Feydeau à la sauce créole de Sham’s

La succession du Rapiang est arrivée

5 octobre 2004

Après deux mois d’un succès mitigé avec “Mais n’te promènes donc pas toute nue”, Sham’s a choisi pour sa version créole de revisiter la distribution. La compagnie présente “Té, arèt marsh tou ni don !”

Après la version originale en français de “Mais n’te promènes donc pas toute nue” de Georges Feydeau, la Compagnie Sham’s présente sa version créole, “Té, arèt marsh tou ni don !”
Après 163 représentations, les 40.750 spectateurs du Rapiang - L’Avare de Molière en créole - attendaient impatiemment la Compagnie Sham’s au tournant de sa prochaine création. C’est Feydeau et son implacable mécanique de dialogues et de mouvements qui tient en haleine le public jusqu’au tomber de rideau, qu’elle a choisi d’introduire dans le répertoire théâtral réunionnais.
"Mettre en scène Molière est plus facile que de mettre en scène Feydeau", précise Sham’s. "L’acteur doit être un comique, sa manière de dire le texte et son porté sur scène ne suffisent pas. C’est une pièce redoutable qui demande d’avoir l’expérience de la scène".
Ainsi, après deux mois d’un succès mitigé avec “Mais n’te promènes donc pas toute nue”, Sham’s a choisi pour sa version créole de revisiter la distribution et de déstructurer complètement la version originale, devenue prétexte à la farce et à la commedia dell’arte, version zambrocal réyioné.

Aller plus loin dans le délire

Dans “Té, arèt marsh tou ni don !”, les acteurs chamboulent l’espace scénique qui se mue en une véritable piste de cirque, où l’humour est roi. Le texte - traduit et adapté en créole par Muriel Payet (Clarisse), Sham’s (le député Ventroux) et Thierry Salimina (le maire Hochepaix) - et son contenu font fi des convenances sociales, pour que s’entrechoquent le banal de la vie quotidienne et les ambitions politiques des protagonistes, qui offrent un arrière-plan sérieux à la pièce.
"Nous avons voulu aller plus loin dans le délire, tirer plusieurs ficelles de la pièce originale pour les rattacher au monde local", justifie Sham’s, qui parle d’un petit clin d’œil à la presse réunionnaise introduit par le personnage journaliste Romain de Jaival, interprété par Emmanuel Colinet.

Une version créole bien loin donc d’une simple traduction ou de la structure habituelle du vaudeville, qui cherche à opposer l’institution républicaine et la légèreté féminine incarnée par l’héroïne de la pièce, Clarisse, femme de caractère, exhibitionniste, contrariante à souhait avec son mari.

Enfermés dans un corps féminin

Les quatre personnages masculins (il ne faut pas oublier le domestique Victor) se retrouvent enfermés, malgré eux, chacun à leur façon, dans la transparence d’un corps féminin, attrayant et provocant à souhait, et qui s’offre à voir au milieu de la colère et de la folie furieuse de Ventroux, député et mari de Clarisse.
Alors que la frénésie du nu envahit notre société, le sujet de cette pièce, un siècle après sa parution, reste contemporain. Du voyeurisme qui découle de l’attrait et de la crainte du corps féminin, Feydeau a décidé d’en rire et Sham’s après lui.
L’objectif : proposer au spectateur une heure et demie - et plus si affinité - de rire, voire de fou rire, avec cette 9ème création tout public de la compagnie Sham’s, que vous pourrez retrouver ce samedi à partir de 20 heures sur sa scène au Moufia.
"Nous attendons le verdict du public, dans toute sa variété, pour savoir si nous amènerons la pièce à Avignon", souligne Sham’s, qui attend le public nombreux et lui réserve en tant que personnage "une tête un peu spéciale". Mais nous n’en saurons pas plus.

Estéfany


Bientôt Sham’s en version de poche

D’ici moins d’un mois, les Éditions Sham’s souhaitent proposer dans la collection "Téat an Kréol", dirigée par Daniel Honoré, la version livre de poche de "Té, arèt marsh tou ni don !"
"Il est urgent de pouvoir disposer d’une pièce de théâtre en livre", soutient Sham’s. Bien que pour lui, proposer une version créole du vaudeville de Feydeau ne signifie pas être un militant de la langue, ce militant du théâtre, comme il se qualifie, estime que "le théâtre est l’académie vivante du créole", que "la langue peut toute seule se défendre sur scène".


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