; mais parce que c’était un travailleur conscient, sa confiance allait à notre Parti et ce n’est sûrement pas la première réunion qu’il voyait se tenir à la cour Lucas qui est proche de son domicile.

Gendarmes et policiers accompagnés de provocateurs

Parce qu’il avait toujours assisté dans cette cour à des réunions calmes, à des réunions sans déploiement de CRS, gendarmes et policiers accompagnés de provocateurs comme jeudi dernier, il avait été, en toute confiance, à la boutique au coin de la rue. Et c’est ce vieillard de 63 ans, dont tous ceux qui l’ont connu reconnaissent à la fois le caractère sérieux et le calme, c’est cet homme de nature fragile qui, rentrant tranquillement chez lui, a été frappé à coup de crosse, avec une violence telle qu’il a eu une fracture du crâne et qu’il a perdu aussitôt connaissance sans jamais ensuite reprendre conscience. De nombreux témoins nous ont dit avec quelle sauvagerie il avait été frappé.

François Coupou sur son lit de mort

Et quand on sait que tous les travailleurs blessés l’ont été dans le dos, sur la nuque, sur l’arrière de la tête, on apprécie le communiqué de la radio indiquant que les travailleurs “ont attaqué le service d’ordre” ou les écrits des journaux parlant de “nervis communistes” !
Quand on a entendu les témoins qui ont vu frapper François Coupou et s’acharner sur lui alors qu’il était inanimé, quand on sait que le certificat médical confirme la fracture comme cause de la mort, quand on a vu François Coupou sur son lit de mort, entouré de sa femme, de sa famille, de ses camarades, on apprécie l’impudeur et le cynisme du communiqué de la radio annonçant qu’il était mort “d’une crise cardiaque”. Mais tout cela ouvre les yeux et la conscience des Réunionnais.

Transporté sans connaissance à l’hôpital, François Coupou devait entrer dans le coma, et ne jamais reprendre connaissance pour mourir vendredi soir à 7 h. Veillé par sa famille et ses camarades, ses frères de travail, de misère et de lutte, François Coupou a été inhumé dimanche matin. Parti du domicile rue d’Après, le convoi était précédé de porteurs de multiples couronnes du Comité de Défenses des Libertés Républicaines, de la Fédération Communiste, de l’Union des Syndicats, du Secours Populaire etc.

Accompagné jusqu’au pont du Butor par une foule nombreuse où l’on remarquait les dirigeants des organisations démocratiques et syndicales, la dépouille mortelle de François Coupou a été ensuite transportée à Saint-André où eut lieu l’inhumation. Devant un nombreux public qui attendait le corps de ce travailleur, le Docteur Agénor, Président du Comité de Défenses des Libertés Républicaines, prononça une allocution où il exalta la vie et le sacrifice de cette première victime du fascisme à La Réunion.


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