Patrimoine réunionnais

Le choca : Une matière première qui fait partie de notre Histoire

29 juillet 2004

La fête du choca, les 23, 24 et 25 juillet derniers à l’Entre-Deux, a été l’occasion de montrer combien il est intéressant de mettre en valeur ce patrimoine végétal, ce savoir-faire artisanal quelque peu oublié aujourd’hui. Paroles de Bambik...

Bambik - Jean-Daniel Payet à l’état-civil -, quand il parle du choca, le fait avec passion. Mais aussi avec colère. Animateur d’une association de valorisation du patrimoine, il est au chômage depuis un mois après avoir réalisé un gros travail sur cette matière première très utilisée, jusque dans les années 50, mais qui a quelque peu été écartée. "C’est un patrimoine oublié", gronde-t-il. "Peu d’historiens en parlent. Ils ne s’intéressent pas à la mémoire vivante". Toujours ce sentiment que l’oralité, le savoir-faire populaire, ne sont pas considérés à leur juste valeur.
Et pourtant, Bambik a le sentiment que "les Réunionnais commencent à prendre conscience de la valeur de leur patrimoine". Mais il regrette qu’il n’y ait pas eu une volonté de pérenniser les postes de l’association qui l’employait. "Ce n’est pas payant du point de vue électoral. Ce n’est pas trop bon de faire prendre conscience de leur Histoire aux Réunionnais", déplore-t-il.
L’homme connaît cependant bien son sujet. Il le prouve au micro de l’espace d’exposition qu’il anime au cœur de la fête du choca, avec son "dalon" Yannick Dijoux - une fête qui s’est déroulée, les 23, 24 et 25 juillet dernier à l’Entre-deux. Il ne parle pas du choca. Il le raconte et, en même temps, il fait vivre les hommes et les femmes qui ont façonné cette matière première.

Des moyens pour les associations

Cette connaissance, il l’a accumulée au fur et à mesure en discutant avec les hommes et les femmes qui ont utilisé la plante arrivée du Mexique. Les témoignages sont venus de tout le Sud-Ouest de l’île. "Un vrai parcours du combattant. Des gens continuent de m’apporter des témoignages", note Bambik. Comme cet homme qui lui a montré très récemment comment les anciens conservaient du feu pour la journée, en bourrant un morceau de choca évidé de la pulpe séchée qu’ils enflammaient et qui se consumait lentement.
Pour Bambik, avec l’utilisation du choca, l’Homme réunionnais a fait montre "de sa capacité à s’adapter pour survivre en s’appropriant son environnement". Il a utilisé le choca pour "réaliser des choses vitales", pour l’habitat, pour l’agriculture, pour l’habillement... (voir encadré) .
Quand Bambik parle du choca, difficile de l’arrêter. Il suggère que l’on donne des moyens aux associations qui militent pour la défense du patrimoine. En s’entourant évidemment de toutes les précautions nécessaires pour éviter les dérives éventuelles.
Il propose de "valoriser le choca sous son aspect patrimonial" par un diaporama et/ou un film en direction des scolaires. Il parle aussi d’un livre, afin de conserver une trace écrite "parce qu’aujourd’hui, on est toujours dans l’oralité".
Car pour lui, la culture, ce n’est pas seulement le maloya ou le séga, bien qu’il soit indispensable de les mettre en valeur, mais aussi le savoir-faire des hommes et des femmes qui ont contribué à construire ce pays.

L. M.


Le temps du "tout-choca"

Le choca, dans un passé relativement récent, a été une matière première d’importance. Il a été utilisé dans l’architecture pour les "sal vèrt", les dépendances, la charpente, les portes et fenêtres, la toiture... Pour fabriquer des objets usuels : couverts, échelles qui servaient également d’étagères pour le "farfar", aiguilles pour coudre ou "crayons" pour écrire sur les feuilles. Dans l’artisanat où la coque était transformée en masques pour les cérémonies ou en moule pour fabriquer des bougies...
Dans l’agriculture, il a servi de canalisation pour transporter l’eau d’un point à un autre, de support aux treilles de raisin et de chouchou, de clôtures pour les parcs "zanimo"... Le résidu qui restait après sa transformation en fibre était également utilisé comme engrais naturel. Il a même remplacé le crin de cheval au bout du chabouc.
Il a également été une matière première répandue dans l’habillement : vêtements, chaussons... Mais bien sûr tout le monde sait que la fibre de choca a été déterminante dans la fabrication des cordages et de la ficelle. C’est d’ailleurs, selon Bambik, la raison première de son introduction à La Réunion.
Si le choca n’a pas forcément été une bonne chose pour l’environnement parce que, venant de pays plutôt arides, il s’est développé exagérément dans un environnement tropical humide, il a aussi contribué à lutter contre l’érosion. Ne serait-ce que sous forme d’andains. Enfin et ce n’est pas la moindre de ses utilisations, durant les trois jours de la fête du choca, on a pu en déguster le cœur à toutes les sauces.


Savoir-faire de La Réunion

Dur de trouver savate à son pied

Des marchands qui viennent à La Ravine des Citrons et emmènent des sacs "goni" pleins de savates en choca pour les distribuer dans toutes les "boutik sinwa" de l’île, c’était il y 40 ans à peine. Autant dire hier. Mais aujourd’hui, la situation est beaucoup moins florissante. Il reste, dans cet écart de l’Entre-Deux, trois artisanes - et deux ou trois autres "fanées" dans la commune - qui fabriquent ces savates. Lesquelles n’ont plus, il est vrai, grand chose à voir avec celles de nos grands-mères.
"À cette époque", raconte Marie-Laure Payet (60 ans), "tout le village fabriquait des savates. Mais elles n’étaient pas aussi raffinées". Il est vrai que les produits proposés par Marie-Laure Payet sont très beaux, agrémentées de six fois deux rosettes en jours de Cilaos. Ce savoir-faire qu’exerce encore Marie-Laure Payet lui a été transmis par sa grand-mère, via sa mère. Cette dernière, à 80 ans, collabore encore en réalisant les broderies.
Il faut à Marie-Laure Payet trois jours pour réaliser une paire de savates. Hors extraction des fibres de choca qu’elle effectue avec son Noël d’époux.
Il ne faut donc pas s’étonner du prix de la paire de savates vendue 30 euros. Mais bon, il s’agit là de véritables œuvres d’art, du résultat d’un savoir-faire quasiment ancestral.
La travail est long et difficile, avoue Marie-Laure Payet qui produit une cinquantaine de paires de savates par an. C’est pourquoi ce savoir-faire risque de se perdre. À moins que l’Association des petits métiers de l’Entre-Deux, dont l’objectif est de "promouvoir et valoriser l’artisanat et les produits du terroir de l’Entre-Deux", ne trouve le moyen de "sauver les meubles". Comme cela a été fait à Cilaos pour la broderie, non sans difficultés toujours présentes.


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Messages

  • Marie-Laure Payet est-elle au courant que son nom est sur ce site ?

  • Bonjour,
    Je suis étudiant en design à la Design Academy à Eindhoven (Pays-Bas). Nous somme venus à La Réunion il y a quelques semaine déjà en vue d’un projet de collaboration avec les artisans de l’Entre-Deux (Choca, Bois et Pierre de basalte).
    Je m’intéresse à la production de Choca pour mon projet et je viens de découvrir cet article. De ce fait, je voulais savoir s’il était possible d’entrer en contact avec Jean-Daniel Payet pour plus d’informations, images à ce sujet.
    Cordialement,
    Romain.


Témoignages - 80e année


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