Demain, Journée internationale de la langue créole

Le créole : la langue du peuple réunionnais

27 octobre 2011

À La Réunion, la langue parlée est liée à l’appartenance à une classe sociale. Le français reste la langue des plus riches, tandis que le créole est la langue la plus utilisée par la majorité de la population. A noter qu’à La Réunion, le français n’est la langue maternelle que de 8% de la population, mais c’est pourtant la langue de l’enseignement. Voici des données publiées par l’INSEE sur le lien entre langue parlée et classe sociale, extrait du numéro 137 de la revue “Economie de La Réunion”.

« Plus de la moitié des Réunionnais parlent aujourd’hui encore uniquement le créole, ce qui en fait de loin la langue régionale la plus utilisée dans les Départements d’Outre-mer. Durant l’enfance, huit Réunionnais sur dix ne parlaient que créole. Ils sont en moyenne plus âgés que les autres et d’origine plus modeste, ils avaient peu l’habitude de lire durant leur enfance. Ceux qui ne parlaient que français sont peu nombreux (8%) et sont généralement plus jeunes et issus de milieux plus aisés où la lecture était régulièrement pratiquée dans le cadre familial. Le bilinguisme, peu fréquent durant l’enfance, est pratiqué aujourd’hui par 38% des Réunionnais âgés de 16 à 64 ans.

Parler créole est particulièrement répandu à La Réunion, bien plus que dans les autres Départements d’Outre-mer. La grande majorité des Réunionnais ne parlaient ainsi que créole durant leur enfance : c’est le cas de huit personnes sur dix parmi celles âgées aujourd’hui de 16 à 64 ans et nées dans le département. Celles qui ne parlaient que français sont rares (8%), de même que les bilingues (11%). À La Martinique ou en Guadeloupe, les créolophones exclusifs sont minoritaires, puisque respectivement 17% et 29% des natifs ne parlaient que créole à l’âge de 5 ans.
Cependant, les anciennes générations sont plus fortement imprégnées par la pratique du créole que leurs cadets. Neuf Réunionnais de plus de 50 ans sur dix déclarent n’avoir parlé que créole à la maison enfant, et bien que cette pratique soit moins fréquente chez les jeunes, elle reste toutefois prépondérante : 70% des moins de 30 ans ont vécu la même situation. À l’âge adulte, la pratique exclusive du créole perdure, puisque 53% des Réunionnais ne parlent encore aujourd’hui que créole dans la vie de tous les jours.

Les créolophones sont plutôt âgés et d’origine modeste…

La population qui ne parlait que créole durant l’enfance a souvent vécu dans des conditions modestes. Ainsi, un quart déclare que leurs parents ne s’en sortaient pas financièrement et la moitié qu’ils s’en sortaient juste. La situation des parents au regard de l’emploi, en termes d’activité ou de métier exercé, explique en partie ces difficultés financières. Ainsi, seulement 70% des pères occupaient un emploi (84% pour les autres populations), et pour la moitié d’entre eux, il s’agissait d’un métier manuel, le plus souvent ouvrier ou agriculteur. La moitié des mères n’avaient quant à elles jamais travaillé.
Les créolophones exclusifs sont plus âgés et sont donc issus de générations où vivre dans une famille nombreuse était la norme. Plus de la moitié d’entre eux ont ainsi vécu durant l’enfance dans des familles d’au moins 6 enfants. Cette caractéristique perdure néanmoins au-delà du phénomène générationnel, puisque les plus jeunes aujourd’hui (moins de 30 ans) appartenaient encore majoritairement à des familles d’au moins 4 enfants.
Les créolophones viennent de familles où on lisait peu, puisque seulement 15% de leurs mères lisaient régulièrement lorsqu’ils étaient enfants. Par répercussion, moins de 20% d’entre eux lisaient régulièrement durant leur enfance. Géographiquement, les créolophones habitaient plus souvent dans les Hauts de l’île, la moitié d’entre eux déclarant y avoir vécu enfant.

… et les francophones plutôt jeunes issus de milieux aisés

Les natifs réunionnais qui ne parlaient que français chez eux durant leur enfance sont très minoritaires (8%). Ils sont particulièrement jeunes, les deux tiers ayant aujourd’hui moins de 30 ans. Ces personnes ont vécu leur enfance dans des familles moins nombreuses, puisque les deux tiers comptaient moins de 4 enfants. Ils habitaient plutôt dans les Bas.
Contrairement aux créolophones, les francophones exclusifs sont souvent issus de familles aisées. Près des trois quarts d’entre eux déclarent que leurs parents étaient riches ou à l’aise financièrement. Le confort financier est confirmé par l’activité des parents : plus des deux tiers des mères travaillaient, ce qui en fait de loin le groupe où les taux d’emploi des mères sont les plus importants. Les pères avaient quant à eux des taux d’emploi équivalents à ceux des personnes du groupe franco/créolophones (84%), mais le type d’emploi exercé est un peu différent. Les pères étaient plus souvent cadres ou de profession intermédiaire qu’ailleurs, tandis que les ouvriers étaient beaucoup plus rares. Les emplois qu’ils exerçaient induisent plus fréquemment l’utilisation de l’écrit dans le cadre du travail.
Dans ce groupe de personnes, les habitudes de lecture sont généralement prises dès l’enfance : plus de la moitié des mères lisaient au moins régulièrement, et 40% des francophones lisaient eux aussi régulièrement durant leur enfance.
Les franco-créolophones sont en situation intermédiaire. Environ 11% des natifs réunionnais de 16 à 64 ans utilisaient le français et le créole à la maison durant leur enfance. La moitié d’entre eux a moins de 30 ans, et ils sont globalement plus jeunes que les créolophones, mais plus âgés que les francophones. Leur situation financière est également intermédiaire, plus pauvre que les francophones, mais plus aisée que les créolophones. Il en va de même pour l’ensemble des caractéristiques étudiées.


Les études favorisent l’évolution vers le bilinguisme

La langue pratiquée durant l’enfance n’est pas forcément celle que l’on utilise à l’âge adulte. Les deux sont toutefois extrêmement liées. Par exemple, près des deux tiers de ceux qui ne parlaient que créole enfant ne parlent que créole actuellement. Néanmoins, des changements interviennent au cours de la vie, et un tiers de ceux qui ne parlaient que créole durant l’enfance parlent français et créole aujourd’hui.
Il y a ainsi une redistribution des personnes entre les groupes, plus particulièrement des créolophones vers les franco-créolophones. Tandis que la langue pratiquée dans le cadre familial durant l’enfance était pour 81% des Réunionnais interrogés le créole seul, ils ne sont plus actuellement que 53% à ne parler que créole dans la vie de tous les jours. La proportion de personnes parlant français et créole a quant à elle fortement augmenté : 38% des Réunionnais parlent aujourd’hui les deux langues dans leur vie de tous les jours contre 11% lorsqu’ils étaient enfants. Par contre, la proportion de natifs réunionnais parlant uniquement le français durant leur enfance et actuellement reste stable, autour de 8-9%.
La trajectoire de la langue parlée est en partie liée au niveau d’étude, la langue utilisée pour les études étant le français. Ainsi, ceux qui ont fait des études parlent français (ou créole/français), tandis que ceux qui ne parlent que créole sont souvent les moins diplômés.


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