1er degré - Nouveaux programmes

Le créole, de “l’option” langue à l’exception

6 juillet 2007

À la rentrée 2007, les élèves du premier degré n’auront plus à choisir entre le créole et l’anglais comme langue vivante. Les nouveaux programmes ont tranché : la langue vivante sera étrangère et plus régionale. Loin de s’émouvoir de cette éviction du créole, le Rectorat, en plein cocktail de fin d’année, soutient, comme à son habitude, que l’option n’était de toute façon pas demandée.

Les nouveaux programmes ont supprimé la mention « régionale » pour ne proposer aux élèves du premier degré que la « langue vivante étrangère ».
(photo Toniox)

Bien loin de ces considérations et de l’inquiétude manifestée par les signataires de la lettre ouverte, (ci-joint) le Recteur faisait hier son discours de fin d’année, à grand renfort de coupes et de petits-fours. A l’écouter, tout baigne...

Reste l’expérimentation

Comme le confirme Béatrice Moreau, chargée de communication du Rectorat, les nouveaux programmes ont supprimé la mention « régionale » pour ne proposer aux élèves du premier degré que la « langue vivante étrangère. » Analysant que le créole entrait en concurrence avec l’anglais, Béatrice Moreau souligne que l’option de la langue régionale n’a été retenue que par une seule classe à Saint-Paul pour 1 heure 30 d’enseignement hebdomadaire dans le primaire. « Cette possibilité est de toute façon très peu utilisée et cela n’enlève rien au reste du dispositif. » On pourrait déplorer que l’Académie ne fasse aucun effort pour informer les parents sur l’objectif de l’enseignement du créole, ses modalités..., mais nous ne nous laisserons pas tenter par un procès qui serait pourtant justifié. Le texte national réduit certes le champ des possibilités, et le Rectorat n’a pas l’intention d’intervenir. Pour lui, il existe toujours l’article 34 qui permet l’expérimentation du créole à partir d’un projet de classe ou d’établissement. De l’option, on passe donc à l’exception. Autre conséquence directe, la suppression de l’habilitation qui permet aux enseignants du premier degré qui le souhaitaient d’avoir la possibilité d’enseigner le créole en primaire.

« Deux langues pour un enseignement »

On retrouve dans cette décision et modification des programmes la volonté du Président de la République de ne favoriser que les enseignements considérés « rentables ». Pourtant, parvenir à dissocier correctement le français et le créole en permettant d’éviter les phénomènes d’interlangue, très courants chez les élèves réunionnais, est rentable aussi bien en faveur de l’apprentissage du français, priorité académique, que du créole. Fabrice Georger, doctorant en Sciences du Langage, chargé de mission LCR pour le premier degré au Rectorat, a d’ailleurs publié dernièrement aux éditions Tikouti, un essai intitulé “Créole et français : Deux langues pour un enseignement” où il constate à partir d’une expérience menée dans une classe maternelle bilingue que comparativement à une classe traditionnelle, les élèves de la classe bilingue ont une meilleure prise de parole, parviennent à mieux structurer leur discours et à mieux distinguer les deux langues. Nous reviendrons très prochainement sur cet essai dont les conclusions méritent d’être prises en compte dans l’intérêt des élèves de l’Académie.

Stéphanie Longeras


Lettre ouverte au Recteur de La Réunion

Pour le rétablissement de l’enseignement des langues et cultures régionales dans les programmes du 1er degré

« Monsieur le Recteur,

Puisque certains courriers que nous vous adressons ne vous parviennent pas, nous nous voyons contraints de vous envoyer ce message par la voie de la lettre ouverte. D’autant que la situation est grave. Il nous semble même qu’il y a urgence. Nous espérons que vous comprendrez la nécessité pour nous d’adopter cette voie.
Depuis quelques années, les programmes du premier degré comportaient un chapitre intitulé "Langues vivantes étrangères et régionales". Cette disposition permettait une prise en compte du créole réunionnais dans la scolarité de nos élèves. Or, nous découvrons avec inquiétude que la mention "Langues régionales" a disparu des nouveaux programmes et que vos services ont supprimé le test de pré-habilitation permettant aux professeurs des écoles qui le désirent d’envisager une spécialisation à l’enseignement de la Langue et de la Culture Réunionnaises (LCR).
Nous sommes tentés de voir dans cette mesure, tout d’abord, un obstacle de plus à l’enseignement de notre langue régionale, deuxièmement, une régression de la pédagogie à un stade où la peur de la langue et de la culture créoles provoquait le désarroi des maîtres et la crainte des parents. Serions-nous devant un commencement de destruction des dispositions pédagogiques qui montraient pourtant de plus en plus de résultats positifs sur l’apprentissage du français et des autres disciplines ?
Monsieur le Recteur, nous espérons que cette mesure n’est pas l’effet d’une mauvaise appréciation de l’attitude des parents et du grand public. Si certains acteurs sociaux prétendent que la population manifesterait une hostilité vis-à-vis de notre langue et culture créoles, les sondages à notre disposition établissent en effet de manière claire qu’il existe une réelle demande sociale pour une pratique raisonnable du créole, pratique qui améliore, pour de nombreux élèves, celle du français, des autres langues et l’apprentissage des autres matières.

Les nouveaux programmes précisant que « les élèves dont le français n’est pas la langue maternelle peuvent, lorsque cela est possible, bénéficier d’un soutien linguistique dans leur langue (souligné par nous) afin de tirer le meilleur profit de leur bilinguisme », la possibilité existe donc pour que l’enseignement de la langue créole de La Réunion se poursuive encore au Primaire à la rentrée prochaine, et nous vous demandons de réunir d’urgence le Conseil Académique de la Langue Régionale pour que, ensemble, nous étudiions les modalités d’application de ce texte en attendant le rétablissement de l’enseignement des langues et cultures régionales dans les programmes.

Veuillez agréer, Monsieur le Recteur, l’expression de nos salutations respectueuses. »

Pour Ankraké, la Présidente, Laurita Alendroit-Payet ;
Pour la FCPE-Réunion, le Président, Benoît Blard ;
Pour la FSU, le Secrétaire départemental, Christian Picard ;
Pour l’Office de la Langue créole de La Réunion, le Président, Axel Gauvin ; Lambert-Félix Prudent, Directeur d’une unité de recherche CNRS.
Pour le SGEN, le Secrétaire départemental, Jean-Louis Belhotte ;
Pour le SNES, le Secrétaire départemental, Michel Zervetz ;
Pour SUD éducation Réunion, Joël Grouffaud ;
Pour Tikouti, la Présidente, Laurence Daleau ;
Pour l’UDIR, le Président, Jean-François Sam-Long.

Langue créole à l’école

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Messages

  • Lo poder UMP es sempre estat contra l’ensenhament de las lengas de França. Es un poder bonapartista e ultra-nacionalista d’expansion : l’administracion zo sap e coma l’admibnistracion es programada per destrusir las lengas de França, tre que lo poder dona signes contra las lengas, l’administracion contunha lo seu trabalh de lingüiscidi.
    La sola solucion per las lengas de França es un sistèma d’ensenhament del Conselh Regional, independent de París o que París considerarà coma privat. Un servici universal e laïc, mas que serà un vertadièr "servici public" (pas un "servici d’Estat" coma es l’« Éducation Nationale »)

    Le pouvour UMP a toujours été contre l’enseignement des langues de France. C’est un pouvoir bonapartiste et ultra-nationaliste d’expansion : l’administration le sait et comme l’administration est programmée pour détruire les langues de France, dès que lo pouvoir donne des signes contre les langues, l’administration continue son travail de genocide culturel.
    La seule solution pour les langues de France es un système d’enseignement du Conseil Régional, independant de París ou que París considère comme privé. Un service universel et laïque, mais qui sera un vrai "service public" (pas un "service d’État" comme est l’« Éducation Nationale »)

    Voir en ligne : Service public ?

    • Ce message comporte des idées intéressantes. Pourquoi pas, en effet, un enseignement de langue régionale par le biais d’une convention entre l’Etat et la région, comme cela se fait en corse.(voir l’article sur l’enseignement du corse dans Témoignages du 09/07/07).
      Par ailleurs, il faudra bien que les partisans des langues régionales unissent leurs efforts afin que chaque langue puisse avancer et ne pas risquer à tout moment de se voir effacée de l’enseignement par un éventuel coup d’état culturel. Donc, au travail, sur internet et autrement, que l’on se rencontre, qu’on confronte nos expériences et quel’on s’enrichisse mutuellement.
      Autre information : il devrait y avoir une circulaire sur les langues régionales en septembre mais alors pourquoi nous avoir zappés en juin ?

  • Je me joins aux signataires de la lettre pour dire combien je suis choqué et révolté par cette décision de Monsieur Le Recteur. Toutes les expériences connues à ce jour, bilinguisme dans les écoles maternelles et primaires montrent que l’ensemble des élàves non seulement ne sont pas en retard mais souvent plus à "l’aise" dans le parler des deux langues. Je ne souviens d’avoir entendu Nicolas SARKOZY annoncé à PARIS devant nos élus UMP et l’ensemble des dirigeants UMP de LA REUNION, d’avoir promis qu’une institution serait créée dans la région parisienne pour permettre aux Domiens d’apprendre notre langue maternelle : le créole. Parole ! Parole !
    Avec mes salutations créoles.

    Aimé TECHER Président association défense des chômeurs créoles.

  • Bonjour,

    J’ai repris votre lettre ouverte sur le site du Pacte des Langues
    http://pactedeslangues.com/spip.php?article10234

    Les problèmes que vous rencontrez à la Réunion sont similaires à la politique pratiquée en métropole par le gouvernement Fillon sur les langues régionales dont l’enseignement, notamment en classes bilingues, est aujourd’hui remis en cause.

    Unissons nos efforts.

    Pierrick le Feuvre
    - Modérateur du Pacte des Langues

    Voir en ligne : Sur le Pacte des Langues

  • Dans son édition du samedi 07/07/07 le journal le quotidien nous informe que le ministère dément avoir voulu éliminer l’enseignement de la langue créole de l’enseignement primaire. Selon les informations en possession de ce journal, un dispositif particulier aux LCR serait pris en septembre. Donc, une bonne nouvelle en apparence qui n’explique pas les silences et les déclarations contradictoires et l’absence apparente d’informations des services du rectorat ainsi que les décisions hatives prises, notamment celle de ne pas habiliter des professeurs des écoles volontaires à enseigner le créole. de même le renvoi à l’article 34 sur l’expérimentation. A quand l’enseignement en vrai et non seulement de façon expérimentale.
    A notre avis, il faut faire preuve de vigilance car il est évident que notre créole ne compte pas que des amis dans l’administration et les milieux conservateurs. Il vaut mieux ne pas se réfugier dans le giron de l’ennemi (sa propre administration ?) mais créer en faveur de la langue créole de la maternelle à l’université un point de non retour à l’obscurantisme.
    Un détail pour finir.Le journal le quotidien a trouvé pourquoi il y a un inconvénient à l’enseignement en option du créole et il est le suivant : le risque d’alourdir les cartables. Il y a décidément de la matière grise en plein bouillonnement.


Témoignages - 80e année


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