Colloque organisé par la Région, Lofis la lang

Le créole réunionnais et la question orthographique

28 mai 2009

Éclairages pluridisciplinaires pour une orthographe fonctionnelle et consensuelle du créole réunionnais.

Hier, première journée pour ce colloque, le 4e organisé par Lofis la lang. A l’ouverture, le président de cette structure, Axel Gauvin expliquait que c’était un grand moment, parce que cela représente un pas de plus dans la longue marche du créole réunionnais dans sa quête de codes et de principes orthographiques. Un colloque dans lequel se retrouvent de nombreux partenaires : la Région, mais aussi le CHArt, laboratoire de recherches de l’université de Paris 8, l’Université de La Réunion et notamment le laboratoire de recherches et d’études créolophones et francophones, affilié au CNRS, le CCEE et de nombreuses associations comme Tikouti.

Axel Gauvin rappelait les missions de Lofis La lang : A LOFIS, nous pensons que le français et le créole doivent être partenaires. Il ne s’agit pas de remplacer l’une par l’autre, ni de dénigrer l’une au profit de l’autre. L’Office de La Langue Créole La Réunion est une association née des rencontres à l’issue des journées de la culture organisées par la Région en 2004. Dans l’atelier consacré à la Culture et la Langue, nous avons assisté à un affrontement d’idées. Certains étaient pour une revendication à tout craindre avec même l’application stricte des lois qui existent déjà. Et d’autres étaient pour une philosophie différente : changer les représentations. Le créole possède une place considérable dans notre société. Dire qu’il est complètement dévalorisé serait faux : on chante en créole, on écrit en créole, on compose en créole, on enseigne déjà en créole. En revanche, il y a malgré tout un déficit de représentation et notre travail consiste à valoriser la langue créole. De ces journées est née LOFIS avec l’aide de la Région. C’est d’ailleurs le 3 mars 2006 dans l’hémicycle de la Région que les choses se sont décidées. Ensuite, l’association a été créée. Notre philosophie peut se décliner en quelques mots : Valoriser, bien sûr, mais pour cela il faut comprendre. Pour comprendre c’est la discussion, nous faisons intervenir des experts. Il faut comprendre, il faut observer. Nous possédons un important programme de sondage et d’enquêtes. Observer, comprendre, convaincre, reste maintenant servir. Nous voulons par notre action et grâce aux partenariats, servir la langue. Ce qui veut dire, servir les gens qui parlent la langue.

Radjah Véloupoulé, président de la commission de l’épanouissement au conseil régional rappelait le partenariat privilégié existant entre la Région et Lofis. La Région soutient la langue créole par sa valorisation, sa promotion, la reconnaissance de ses expressions culturelles et le renforcement de son usage. Il s’agit dans ce cadre de promouvoir le bilinguisme, d’améliorer les conditions de transmission de la langue et de l’écriture, de développer leur usage et de soutenir les diverses formes d’expression culturelles via l’enseignement de cette langue dans les établissements scolaires. Par conséquent, la Région a toujours encouragé le travail entrepris par "Lofis la lang" dont la mission principale, (outre de permettre à la Région de conduire une politique régionale linguistique ambitieuse), est de proposer et de mettre en œuvre des actions destinées à promouvoir la langue créole dans le cadre d’un bilinguisme français /créole harmonieux. Il rappelait que la structuration de la langue française avait connu un parcours de 240 ans, et que cette langue continue d’évoluer. Il rendait hommage à tous ceux qui oeuvraient pour l’émergence de la langue réunionnaise, « nou tout met la main ansamn pou détak la lang et demay lo ker ».


Un sondage Ipsos sur la langue créole

Fabrice Georger, habilité à enseigner la Langue et Culture Réunionnaises (LCR), il a mis en place un enseignement bilingue en maternelle à La Réunion pendant 3 ans. Doctorant en sciences du langage, coauteur de “Oui au créole, oui au français” ; auteur de “Créole et français : deux langues pour un enseignement” et coordonnateur du Conseil scientifique de Lofis la Lang Kréol La Rénion), il a intitulé son intervention : "Analyses d’écritures spontanées du créole dans un corpus recueilli et catégorisé dans le cadre d’une enquête Ipsos-Lofis". En mars et avril 2007, Ipsos Réunion a donc réalisé pour le compte de Lofis la lang Kréol La Rénion un sondage auprès d’un échantillon de 505 personnes représentatives de la population réunionnaise. Ce sondage concernait en partie l’écriture de la langue créole. 71% des personnes interrogées ont déclaré écrire occasionnellement ou régulièrement en créole. 80% de ces scripteurs ont accepté de se soumettre à un test d’écriture après écoute d’une phrase pré-enregistrée d’une vingtaine de mots. Les 361 échantillons d’écriture récoltés, représentatifs des habitudes d’écriture spontanées des Réunionnais, sont riches d’enseignement. Il a ainsi présenté les statistiques réalisées à partir de ces écritures spontanées, les a analysées, tout en prenant garde aux conclusions hâtives sur ce que devrait être une orthographe du créole réunionnais, il a également tenu à ne pas faire dire aux chiffres ce qu’ils ne disent pas. Et de proposer des pistes de recherches complémentaires.


Les interventions du mercredi

Charles Tijus est professeur de psychologie cognitive à l’Université Paris VIII, directeur du Laboratoire E.A. 4004 "Cognitions Humaine et Artificielle". (...) Il évoquait les liens entre le parler et penser créole et une sorte d’entrée en dissidence, on se distingue en parlant créole, mais aussi on se rassemble ; On se différencie mais on se regroupe. Différencier ce qui est créole de ce qui ne l’est pas. Et de conclure sur le fait que l’on peut aussi orthographier des concepts.

Daniel Wattin, directeur de LCF (laboratoire d’études et de recherches créolophones et francophones de l’Université de La Réunion), affilié au CNRS soulignait l’importance que revêt un tel colloque pour l’université. Il rappelait que vers 1970 étaient apparues les premières descriptions systémiques du créole. Et de conclure sur la volonté de l’université de continuer le partenariat avec Lofis.

Marie-Christine Hazaël-Massieux, professeur de linguistique à l’Université Aix-Marseille, a ouvert ce colloque sur ce thème : "De la transcription à l’orthographe". Pour elle, l’accès à l’écriture d’une langue se fait selon différentes étapes : bien avant de songer à une orthographe fonctionnelle, on commence par une transcription phonétique, qui fait d’ailleurs apparaître clairement le fait que tout le monde ne prononce pas de la même façon. Faut-il choisir dès lors une prononciation, faut-il tenir compte de toutes les prononciations (...). Des questions culturelles, sociales, politiques, voire historiques et anthropologiques se posent à ceux qui essayent de doter une langue (nouvelle) d’un système graphique cohérent et efficace pour la communication. (...) On ne parlera d’orthographe que beaucoup plus tard, quand après avoir trouvé un système graphique à peu près accepté par tous. (...)

• Teddy Gangama
, poète, auteur de pièces de théâtre, de contes (Zamal Game, Dékolonant pa nou), a aussi écrit articles scientifiques traitant de la situation du réunionnais ou du thème du maloya, musique traditionnelle relevant du champ de la littérature orale. Responsable d’un magazine bilingue créole/français, il est intervenu sur le thème : "La graphie, l’agraphie du créole réunionnais : état des lieux". Il s’agissait de faire un état des lieux des quatre graphies les plus utilisées pour écrire le réunionnais, en regard de leur apparition chronologique et de leur utilisation dans le champ littéraire et artistique réunionnais. (...)

Philippe Fabing, directeur de recherche des sondages IPSOS-Lofis sur le créole, et aujourd’hui co-gérant associé de SAGIS sarl – Réunion, société spécialisée dans la collecte et le traitement d’informations et de données a évoqué la question des représentations des Réunionnais sur les écritures du créole. Car, à l’occasion de deux enquêtes réalisées auprès de la population Réunionnaise, il a été possible de collecter à la fois des avis, mais aussi des "extraits de pratiques" de lecture ou d’écriture en langue Créole (collectes "d’échantillons d’écriture" et enregistrement "d’échantillons de lecture"). Différentes options de graphies ont ainsi été soumises à l’appréciation des personnes interrogées (1000 en tout, dont 500 sur les pratiques d’écriture et de lecture). (...)

• Claire Lalevée-HUART est en thèse de sciences du langage sous la direction d’Anne Vilain au Département Parole et Cognition, laboratoire GIPSA-Lab (UMR 5216), Université Stendhal Grenoble. Elle a développé le thème : "Quelle graphie du créole réunionnais pour une facilité de lecture orale ?" Ce travail a eu pour but d’évaluer la graphie la plus adaptée à la lecture du créole du réunionnais dans le cadre d’une réforme de l’orthographe de celui-ci. (...)

Mylène EYQUEM, formatrice à l’IUFM, puis maître de conférences en Sciences du langage à l’Université de La Réunion, elle poursuit ses travaux concernant la description des pratiques et usages de locuteurs réunionnais en particulier en milieu urbain. Son intervention portait sur le thème : "Graphies d’enseignes commerciales réunionnaises : efficacité pragmatique et communication créole moderne". Longtemps cantonné à la sphère privée, objet de minoration voire de stigmatisation dans les situations formelles, le créole réunionnais se risque à apparaître aujourd’hui dans des lieux où il n’était guère de mise auparavant, notamment dans les espaces publics convenus. (...) Plus inhabituel, il se montre parfois sous une version écrite. En effet, on voit à présent fleurir à La Réunion des publicités sous forme d’affiches, de tracts, de spots télévisuels. (...)

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