Un appel aux Réunionnais à connaître leur histoire

Le 20 décembre : un « phénomène exceptionnel »

30 décembre 2014, par Céline Tabou

L’ampleur des célébrations du 20 décembre est un « phénomène exceptionnel, surtout les thèmes abordés », car « c’est la première fois, au-delà des évocations sur l’abolition de l’esclavage, que l’on fait de ce 20 décembre un évènement propre à La Réunion », a expliqué le sénateur Paul Vergès, lors d’une conférence de presse, lundi 29 décembre.

Paul Vergès a exprimé sa “satisfaction” de voir remettre la Légion d’honneur à Firmin Viry pour avoir célébré l’abolition de l’esclavage avec le Maloya, en 1959. Cependant, le sénateur-maire Michel Fontaine n’a pas précisé que cette célébration date de « juin 1959, lors du congrès constitutif du PCR », a indiqué Paul Vergès. « C’est la première fois que la Maloya est joué en public, puis enregistré et on en a fait un disque », a précisé ce dernier.

L’histoire « mérite des explications »

Se rappelant la période durant laquelle le Maloya était interdit et la langue Créole prohibée, « d’après quelques souvenirs, je me rappelle un vice-recteur de La Réunion qui avait déclaré qu’il fallait fusiller le créole ». « Aujourd’hui, c’est exposé au public, cela montre tout le chemin parcouru », cependant « cela mérite des explications », a dit ce dernier.
Le sénateur s’est demandé « pourquoi est ce qu’il y a autant de publicité autour du Maloya ?". Face au manque d’explication, ce dernier a mis en exergue « le dynamisme des pratiques culturelles lors de l’esclavage, qui malgré tous les interdits se sont maintenues ». « Il ne faut pas être descendants d’esclave, où venir de Madagascar et du Mozambique » a expliqué Paul Vergès, pour célébrer le 20 décembre et le Maloya, « c’est désormais l’ensemble de la société qui les fêtent ».
Pour ce dernier, la richesse culturelle et l’Histoire de La Réunion pourraient intéresser les jeunes, car « il y a matière à étudier » et parce que « ces études passionneraient les jeunes, alors que ce qui caractérise leur génération c’est le silence de l’Histoire de La Réunion ».

« L’intégration et l’assimilation ont joué leurs rôles »

La langue, la culture et les pratiques religieuses des esclaves ont été pourchassées pendant des années, faisant disparaitre leur histoire et leur culture, a expliqué Paul Vergès. Ce dernier a assuré que « l’intégration et l’assimilation ont joué leurs rôles, les esclaves ont été enlevés à leur pays, ils ont travaillé et ont été convertis ».
Cependant, après l’esclavage, l’engagisme a pris place, créant un autre problème. Ainsi, les esclaves étaient considérés comme des objets et de l’autre les engagés des êtres humains, de fait « on a créé des divisions ».
Le système esclavagiste mit en place à La Réunion, « territoire vierge », est « unique dans l’histoire du monde ». D’autant plus qu’il a été codifié par le Code Noir, écrit par « l’une des figures de l’Histoire de France la plus saluée" : Colbert.
« Comment l’éducation nationale peut-elle tolérer qu’on célèbre Colbert dans les classes de primaire de La Réunion, sans dire ce qu’il a commis et qui est punit par la loi », notamment la Loi Taubira, sur l’esclavage crime contre l’humanité. D’ailleurs, l’esclavage n’a pas été réellement abolit en 1794, mais près d’un siècle plus tard, en 1848.

« Un changement mental considérable »

Cette Histoire de La Réunion a aujourd’hui des impacts sur la société, car au-delà des divisions, les inégalités persistent pour les descendants des esclaves, dont une bonne partie est touchée par le chômage et la pauvreté. Il est « nécessaire de bien organiser (scientifique, ndlr) la période de l’esclavage et de l’apprendre aux jeunes pour les armés mais aussi ouvrir la transformation de notre environnement », a expliqué Paul Vergès.
Ce dernier a pointé du doigt les descendants d’engagés qui retournent dans leur pays d’origine, avec “fierté”, grâce à des lignes aériennes, tandis que les descendants d’esclave n’ont pas cette possibilité, ni la conscience de s’y rendre.
Face à ces changements de comportements, « comment créer les conditions de l’intégration sociale à La Réunion, dans ce changement considérable d’état d’esprit ?", a posé le sénateur. Pour qui, « les mentalités imposées du temps de l’esclavage ne sont pas révolues, il n’y a qu’à voir le racisme ». Raisons pour lesquelles, « il faut que les Réunionnais, et les intellectuels, se saisissent de ces changements de l’Histoire de La Réunion » pour pouvoir marquer le 20 décembre de demain.

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